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12/04/2017

Cardinal Pie : L'esprit de renoncement est la base de la vie chrétienne

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« Nous vous l'avons dit plusieurs fois, Nos Très Chers Frères, et nous vous le répétons maintenant les larmes aux yeux : beaucoup d'hommes parmi nous sont ennemis de la Croix de Jésus-Christ ; pour eux le terme fatal sera la damnation ; leur Dieu, c'est leur ventre ; et n'ayant de goût que pour ce qui est charnel et terrestre, ils placent leur gloire dans ce qui fait leur confusion (Philipp. III, 18, 19) ». Cette opposition, cette aversion pour la croix, cette idolâtrie de soi-même, de ses aises, de ses jouissance de toute espèce, ce culte effronté du plaisir du plaisir et de l'intérêt privé, c'est le principe de tous nos maux, c'est la racine de tous les désordres, c'est la source intarissable d'où dérivent toutes les calamités de notre temps et de notre société. Aussi ne saurions-nous résister à l'impulsion intérieure de la conscience et du devoir., et venons-nous vous parler aujourd’hui d'une vertu sans laquelle on n'est pas chrétien, et qui pourtant est à peine connue de la plupart de ceux qu'on appelle chrétiens : nous venons vous parler de l'esprit de renoncement et du sacrifice, et pour mieux dire encore, de l'esprit du crucifiement.

L'esprit de renoncement est la base de la vie chrétienne.

Et si vous m'arrêtez dès ce premier début, en m'objectant que notre siècle est trop positif pour prendre goût à ces perfections mystiques qui ont saintement passionné les âmes à d'autres époques, je vous réponds avec assurance que le Calvaire aussi est un fait et un principe trop positif, et qui occupe une trop grande place dans l'économie du christianisme pour qu'il nous soit loisible de le renverser afin d’accommoder la morale de son adorable victime aux mœurs amollies et aux tendances dépravées de notre temps ; et je vous affirme que l’Évangile ne se laissera point réformer par l'esprit de ce siècle, mais que c'est le siècle qui doit se réformer, jusqu'à ce qu'il retrouve d'accord avec ce code invariable au terme duquel l'abnégation de soi, la mortification de la chaire forme la base la plus fondamentale et la plus nécessaire de la vie chrétienne. J'ajouterais que la félicité publique ne s'entretient que par ces mêmes vertus qui nous rendent conformes au divin modèle, et que la société humaine est impossible sans ce même esprit de sacrifice qui nous fait marcher sur les traces de Jésus-Christ.

Car, sachons-le bien, Nos Très Chers Frères, le christianisme n'est autre que la vie de Jésus-Christ reproduite dans ses disciples. Qui dit chrétien, dit un autre Christ : Christianus, alter Christus. Or, ouvrez l’Évangile, et voyez ce qu'est Jésus-Christ, c'est une crèche pauvre ; c'est une croix douloureuse ; c'est, entre cette crèche et cette croix, trente années d'abnégation et de sacrifice. Jésus-Christ, c'est la lutte à mort contre la chair, contre le péché ; c'est la guerre à outrance contre le monde. Certes, un tel exemple est assez éloquent, et il semble que l'Homme-Dieu n'avait plus besoin de paroles pour établir sa doctrine.
Cependant, écoutez cet oracle du Maître : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce soi-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive. » (Mt XVI, 24) Les évangélistes ne différent dans la reproduction de cette sentence solennelle que pour y ajouter plus de poids : « Si quelqu'un veut venir après Moi, qu'il se renie lui-même », est-il dit dans saint Marc (Mc VIII, 34), « Et qu'il porte sa croix tous les jours », ajoute saint Luc (Lc IX, 23). Le Maître continue : « Celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n'est pas digne de moi (Mt X, 38) » ; et ailleurs : « Et si quelqu'un ne porte pas le fardeau de sa croix à ma suite, il ne peut pas être mon disciple (Lc XIV, 27) ». Avouons-le, Nos Très Chers Frères, de semblables paroles ne veulent pas de commentaire ; et les raisonnements les plus spécieux de l'égoïsme et du sensualisme ne prévaudront jamais contre elles. Le chemin de quiconque veut suivre Jésus-Christ, de quiconque veut se rendre digne de Jésus-Christ, de quiconque veut être disciple de Jésus-Christ, c'est le chemin du renoncement à soi-même, c'est le chemin de l'immolation, c'est le chemin du Calvaire. Il n'y aura jamais d'autre christianisme que celui qui a été ainsi défini par son auteur.

Et d'ailleurs, quel est le fond de la morale chrétienne, et ne repose-t-elle pas manifestement tout entière sur la pratique du crucifiement, comme tout le dogme repose sur le mystère de la croix ? La doctrine de Jésus-Christ, envisagée dans ses caractères principaux, c'est la pénitence, c'est la pureté, c'est la charité. Or, ces vertus ne sont-elles pas absolument incompatibles avec l'immortification, la sensualité, l'égoïsme, et n'est-il pas évident qu'elles ne peuvent exister qu'autant que l'esprit prévaut sur la chair et que l'intérêt particulier se tait pour faire place au dévouement ? Prenez l'un après l'autre tous les devoir du chrétien, et vous reconnaîtrez qu'il n'en est pas un seul qui ne présuppose l'accomplissement du précepte premier de Jésus-Christ : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce, qu'il se renie soi-même ; qu'il prenne sa croix, qu'il la porte tous les jours et qu'il me suive. »

 

Extrait de "Instruction pastorale sur l'esprit de renoncement et de sacrifice" (Card Pie. Discours Choisis. Bruxelles : De Lannoy. 1924. 9-12)

> Autres extraits de l'Instruction pastorale sur l'esprit de renoncement et de sacrifice du Cardinal Pie

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