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21/08/2015

Extraction de sable: la ruée vers l'or jaune

Quand il n’est pas, de façon « légale », ramassé à la pelle, quand il n’est pas aspiré dans la mer au moyen de bateaux-dragueurs, le sable est pillé. Depuis quelques années, les fabricants de béton, les cimentiers, les entreprises de l’industrie agro-alimentaire, les fabricants de verre se ruent vers le sable. Les pays émergents, la Chine, construisent partout, les demandes explosent. La disparition de millions de tonnes de sable chaque année menace le littoral car les dunes de sable en mer disparaissent. Tout le littoral français est concerné. Dans les côtes d’Armor, en Bretagne, un projet d’extraction de sable fait hurler la population toute entière.


Reportage Armel Joubert des Ouches

 

 

Source: « Pilleurs de sable » : la ruée vers l’or jaune

19/06/2015

Le paradoxe écologique du globe-trotter et du JMJiste

C'est à la fin de cette vidéo qu'on en comprend le sens.

17:20 Publié dans Environnement | Tags : jmj | Lien permanent | Commentaires (0)

18/06/2015

Saint Bonaventure - Itinéraire de l'âme à Dieu - Chapitre II

 

Saint Bonaventure

Ordre des Frères Mineurs--Cardinal-Évêque d'Albane--Docteur de l’Église

Itinéraire de l’Âme à Dieu

 

PROLOGUE.

CHAPITRE PREMIER. Des degrés d'élévation à Dieu, et de la contemplation du Seigneur par les traces de sa puissance créatrice.

CHAPITRE II.De la contemplation de Dieu dans les traces de sa présence imprimées en ce monde sensible.

CHAPITRE III. De la contemplation de Dieu par son image gravée dans les facultés naturelles de notre âme.

CHAPITRE IV. De la contemplation de Dieu en son image reformée par la grâce divine.

CHAPITRE V. De la contemplation de l'unité divine par son nom principal, qui est l’ETRE.

CHAPITRE VI. De la contemplation de la Trinité bienheureuse en son nom, qui est SOUVERAINEMENT BON.

CHAPITRE VII. Du ravissement spirituel et mystique, dans lequel le repos est donné à notre intelligence et notre affection passe tout entière en Dieu.

 

CHAPITRE II.De la contemplation de Dieu dans les traces de sa présence imprimées en ce monde sensible.

 

Mais ce n'est point assez de contempler Dieu dans le miroir des choses créées comme en autant de vestiges de son action divine, il faut encore le considérer en tant qu'il est en ces mêmes choses par son essence, sa puissance et sa présence; et cette considération est plus élevée que la précédente. Nous la plaçons donc en second lieu, comme étant le second degré qui nous conduit à la contemplation de Dieu dans toutes les créatures à qui nos sens corporels donnent accès en notre âme.

 

Remarquons-donc que ce monde sensible, appelé le grand monde, pénètre dans notre âme, appelée le petit monde, par les portes de nos cinq sens, selon que nous appréhendons les objets du dehors, que nous nous en réjouissons et que nous les discernons. En effet, en ce monde, il y a des choses productrices, d'autres qui sont produites, et d'autres enfin qui dirigent et gouvernent les unes et les autres. Les choses productrices sont les corps simples, ou autrement les corps célestes et les quatre éléments. La vertu de la lumière réunit les choses opposées contenues dans les éléments, les mélange, leur imprime la puissance génératrice, et leur fait produire ce qui est conforme à leur nature. Les choses produites sont les corps formés des éléments divers, comme les minéraux, les végétaux, les animaux et les corps humains. Les substances qui régissent les deux dernières espèces sont spirituelles, et quelquefois elles ne font qu'un avec les corps , comme dans les animaux; ou elles en sont distinctes malgré leur union avec eux, comme dans les hommes; ou elles en sont entièrement séparées : tels sont les esprits célestes, que les philosophes appellent intelligences et à qui nous donnons le nom d'anges. A ces esprits appartient, selon les mêmes philosophes, de mouvoir les corps célestes et par là de gouverner l'univers, après avoir reçu de la cause première , qui est Dieu , la puissance d'action nécessaire à l'accomplissement d'une telle charge. Selon les théologiens, le gouvernement du monde est également confié à ces esprits par un commandement du Dieu suprême, mais en ce qui concerne l’œuvre de notre rédemption; d'où ils sont appelés des esprits envoyés pour servir et aider ceux qui doivent être les héritiers du salut (1).

 

1 Hebr., 1.

 

L'homme , qui est nommé le petit monde , a cinq sens, qui sont comme autant de portes destinées à introduire en son âme la connaissance des choses sensibles. Par la vue, entrent les corps célestes et lumineux et les couleurs; par le toucher, les corps solides et terrestres ; par les trois autres, tout ce qui tient le milieu entre ces deux premières sortes de corps, comme les choses aqueuses par le goût, les choses de l'air par l'ouïe , et les choses vaporeuses par l'odorat, et celles-ci empruntent une de leurs parties à l'eau, une autre à l'air et une troisième au feu, comme on le voit par la fumée qui s'exhale des parfums. Par ces portes des sens entrent donc les corps simples et les corps composés. Et ce ne sont pas seulement certaines choses sensibles et particulières que nous percevons ainsi , comme la lumière, le son, l'odeur et la saveur, et les quatre qualités premières qui viennent frapper le toucher en chaque corps, mais encore des choses sensibles , communes, telles que le nombre, la grandeur, la forme, le repos, le mouvement; nous découvrons également que tout ce qui est mû l'est par un autre , que certaines choses ont en elles-mêmes leur mouvement et leur repos , comme les animaux; et de ces mouvements des corps dont nos sens nous instruisent, nous arrivons à la connaissance des moteurs spirituels , comme de l'effet on arrive à la cause.

 

Tout le monde sensible, quant à ces trois genres , entre donc dans notre âme par l'appréhension. Cependant tous ces objets, qui sont extérieurs, y pénètrent non en leur propre nature, mais en leurs images. Ces images se forment d'abord dans un lieu intermédiaire et distinct; de là elles passent en nos organes extérieurs, qui les transmettent au sens intérieur, et celui-ci les conduit jusqu'à la puissance intellectuelle, qui les saisit. Ainsi les images de tout ce qui nous arrive du dehors, ayant d'abord pris naissance dans ce lieu intermédiaire , et étant transportées en nos organes , la faculté compréhensive de notre âme se retourne sur elles et les embrasse sans exception.

 

Quand l'objet que nous avons ainsi embrassé nous convient, le plaisir en suit la perception. Le sens se réjouit en cet objet ou à cause de sa beauté lorsqu'il lui est arrivé par la vue, ou à cause de sa suavité lorsqu'il le perçoit par l'odorat et par l'ouïe, ou à cause de ses effets salutaires lorsque c'est le goût et le toucher proprement dit qui agissent.

 

Or, tout plaisir veut être renfermé en des proportions qui lui conviennent; mais chaque chose exigeant qu'on tienne compte de sa forme , de sa vertu et de son action, selon qu'elle se rapporte au principe d'où elle émane, au milieu vers lequel elle passe , et à la fin vers laquelle elle tend, il s'ensuit que ces proportions doivent être considérées en tout objet à raison de sa forme, et alors elles s'appellent beauté; car la beauté c'est l'équilibre parfait de plusieurs choses, ou autrement l'accord des parties entre elles joint à la suavité du coloris. En second lieu , ces proportions doivent s'étendre à la vertu ou puissance de l'objet, de façon que cette vertu dans son action ne déborde point l'âme qui la renferme, et alors il y a suavité, car le sens s'attriste dans les choses extrêmes et il se réjouit dans les moyennes. En troisième lieu , les proportions doivent exister dans l'action de l'objet et dans l'impression qui en résulte : ce qui a lieu quand cette action remplit complètement le besoin de celui qui la subit, et alors il se fait sentir quelque chose de salutaire et de fortifiant ; c'est surtout par le toucher et le goût qu'on l'éprouve. C'est ainsi que l'image des choses délectables entre du dehors en notre âme pour la réjouir selon la triple manière qui leur est propre.

 

Après qu'on a embrassé les objets et qu'on les a goûtés , on les discerne , et ce discernement ne consiste pas seulement à reconnaître s'ils sont blancs ou noirs , ce qui ne regarde que le sens extérieur; s'ils sont nuisibles ou bienfaisants, ce qui ne se rapporte qu'au sens intérieur; mais encore à se rendre raison de la joie qu'ils produisent. Dans cet acte on recherche donc la cause de la délectation perçue par les sens en l'objet; on examine pourquoi il est beau , suave et bienfaisant , et l'on trouve que c'est parce qu'il y a proportion d'égalité entre ces trois choses. Cette raison d'égalité est la même dans un objet grand que dans un petit; elle est indépendante des dimensions ; ce qui passe ne l'entraîne point à sa suite , et les mouvements ne sauraient l'altérer. Les lieux , le temps et le changement ne font rien sur elle, et ainsi elle est immuable, sans limites, éternelle et entièrement spirituelle.

 

Le discernement est donc l'acte qui fait entrer en la puissance intellectuelle, en faisant abstraction de tout le reste, l'objet extérieur perçu par les sens, C'est ainsi que tout ce monde doit entrer dans notre âme par la porte des sens en suivant les trois opérations dont nous venons de parler.

 

Tels sont les vestiges à l'aide desquels nous pouvons contempler notre Dieu. Chacune des choses saisies par notre esprit étant une image véritable de l'objet qui lui donne naissance, et cette image, une fois imprimée en nous, nous conduisant par cette impression à la connaissance de son principe ou de son objet lui-même, tout cela nous montre clairement que la lumière éternelle doit , comme tout objet , engendrer également une image ou une splendeur qui lui soit égale, consubstantielle et coéternelle. Or, cette image , cette ressemblance parfaite, cette splendeur de la gloire, cette expression réelle de la substance, du Dieu invisible et présent partout avec la puissance génératrice qui lui est propre, cette image, dis-je, s'étend de son objet dans tout le milieu qui le sépare de nous, et s'unit à la créature raisonnable, par un bienfait de sa grâce, comme toute image s'unit ais sens corporel , afin de nous ramener à Dieu son Père, connue au principe de notre vie , comme à notre objet suprême. Si donc tout ce qui peut tomber sous nos sens a la vertu de produire une image de soi-même, il est évident que dans toutes ces choses , comme en autant de miroirs , nous pouvons contempler l'éternelle génération du Verbe, image et Fils de Dieu , émanant de toute éternité du sein de son Père.

 

De même l'image qui nous réjouit comme belle, suave et salutaire, nous amène à comprendre que, dans l'image première, il y a la beauté, la suavité et le salut par excellence; qu'elle possède une proportion entière et une égalité parfaite avec le principe qui l'engendre; qu'en elle il y a une vertu qui se répand et que nous embrassons en réalité, et non comme une ombre vaine ainsi que dans les autres choses ; que son impression est, pour celui qui la reçoit, le salut, l'abondance et la fin de toute misère. Si donc le bonheur réside en l'union avec ce qui nous convient; si d'un autre côté l'image parfaite de Dieu seul est souverainement belle, suave et salutaire; si elle s'unit seule à nous réellement, intimement et avec une plénitude qui remplit toute la capacité de notre âme, il s'ensuit qu'en Dieu seul, comme en la source, est le bonheur véritable, et que toutes les joies produite par la création nous entraînent à la recherche de ce bonheur.

 

Mais le discernement nous conduit d'une manière plus excellente, plus immédiate et plus assurée à la contemplation de l'éternelle vérité. En effet, le discernement faisant abstraction du lieu, du temps et du changement, se rend étranger à toute idée de succession, de mesure, de mutabilité, en vertu d'une raison immuable, infinie et sans fin. Biais rien n'est parfaitement immuable, infini et sans fin que ce qui est éternel , et ce qui est éternel ne l'est qu'en Dieu , ou c’est Dieu même. Si donc tout ce qui s'offre à notre discernement est apprécié par une raison de ce genre, il est clair que Dieu est la raison de toutes choses, qu'il en est la règle infaillible et la lumière véritable en laquelle elles brillent d'une manière assurée, indélébile, indubitable, irréfragable, au-dessus de tout jugement , de tout changement , de toute contrainte, de toute limite , de toute division , et sous un point de vue intellectuel. Il s'ensuit que les lois par lesquelles nous jugeons avec certitude de toutes les choses sensibles qui s'offrent à notre considération , sont pour notre intelligence à l'abri de tout doute et de toute erreur; qu'elles sont aussi ineffaçables en notre mémoire que si elles y étaient toujours présentes; qu'elles sont irréfragables et nullement soumises au jugement de notre esprit; car, dit saint Augustin, nul ne les juge, mais tous jugent nécessairement par elles (1). Il s'ensuit encore qu'elles sont immuables et inaltérables, parce qu'elles existent nécessairement; indépendantes de notre volonté, sans limites et sans fin, parce qu'elles sont éternelles; indivisibles, parce qu'elles sont intellectuelles et incorporelles, non faites mais incréées, existant de toute éternité dans la pensée. divine d'où découle toute beauté comme de sa source, de sa cause et de son modèle. Ainsi elles ne peuvent être jugées avec certitude que par cette même pensée , qui n'est pas seulement le modèle formant toutes choses , mais encore la vie qui les conserve, les distingue et les maintient chacune en la forme qui lui est propre, et la règle qui dirige notre âme lorsqu'elle juge des objets que les sens lui présentent.

 

1 De ver. rel.. c. 31.

 

Maintenant on peut étendre cette contemplation en parcourant sept nombres différents qui sont comme autant de degrés pour nous élever jusqu'à Dieu. C'est saint Augustin qui nous indique cette méthode dans son Traité de la vraie religion, et surtout dans le sixième livre du Traité de la musique, où il trace la différence de ces nombres , les faisant partir des choses sensibles pour arriver jusqu'à l'Auteur de toutes choses, afin de le voir présent en tout.

 

Il y a donc, selon ce docteur, des nombres qui résident dans les corps, et surtout dans le son et la voix , et on les appelle les nombres des sons. D'autres sont distincts de ces premiers et ont leur siége dans nos sens ; ces nombres se rapportent aux objets qui s'offrent à nous. D'autres partent de notre âme pour passer en notre corps, comme il arrive lorsque nous gesticulons ou nous marchons, et ceux-ci sont dits nombres progressifs. D'autres se trouvent dans les délectations des sens et dans le retour de notre attention sur l'image reçue en eux , et on les appelle nombre des sens. D'autres ont leur place en la mémoire, et elle leur donne son nom. D'autres nous servent à juger de toutes choses , et on les nomme l'ombres du jugement ; ils sont nécessairement au-dessus de notre âme, ainsi qu'il a été dit, car ils sont infaillibles et ne sont point soumis à nos propres jugements. Par eux sont imprimés en nous des nombres artificiels dont saint Augustin ne parle pas, car ils sont liés aux nombres qui servent à juger, et ils forment les nombres progressifs ; à l'aide de ces derniers nous nous créons différents moyens en notre esprit pour descendre avec ordre des degrés les plus élevés aux degrés moyens, et de ceux-ci aux derniers ; et d'un autre côté nous montons successivement en partant des nombres des sons aux nombres du second rang, nous passons par ceux des sens et de la mémoire pour arriver à ceux du rang le plus sublime.

 

Comme donc tout ce qui existe est beau et sous un certain point de vue délectable, que la beauté et le plaisir ne peuvent point être sans proportion, et que la proportion consiste avant tout dans les nombres, il est nécessaire que le nombre soit en toutes choses; et ainsi il est le modèle par excellence que nous pouvons admirer en l'esprit du Créateur , et dans la créature c'est la trace principale qui nous conduit à la sagesse suprême. Ensuite, le nombre étant clair aux yeux de tous et très-rapproché de Dieu, il s'ensuit qu'il nous guide jusqu'à lui en nous faisant passer par sept degrés différents, et qu'il nous le montre dans toutes les choses corporelles et sensibles, alors que nous les découvrons nombreuses , que nous nous réjouissons de leurs proportions harmonieuses, et que nous les jugeons au moyen des lois irréfragables de ces mêmes proportions.

 

De ces deux premiers degrés par lesquels nous contemplons Dieu en suivant les traces imprimées partout de sa présence, degrés figurés par les deux ailes qui couvraient les pieds du Séraphin , nous pouvons conclure que toutes les créatures de ce monde sensible conduisent au Dieu éternel l'âme du sage et du contemplatif. En effet, elles sont une ombre, un écho, une image de ce premier principe très-puissant, très-sage, très-bon , de cette vie, de cette lumière, de cette plénitude éternelle, de celui qui est à la fois le Créateur, le modèle et la règle. Elles sont comme autant de vestiges, d'images, de spectacles, de signes divinement offerts à nos yeux pour nous aider à voir Dieu. Elles sont, dis-je, des copies ou des exemples mis à la portée des gens grossiers et encore attachés à la vie des sens, afin de les élever par ces choses sensibles qui frappent leurs regards aux choses de l'intelligence qui sont invisibles, comme on arrive des signes à la chose signifiée.

 

Or, les choses du monde sensible sont un signe des choses invisibles en Dieu , d'abord parce que Dieu est le principe, le modèle et la fin de toute créature, et que tout effet est un signe de sa cause, toute copie un signe de son modèle, et toute voie un chemin qui conduit à sa fin. Ensuite, elles sont un signe de ces mêmes choses par le spectacle qu'elles offrent d'elles-mêmes, par les figures prophétiques qu'elles renferment, par l'action des anges à laquelle elles sont soumises, et par l'institution nouvelle qui est venue se joindre à celle qu'elles avaient reçues. En effet, toute créature est par sa nature une image et une ressemblance de la sagesse éternelle ; mais celle qui , dans les saintes Écritures , a été choisie par l'esprit prophétique pour figurer les choses spirituelles, l'est d'une façon plus spéciale; d'une façon plus spéciale encore celle dont Dieu a emprunté la forme lorsqu'il s'est manifesté par l'entremise des anges, et d'une façon toute particulière celle qu'il a employée pour être un signe de sa grâce , et non-seulement un signe selon le sens ordinaire de ce mot , mais un signe qui est un sacrement.

 

De tout cela nous conclurons que ce qu'il y a d'invisible en Dieu est devenu visible depuis la création du monde par la connaissance que ses créatures nous en donnent (1), de sorte que ceux qui ne veulent pas considérer ces choses, reconnaître Dieu, le bénir et l'aimer en elles, sont inexcusables , car ils refusent de passer des ténèbres à la lumière admirable du Seigneur. Pour nous, rendons grâces à Dieu de ce qu'il nous a conduits par Jésus-Christ de ces ténèbres à cette lumière ineffable , en faisant briller à nos yeux ces clartés extérieures qui nous disposent à nous reporter vers le miroir de notre âme, où se réfléchissent tant de splendeurs de la divinité.

 

1 Rom., 1.

 

 

 

Source: Itinéraire de l'Âme à Dieu - Saint Bonaventure - Œuvres spirituelles

 

17/06/2015

Saint Bonaventure - Itinéraire de l'âme à Dieu - Chapitre premier

 

Saint Bonaventure

Ordre des Frères Mineurs--Cardinal-Évêque d'Albane--Docteur de l’Église

Itinéraire de l’Âme à Dieu

 

PROLOGUE.

CHAPITRE PREMIER. Des degrés d'élévation à Dieu, et de la contemplation du Seigneur par les traces de sa puissance créatrice.

CHAPITRE II.De la contemplation de Dieu dans les traces de sa présence imprimées en ce monde sensible.

CHAPITRE III. De la contemplation de Dieu par son image gravée dans les facultés naturelles de notre âme.

CHAPITRE IV. De la contemplation de Dieu en son image reformée par la grâce divine.

CHAPITRE V. De la contemplation de l'unité divine par son nom principal, qui est l’ETRE.

CHAPITRE VI. De la contemplation de la Trinité bienheureuse en son nom, qui est SOUVERAINEMENT BON.

CHAPITRE VII. Du ravissement spirituel et mystique, dans lequel le repos est donné à notre intelligence et notre affection passe tout entière en Dieu.

 

CHAPITRE PREMIER. Des degrés d'élévation à Dieu, et de la contemplation du Seigneur par les traces de sa puissance créatrice.

 

Bienheureux est l'homme qui attend de vous son secours, mon Dieu; il a établi dans son cœur des degrés pour s'élever à vous du milieu de cette vallée de larmes, du lieu où il a fixé son séjour (1). — La béatitude n'étant autre chose que la jouissance du souverain bien, et ce bien suprême étant placé au-dessus de nous, nul ne peut arriver au bonheur qu'en s'élevant au-dessus de soi-même, non par des efforts corporels, mais par l'action de son esprit. Or, nous sommes impuissants à nous élever de la sorte si une vertu supérieure ne nous vient en aide.

 

1 Ps. 83.

 

Quelles que soient nos dispositions intérieures, elles demeurent sans effet si elles ne sont assistées du secours d’en haut ; mais ce secours n'est donné qu'à veux qui l'implorent avec dévotion et humilité, et cette prière fervente est ce que l'on appelle soupirer vers la grâce divine en celte vallée de larmes. L'oraison est donc le principe et la source de notre élévation vers Dieu. Aussi saint Denis, roulant, nous instruire de ce qui concerne les ravissements de l'âme , donne-t-il l'oraison comme premier moyen. Prions donc et disons au Seigneur notre lieu : Conduisez-moi, Seigneur, dans votre voie, et faites-moi entrer en votre vérité. Que mon cœur se réjouisse dans la crainte de votre nom (1).

 

En priant ainsi nous recevons la lumière qui nous lait connaître les degrés par où nous devons nous élever. Car dans l'état de notre nature, l'universalité des choses est une échelle destinée à nous faire mouler vers Dieu ; et, parmi ces choses, les unes nous offrent une trace de la puissance de leur auteur, les autres nous en représentent une image; les unes sont corporelles, les autres spirituelles ; les unes sont temporelles, les autres éternelles ; les unes sont placées hors de nous, les autres nous sont intérieures. Or, pour arriver à la considération du premier principe , qui est essentiellement spirituel et éternel, et en même temps placé au-dessus de nous, il nous faut passer à travers ce qui nous est une trace de sa puissance; c'est l'être corporel, extérieur et temporel. Ce passage est ce qu'on appelle être conduit dans la voie de Dieu.

 

1 Ps. 85

 

Il nous faut aussi entrer en notre âme , qui est l'image éternelle du Seigneur, un être spirituel, placé au-dedans de nous ; et c'est là faire son entrée en la vérité. Il faut ensuite que, fixant nos regards sur le Premier principe, nous arrivions jusqu'à lui; et c'est là se réjouir dans la connaissance de Dieu et la crainte respectueuse de sa majesté. Nous avons donc ici le voyage de trois jours au milieu de la solitude, et en même temps la triple illumination d'un seul et même jour , dont la première peut être comparée au soir, la seconde au matin, la troisième au midi. Cette illumination embrasse la triple existence des choses : en elles-mêmes , en notre intelligence et dans la pensée de Dieu, selon cette parole : Qu'il soit fait, il fit et il fut fait. Elle se rapporte aussi à la triple substance de Jésus-Christ qui est notre échelle véritable , c'est-à-dire à son corps, à son âme et à sa divinité.

 

Selon ce même ordre, notre âme s'offre à nous également sous un triple aspect. Par rapport aux choses extérieures elle est animale ou sensuelle; intérieurement et en elle-même elle est esprit; et considérée au-dessus d'elle-même elle est intelligence. Nous devons donc, partant de ces divers points, chercher à nous élever à Dieu afin de l'aimer de tout notre esprit, de tout notre cœur et de toutes nos forces. C'est en cela que consiste l'observance parfaite de la loi, en même temps que toute la sagesse chrétienne.

 

1 Exod., 5.

 

Mais comme chacun de ces degrés en forme deux, selon que nous considérons Dieu comme le commencement et la fin de tout , selon que nous le contemplons en chacun d'eux comme par un miroir et comma en un miroir, ou bien enfin selon que chacune de ces considérations se fait en elle-même ou jointe à un autre, il est nécessaire de former six degrés de ces trois. Et de même que Dieu a consacré six jours à la création de l'univers et s'est reposé le septième, de même il faut que le monde inférieur soit conduit au parfait repos de la contemplation en passant par six degrés successifs d'illumination. Cet ordre était figuré par les six degrés qui conduisaient au trône de Salomon. De même les séraphins que vit Isaïe avaient six ailes, de même encore Dieu n'appela Moïse du milieu de la nuée qu'après six jours, et ce fut également six jours après les avoir avertis que Jésus-Christ conduisit ses disciples sur la montagne et qu'il fut transfiguré en leur présence (1).

 

Selon ces six degrés d'élévation à Dieu, notre âme possède donc six degrés ou puissances pour monter des choses les plus basses aux plus élevées , des choses extérieures aux intérieures , des choses temporelles à celles de l'éternité. Ce sont : les sens, l'imagination, la raison, l'intellect, l'intelligence, le sommet de l'esprit ou autrement l'étincelle de la conscience. Ces degrés ont été implantés en nous par la création , défigurés par le péché, rétablis par la grâce, purifiés par la justice, exercés par la science, et rendus parfaits par la sagesse.

 

1 III Reg., 10; —  Is., 6; — Exod., 24 ; — Matt., 17.

 

Selon l'institution première de notre nature, l'homme fut créé apte à goûter le repos de la contemplation, et c'est pour cela que Dieu le plaça dans un paradis de délices. Mais s'étant porté de la vraie lumière à un bien passager, il se trouva par sa propre faute incliné vers la terre, ce qui imprima à la nature humaine une double misère : l'ignorance de l'esprit et la concupiscence de la chair. Ainsi l'homme est aveugle et assis au milieu des ténèbres ; il ne voit point la lumière du ciel si la grâce, aidée de la justice, ne lui vient en aide contre sa concupiscence, si la science, accompagnée de la sagesse, ne dissipe son ignorance; et tout cela s'accomplit par Jésus-Christ , qui a été établi par Dieu pour être notre sagesse et notre justice, notre sanctification et notre rédemption (1). Étant la vertu et la sagesse même de Dieu , le Verbe incarné plein de grâce et de vérité, il a répandu sur nous la grâce et la vérité. Il nous a donné la grâce de la charité qui , partant d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère, reforme l'âme tout entière selon le triple aspect dont nous avons parlé. Il nous a enseigné la vérité selon les trois modes de la théologie. Par les symboles il nous a appris à bien user des choses sensibles; par la réalité, à faire de même pour les choses intellectuelles et par la mysticité, à nous porter aux choses placées au-dessus de nous-mêmes.

 

1 I Cor., 1.

 

Celui donc qui veut s'élever à Dieu , doit, après avoir évité le péché , qui défigure sa nature, exercer les puissances dont nous venons de parler à acquérir par la prière la grâce qui réforme , par une vie sainte la justice qui purifie, par la méditation la science qui illumine, et par la contemplation la sagesse qui rend parfait. Or, de même que nul n'arrive à la sagesse que par la grâce, la justice et la science, de même on n'arrive à la contemplation que par une méditation profonde , une vie pure et une oraison fervente. Et comme le redressement de la volonté et l'illumination véritable de la raison ont pour fondement la grâce, nous devons commencer par prier, ensuite vivre saintement, nous appliquer à considérer attentivement la vérité partout où elle s'offre à nos regards, et enfin nous efforcer de monter graduellement jusqu'à ce que nous arrivions à la montagne élevée, à la sainte Sion où le Dieu des dieux nous manifestera sa gloire (1).

 

Mais comme sur cette échelle de Jacob il faut monter avant de descendre, nous placerons le premier degré d'élévation au point le plus inférieur en offrant à notre contemplation ce monde sensible tout entier compte un miroir qui nous fera arriver au Dieu suprême qui l'a créé, et de la sorte nous serons de vrais Hébreux passant de l’Égypte à la terre promise à nos aïeux, de vrais chrétiens allant avec Jésus-Christ de ce monde à notre Père, de vrais amants de la sagesse qui nous appelle et nous dit : Venez à moi, vous tous qui me désirez, et soyez remplis des fruits que je porte.

 

1 Ps. 83.

 

La grandeur et la beauté de la créature peuvent nous faire connaître et rendre sensible à nits veux son Créateur, car elle est toute brillante de sa puissance souveraine, de sa sagesse et de sa bonté (1). Et le sens de la chair l'annonce d'une triple manière au sens intérieur, car il aide à l'intellect qui examine par le raisonnement, croit par la foi, et contemple au moyen des lumières acquises. Or, par la contemplation il considère l'existence actuelle des choses, par la foi leur cours habituel, et par le raisonnement leur excellence admirable.

 

Et d'abord l'intellect contemplant ainsi les choses en elles-mêmes, y découvre le poids, le nombre et la mesure : le poids quant au lieu où elles inclinent, le nombre quant à la diversité qui les distingue, la mesure quant aux limites qui les circonscrivent. Par là il voit en elles le mode, la beauté et l'ordre, ainsi que la substance, la vertu et l'opération; et ainsi il peut s'élever, comme au moyen d'un indice qui le guide, à comprendre la puissance, la sagesse et la bonté sans limites du Créateur.

 

Ensuite l'intellect fixant sur le monde le regard de la foi, en considère l'origine, le cours et la fin : car par la foi nous croyons que les siècles ont été préparés pour recevoir la parole de vie (2) ; que les temps de la loi de nature, de la loi écrite et de la loi de grâce se sont succédé et accomplis dans un ordre parfait, et enfin que ce monde aura pour terme le jugement dernier; et ainsi nous découvrons dans la première de ces choses la puissance du principe suprême, dans la seconde sa providence, et dans la troisième sa justice.

 

1 Eccl., 24. — Sap., 13. — 2 Hebr., 11.

 

Le raisonnement, poursuivant également ses recherches , reconnaît que certains êtres n'ont que l'existence , d'autres l'existence et la vie, et que d’autres enfin existent, vivent et discernent. Les premiers tiennent le rang le plus bas , les seconds le milieu , et les troisièmes le rang le plus élevé. Il voit ensuite que parmi ces êtres les uns sont corporels, et que d'autres ont en même temps un corps et un esprit, d'où il conclut qu'il doit y en avoir de simplement spirituels , comme meilleurs et plus excellents que les deux premières espèces. Il découvre encore qu'il y a des êtres sujets au changement et à la corruption , comme tout ce qui est terrestre; que d'autres sont mobiles mais incorruptibles, comme les corps célestes ; d'où il comprend qu'il doit s'en trouver d'immuables et d'incorruptibles, comme ceux qui habitent au-dessus du ciel visible. C'est ainsi que les choses visibles nous conduisent à considérer la puissance , la sagesse et la bonté de Dieu ; à reconnaître qu'il a en lui-même l'être, la vie et l'intelligence, qu'il est simplement spirituel , incorruptible et immuable.

 

Or, cette considération s'étend aux sept conditions sous lesquelles les créatures peuvent être envisagées, et elle offre ainsi un témoignage sept fois répété de la puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu ; ces conditions sont l'origine, la grandeur, la multitude, la beauté, la plénitude, l'opération et l'ordre de toutes choses.

 

En effet, l'origine des choses, si on l'envisage dans l’œuvre des six jours , au point de vue de la création, de la distinction et de l'ornement, nous annonce la puissance de Dieu qui a tout tiré du néant, sa sagesse qui a tout coordonné avec un enchaînement lumineux, et sa bonté qui a répandu sur tous ses dons les plus abondants.

 

La grandeur des choses , considérée selon la longueur, la largeur et la profondeur de leur substance; selon l'excellence de leur vertu, qui s'étend également en longueur, en largeur et en profondeur, comme dans la diffusion de la lumière; selon l'efficace de leur action intime, continuelle et répandue partout, comme on le voit dans l'action du feu ; cette grandeur, dis-je , nous manifeste clairement l'immensité de la puissance, de la sagesse et de la bonté du Dieu qui est un et trois en même temps, et qui existe en toutes ses créatures par sa puissance , sa présence et son essence sans être circonscrit par aucune d'elles.

 

La multitude des choses dans leur diversité générique, spéciale et individuelle, dans leur substance, leur forme et leur efficacité, qui dépasse toute appréciation humaine, montre également avec éclat l'immensité des trois attributs divins dont nous avons parlé.

 

La beauté des choses, examinée selon la variété de la lumière , des formes et des couleurs, dans les corps simples , dans les corps mixtes et dans les corps participant aux qualités des deux autres espèces, dans tous les corps, en un mot , comme les astres, les minéraux, les pierres précieuses et les métaux, les plantes et les animaux ; cette beauté, dis-je , proclame hautement ces mêmes attributs.

 

La plénitude, selon que la matière est remplie de formes diverses pour se reproduire; ces formes pleines d'une vertu puissante d'action , cette vertu elle-même abondante en effets réels, tout cela nous donne les mêmes enseignements.

 

L'opération multiple des créatures, soit naturelle, soit artificielle, soit morale, nous découvre encore, dans sa variété si nombreuse, l'immensité de cette puissance, de cette sagesse et de cette bonté en qui tous les êtres trouvent la cause de leur existence, la raison qui les éclaire et la règle de leur vie.

 

L'ordre des choses, considéré au point de vue de leur durée, de leur situation, de leur influence, ou autrement dans ce qui les précède et ce qui les suit, dans ce qui est supérieur et ce qui est inférieur, dans ce qui est grand et ce qui est vil , nous montre hautement dans le livre de la création la souveraineté par excellence du premier principe quant à sa puissance infinie. L'ordre des lois divines , des préceptes et des jugements, nous fait voir dans le livre des Écritures sa sagesse sans bornes; et l'ordre des sacrements , des grâces et des récompenses ,. dans le corps de l’Église, annonce sa bonté immense, et ainsi cet ordre nous conduit clairement, comme par la main, à celui qui est le premier entre tous , à celui qui est souverainement puissant, souverainement sage et souverainement parfait.

 

Celui qui n'est point illuminé par l'éclat si radieux des choses créées , est donc aveugle ; celui que leur voix puissante n'éveille pas est sourd; celui que tant d’œuvres admirables n'inclinent pas à aimer Dieu est muet; celui qui, à des indices si lumineux, ne reconnaît pas ce principe suprême, est un insensé.

 

Ouvrez donc les yeux, prêtez l'oreille de votre âme, déliez vos lèvres, appliquez votre cœur, afin de voir Dieu en toutes ses créatures, de l'entendre, de le louer, de l'aimer, de lui rendre vos hommages, de proclamer sa grandeur et de l'honorer, si vous ne voulez pas que l'univers s'élève contre vous. Car le monde entier combattra contre les insensés qui n'auront pas agi de la sorte, tandis qu'il sera une source de gloire pour le sage, pour celui qui peut s'écrier avec le prophète : Seigneur, la vue de vos créatures m'a rempli d'allégresse, et je ferai éclater ma joie en louant les ouvrages de vos mains. Que vos œuvres sont grandes et admirables, Seigneur, vous avez fait toutes choses avec une sagesse souveraine. La terre est toute remplie des biens dont vous la comblez (1).

 

1 Ps. 103.

 

 

 

Source: Itinéraire de l'Âme à Dieu - Saint Bonaventure - Œuvres spirituelles

 

03/02/2015

Litanie des fermes vides, ou la destruction de la paysannerie

Par Fabien Granier | 22 octobre 2014

Illustration: Un tracteur abandonné dans un champ (Steve Lyon/Flickr/CC)

agriculture-fin-rural-rules.jpg« Vide ! »

L’orage s’est divisé, comme d’habitude, au-dessus de l’Aumance. Les nuages se sont séparés en râlant, pour se rejoindre plus loin, dans le Cher, ou par dessus la forêt. On peut les voir par la fenêtre. Les entendre gueuler tout leur saoul. Mais sur le bocage : rien. Pas une goutte pour le moment. La pluie partout, mais pas ici. C’est comme ça.

Ici, on dit que les automnes ont leurs favoris.

Vide, vide, vide

Mon interlocuteur se ressert un café. L’aspire du bout des lèvres. Puis reprend son fil. Le chien s’est enfin tu :

« C’est bien simple : on est quatorze à rester. Ou treize, je sais pas. Là haut, chez Moncergis [les noms des domaines ont été modifiés, ndlr], c’est vide ! Le père Michelat : c’est vide ! Les Mauriciers : vide ! Les frères Baudel : vide aussi ! »

C’est un voisin. On n’habite pas sur la même commune, mais sa ferme est tout en bas de la pente qui dégringole de chez moi à la rivière. C’est la route qu’on prend quand on veut éviter les flics. On y roule doucement, surtout quand il fait noir, rapport aux lapins qui surgissent par dix depuis ses fossés.

« Et puis sur le haut, quand tu t’en vas vers la forêt : c’est tout vide là-bas. Tu comptes même plus. Les Ravais : fermé ! Au Montant : vide ! La Chenaie : vide ! Aux Beurdoux : tout vide. Chez Michel, anciennement Bramard : vide pareil.

Et la liste est longue ! Tu veux que je continue ? Simon : parti ! Grimaud : parti ! Les Saules : vide ! Et chez Benoît : y a même plus un carreau sur les vitres. C’est vide, puis ç’a été vidé aussi. »

Quand j’ai commencé à écrire ces chroniques, je m’étais juré de ne pas devenir le réceptacle de la colère des paysans. D’une, parce qu’elle est – bien que légitime – infinie. De deux, parce qu’elle est totalement désespérante. Et de trois, parce que l’objet de ce blog n’est pas de gémir. Au contraire.

Il est de pousser un cri de guerre.

De raconter la vitalité stupéfiante du monde rural, malgré l’acharnement mis de toutes part à le faire disparaître. L’énergie produite par tous ceux que les espaces vides rendent fou d’imagination. Ceux qui ne voient pas l’abandon, mais la place laissée libre.

On a commencé à venir me voir

Seulement voilà : j’ai découvert qu’une partie importante du monde agricole était fidèle à Rue89. Quand ma chronique sur la fin accablante d’une exploitation laitière s’est mis à circuler, on a vite reconnu de qui il s’agissait.

On a commencé à venir me voir.

Ce voisin, je le connaissais de loin en loin. Un ami d’ami. Un révolté, ça je le savais. Qui n’a pas sa langue au fond du puits. Quand il a su que j’étais celui qui tenait ce blog, il il m’a sauté sur le paletot :

« Quand est-ce que tu viens chez moi ? J’ai PLEIN de choses à te dire ! »

C’était la semaine dernière, un soir de beau, dans le bistrot associatif qu’on a ouvert à la hussarde quelques mois plus tôt, et qui ne désemplit jamais. Il m’a serré la main en me cassant tous les petits os. Je n’avais pas le choix. Et c’était très bien comme ça.

« Puis c’est pas fini. De l’autre coté, c’est pareil ! Chassain : vide ! Montaigu : vide ! Pernancier : vide ! Chez les Michauds : c’est vide ! Le père Moussier : vide ! Et chez Giraud : ben c’est fermé. Le fils Barré : il a pas tenu – c’est vide ! La paille moisit dans son hangar. Puis tant qu’à monter, c’est la même, va : partout ça se vide ! Ya que De Villemin, à la rigueur. Mais alors lui c’est simple : il a 2 000 hectares à lui. Ou trois. 3 000 hectares, remplis de fermes vides. »

En martelant du plat de la main, il me récite l’interminable litanie des fermes qu’il a vu se fermer. Se faire avaler par le sol. Rendre les armes face à l’acharnement de tous ceux qui travaillent, jour après jour, à la disparition des exploitations à taille humaine.

La fin de la paysannerie.

La MSA s’est transformée en outil de contrôle

C’est un jeune. Un téméraire. Grand chasseur. Grand gueuleur. Grand militant. Il me reçoit dans son salon où des fusils râtellent au mur, parmi des photos de famille. Les chiens hurlent à mon entrée. La table est pleine de joueurs.

Dimanche après-midi. Orages suspendus. Famille, amis, Scrabble et rami. Ça jase. Il me ressert un café noir. Puis, droit au but : « Je voulais te parler de la MSA. »

Silence chez les joueurs.

Son histoire, ils la connaissent tous. Sa colère, aussi. Les torrents de bile. Ça reprend à mi-bruit. L’orage beurdoule un rien plus fort. « Ah, tiens. Il est plus loin d’ici... »

La MSA, c’est la Mutuelle sociale agricole. La caisse de solidarité du métier. La Sécu des paysans, quoi. A la libération, la corporation a voulu jouer son rôle de corporation. C’était l’époque où la paysannerie représentait 60% de la population active. Ou plus. Payer pour les autres ? Et puis quoi, encore ! 70 ans plus tard, il ne sont plus que 4%. Et à la vitesse où se vident les fermes...

L’économie de marché a pris toute ses aises. A dégouliné sur la campagne. La MSA a joué le jeu, sans faillir, et s’est petit à petit transformée en outil de contrôle et de gestion des modes d’exploitation.

En gros : soit tu rentres dans le rang d’une agriculture spéculative, intensive, concentrée, à forte valeur ajoutée – obèse, en quelques mots –, soit tu jartes. J’y viens.

Lui a repris l’exploitation en 1990. Par là. Militant de la première heure, bagarreur coriace, il monte une cellule locale du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), partage ses journées entre la ferme et les actions syndicales. C’était la charnière, à l’époque. Enfin... Il y en a eu de nombreuses, des charnières. Mais celle-ci c’était un peu le sursaut. Voyant venir ce qu’on les poussait à devenir, les paysans bloquaient les rues, les préfectures, les supermarchés. Et lui était juché au premier rang.

Il déglutit.

Le pire, c’est les jeunes

25 ans ont passé. Les syndicats : c’est fini... Les jeunes, putain... Le pire, c’est les jeunes. Pas qu’ils soient mauvais en soi, les pauvres. Mais c’est sans fin. Ils arrivent, tout juste sortis de l’école, la tête fraîchement farcie, et se cognent de la paysannerie. Eux : ils veulent des hectares, du rendement, et un salaire. Le tout, tout de suite. Pour commencer. Ils ont la poitrine en avant, de l’énergie plein les bottes. Ils investissent, massivement, avec la bénédiction des banques et des institutions, dans des équipements qui rutilent.

Et se lancent, tête baissée, pensant faire au mieux, dans une vie de solitude, de travail acharné et de remboursements.

Alors le syndicalisme, tu parles... Quand tu passes ton temps à flipper pour ta propre survie...

Petit à petit, les fermes ferment. Usure. Abandon. Retraite. Dépression. Ou « p’tit marteau » : liquidation. Ça se vide. Les jeunes arrivent. S’installent. Rachètent les terres de deux ou trois. Et ça repart. Pyramide. Jusqu’à ces abominations céréalières de plusieurs milliers d’hectares, qui bouffent allègrement les sols et paysages de Beauce, de Champagne ou du Berry.

Je te mens ?

Tu lis la presse ? La ferme des mille vaches...

MILLE vaches !

C’est ça, l’avenir, mon gars... Faut pas rêver...

Et la MSA, alors ?

Même jeu. Mêmes joueurs.

T’embauches qui pour 20 euros ?

Il y a deux ans, mon interlocuteur se coince dans un accident de tracteur. Un truc sérieux. Il s’en tire avec l’épaule porteuse en moins : broyée. On la retape, mais ça prend du temps. Et les tendons sont foutus. Irréparables. Il peut lever le bras, mais rien porter. Plus de force. On le déclare handicapé à 25%.

Il se tourne vers la MSA pour la première fois de sa vie, après 25 ans d’exercice et dix ou douze jours de vacances. Il sait qu’il existe une aide à l’embauche d’ouvriers pour les périodes de relevaille. Il a besoin de quelqu’un pour veiller à la ferme, le temps qu’il se retape et puisse envisager la suite. Il s’adresse à un conseiller qui le reçoit très poliment.

Et lui plante sa réponse dans le dos.

Il a droit à 20 euros par jour. Pendant trois mois.

20 euros par jour... T’embauches qui pour 20 euros ? Une chèvre ?

Mais c’est comme ça pour tout le monde... Pour pouvoir prétendre à une indemnité digne de ce nom, il aurait dû monter sa ferme en société – dès le début – et se verser des salaires en bonne et due forme.

Dès le début.

Le genre de choses que tu ne fais jamais. Même si tu es au courant. A moins de jouer déjà dans la cour des grands montages agro-industriels. Il en faut du rendement pour se verser un salaire régulier.

Il prend l’indemnité ridicule et fait ce qu’il a à faire : il abat la voilure de son exploitation. Il vend des bêtes. Diminue son travail. Baisse le régime. Gagne moins. S’adapte à son épaule.

Et ça repart.

Deux accidents, ça ne suffit pas

Mais un an plus tard, à peine, son corps réagencé lui tend un piège. Il perd l’équilibre sous une charge. Tombe. Se brise une jambe, et le cheville qui va avec.

A l’hôpital, on le visse. On le boulonne. On l’immobilise pour la deuxième fois en deux ans. En plein vêlages, encore une fois. Le manque à gagner brûle presque autant que la douleur.

Cette nouvelle blessure est déclarée invalidante à 10%. 25+10 = 35%. Il découvre pendant les soins qu’il a passé la barre des 30% de handicap, ce qui, officiellement, peut lui donner droit à une aide à l’embauche d’un ouvrier. 300 euros par mois. Une paille.

Il monte un dossier et l’envoie à la MSA. La MSA le lui renvoie, barré de rouge. Il n’a pas droit à l’aide.

L’indemnité est accordée aux exploitants déclarés handicapés à 30% – ou plus – des suites d’un seul et même accident.

D’un seul et même...

Sinon, il faut cumuler les 30% d’invalidité des suites de trois accidents ou plus. Deux accidents, ça ne suffit pas. Les 20 euros par jour ? Il n’y a pas droit cette fois. Cette nouvelle crise n’est pas assez sérieuse pour qu’il puisse s’en prévaloir.

Pour s’amuser, il a calculé ce qu’il a versé de cotisation à la MSA depuis l’ouverture de son exploitation. Il arrive à près de 36 000 euros.

Puis vient la mauvaise année...

Bien sûr, tout cela ne serait pas arrivé si, suivant la doxa des institutions agricole, il s’était installé en SARL : impératif comptable, fiscalité d’entreprise, obligation de salaires et de bénéfices constants.

Mais ça, tu sais ce que ça veut dire ?

Attends, je te raconte...

Tu achètes des terres. Tu achètes des vaches. Tu doubles. Tu triples. Pour faire face à la taille de ton exploitation, tu investis dans un arsenal technologique de pointe. Tu embauches. Tu construis. Tu empruntes. A la banque, on te fixe un impératif de rendement. Pour t’y tenir, il te faut plus de bêtes.

Tu achètes des terres. Tu grossis. Tu embauches. Tu travailles avec obstination en fixant du regard la ligne d’horizon : le jour où ce que tu gagneras ne se fera plus absorber automatiquement par les remboursements et les intérêts.

Puis vient la mauvaise année. Trop de pluie. Pas assez. Epidémie. Accidents. Incendie. Puis te voilà rendu à courir derrière la trésorerie. Et c’est le cycle.

Tu calcules. Tu stockes. Tu retardes les paiements au maximum. Tu spécules sur des poignées d’euros. Tu fais sauter les frais les plus lourds. Tu répares toi-même ton équipement, déjà obsolescent. Ça te prend tes nuits, tes dimanches.

Puis vient la deuxième année mauvaise. Tu fais plus face. Les fournisseurs te refusent. Les banques te menacent. Tu commences à mégoter sur l’essentiel : le véto, les aliments. Tu es sec. Et éreinté.

Puis un jour, tu peux plus. P’tit marteau. C’est vendu.

Vide.

Et là, tu peux toujours lui courir après, la MSA.

Ce qu’il manque ? Une forme de bon sens

L’orage s’abat enfin. La café fume. Les joueurs ont fini de jouer et commencent à plier leurs gaules. Je tente de délayer l’amertume en le branchant sur son travail. Lui fait du Charolais. AOC. Le top de la viande. Des bêtes au petit soin. Ensilage de mais, luzerne et beaucoup d’engrain.

Tout pousse chez lui. Les mauvaises années, il rajoute quelques tourteaux de soja pour faire le joint. Il privilégie le réensemencement, comme il l’a toujours fait, bien qu’il se rende compte que les céréales, passé deux ou trois saisons, ont maintenant du mal à se reproduire. Il sait que c’est une stratégie commerciale. Encore une autre pierre dans les jardins des petits exploitants. Alors il tente au mieux, de conserver des propres semences.

Il déglutit. Et revient à la charge.

Ce qu’il manque, je vais te dire : c’est une forme de bon sens. Comment dire mieux ? Avec la vache folle, c’était pareil : il devrait y avoir quelque chose de profondément enfoui qui te retienne de donner de la viande à bouffer à tes vaches, non ?

Eh bien les semences, c’est pareil. Quelque chose devrait te retenir de faire confiance à des gars qui te vendent délibérément des graines stériles. Quelque chose devrait te retenir d’entasser 10 000 poulets dans des tunnels au néon farcis d’antibiotiques.

Quelque chose devrait te retenir d’entasser mille vaches dans une stabulation entièrement mécanisée pour faire de l’électricité avec leur merde. Non ?

Le bon sens...

Te voilà à dévaster ce dont tu vis

Toutes ces fermes vides, dans la vallée, elles avaient toutes trois ou quatre tas de fumiers répartis. Quand ça pleuvait, le lisier s’écoulait et fumait les entours. Mais maintenant, y a tellement de vaches dans les étables que ça déborde de fumier. Il faut le stocker dans des cuves, avec des systèmes de rigoles et de flux. Quand ça pleut : ça déborde. Ça part dans la rivière. Et ça dévaste tout.

Et te voilà, paysan, à dévaster ce dont tu vis.

Tu m’étonnes qu’ils raccrochent les gants, tous...

Les invités sont partis. La pluie tombe serrée. Il est tard. Et la conversation commence à prendre une tournure annihilante.

Elle est sans fin, la plainte des paysans. C’est devenu un combat. Tu te bas contre tes institutions. Tu te bas contre les fournisseurs. Tu te bas contre les vétérinaires. Tu te bas contre les idées reçues. Contre ton destin. Contre la fatalité.

Depuis peu, tu te bas contre les consommateurs qui t’accablent de tous les maux, peu importe tes efforts et ta démarche.

Dernière en date, tu te bats même contre les architectes des bâtiments de France, qui t’interdisent de construire une grange pour y stocker le foin afin que les touristes qui profitent de la vue depuis le château en ruine ne soient pas gênés par la présence notoire de la seule ferme encore en activité. Le maire, en lui notifiant le refus de permis de construire, a même qualifié la ferme de « verrue dans le paysage ».

Sans fin.

La nuit tombée, je repars au milieu des aboiements et d’un déluge de gouttes épaisses. Dans ma tête : des poignées de mains, des rires, et des conversations en boucle.

Espoir. Désespoir.

Les fermes sont vides, les terres sont là

Je me redis que faire gaffe à ce qu’on mange, ce qu’on boit, et à quand on le consomme, c’est pas un luxe. C’est pas de la guimauve à hipsters. Pas une mode bobo.

C’est une nécessité urgente et absolue.

Pour le moment, les fermes sont vides, mais les terres sont là. Et puis le savoir faire. Il s’en faut de peu qu’il n’y ait plus que des friches, des serres et des champs sans limites. Regardez l’Espagne, si je mens. Les Pays-Bas. Ou ces régions d’Angleterre où la paysannerie n’est plus qu’un lointain souvenir.

Tu manges mal. Tu dors mal. Tu vis mal. Au milieu de paysages désertés. Les terres se vident et les villes s’empilent.

Partout dans le monde.

Alors tant pis si de temps en temps, je ressasse la complainte des paysans. Ça secoue. Ça réveille. Ça recadre. Et puis, après tout : c’est bon, parfois, d’avoir des ennemis.

Au moins, tu sais contre quoi tu te dresses.

Aller plus loin:

> "C'est fini": vie et mort d'une ferme, celle de mon voisin

 

01/09/2014

Pape François: "Préserver la santé des personnes en préservant l'environnement"

Après l'Angélus de ce dimance 31 mai, le Pape a prononcé le message suivant:

"Demain, en Italie, on célèbre la Journée pour la sauvegarde de la création, promue par la Conférence épiscopale. Le thème de cette année est très important : « Éduquer à la sauvegarde de la création, pour la santé de nos pays et de nos villes ». Je souhaite que se renforce l’engagement de tous, institutions, associations et citoyens, afin que la vie et la santé des personnes soient préservées également en respectant l'environnement et la nature.

Je salue tous les pèlerins provenant de l’Italie et de divers pays, en particulier les pèlerins de Santiago du Chili, Pistoia, San Giovanni Bianco et Albano Sant’Alessandro (Bergame); les jeunes de Modène, Bassano del Grappa et Ravenne ; le groupe nombreux des Motocyclistes de la Police et la fanfare de la Police. Ce serait bien de les entendre jouer à la fin…

J'adresse un salut spécial aux parlementaires catholiques, réunis pour leur 5e rencontre internationale et je les encourage à vivre le rôle délicat de représentants du peuple en conformité avec les valeurs évangéliques.

Hier, j'ai reçu une famille nombreuse de Mirabella Imbaccari, qui m'a apporté les salutations de toute la région. Je remercie tous [les habitants] de la région pour leur affection. Je salue les participants à la rencontre de "Scholas": poursuivez votre engagement auprès des enfants et des jeunes, en travaillant dans l'éducation, dans le sport et dans la culture; et je vous souhaite un bon match, demain, au Stade Olympique !

Je vous souhaite un bon dimanche, je vous demande de prier pour moi."

(Zenit - traduction d'Anne Kurian)

On remarquera également l'opposition du Pape au laïcisme politique et au séparatisme: le Souverain Pontife fait référence à un critère très "confessionnel" pour guider les décisions politiques des parlementaires catholiques: l’Évangile !

05/06/2014

Journée mondiale de l'environnement: les réfugiés climatiques à la recherche d'une protection

La journée mondiale de l’environnement, ce jeudi 5 juin, met l’accent cette année sur les petits États insulaires en développement.

Leur population, comme d’autres dans le monde, est menacée par les changements climatiques mais n’a pas encore de protection internationale.

Qui sont les « réfugiés climatiques » ?

Les-refugies-climatiques-a-la-recherche-d-une-protection_article_main.jpgDepuis cinq ans, 30 à 40 millions de personnes dans le monde doivent partir chaque année de chez elles à la suite d’une catastrophe naturelle, de sécheresses à répétition ou d’une modification radicale de leur environnement. Si le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dans son dernier rapport de mars 2014, ne se risquait pas à faire de prévisions, l’économiste Nicholas Stern estime à 200 millions les « déplacés environnementaux » en 2050.

Deux phénomènes se conjuguent pour forcer certaines populations à quitter leur territoire : des événements brutaux, comme ouragans ou inondations, qui seront amenés à se multiplier sous l’effet du réchauffement climatique ; et des bouleversements progressifs tels que l’élévation du niveau des mers ou l’aggravation des sécheresses qui rendront certaines terres inhabitables. Des phénomènes s’avèrent déjà inquiétants, tels que la submersion d’archipels dans le Pacifique, les inondations au Bangladesh ou dans le delta du Nil ou l’extension du désert de Gobi en Chine.

Les pays du Sud ne sont pas les seuls touchés : l’ouragan Sandy a entraîné 800 000 déplacés aux États-Unis en 2012. Reste que la quasi-totalité des mouvements de population se produit entre pays en développement et non pas du « Sud » vers le « Nord ».

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22/05/2014

PMA: José Bové pour une écologie plus cohérente et intégrale

Gérard Leclerc | FigaroVox | 16 mai 2014

FIGAROVOX/ANALYSE- Alors qu'une proposition de loi légalisant la PMA (procréation médicalement assistée, principalement la fécondation in vitro, NdEspN) a été déposé par le groupe EELV emmené par Sergio Coronado et Esther Benbassa, José Bové et Noël Mamère se sont prononcés contre. Une division entre tenants de l'écologie intégrale et libertaires décryptée par Gérard Leclerc.

PHOc5b1f1b0-dcd3-11e3-a960-3bc8ab46f9e7-805x453.jpgDans un article sur Reporterre , Noël Mamère a pris la défense de José Bové critiqué par son camp pour avoir déclaré la PMA incompatible avec les valeurs écologistes. Il lui emboite le pas déclarant que l'extension de la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels et la gestation pour autrui n'ont pas à être promues au nom de l'écologie. Que pensez-vous de la position de ces deux frondeurs: est-elle logique? Se convertiraient-ils à l'écologie humaine?

N'allons pas trop vite en besogne. Mais cet article est très intéressant, Noël Mamère, fait référence à Jacques Ellul, philosophe et théologien précurseur de l'écologie dont il a été l'élève à Bordeaux. Dans le sillage d'Heidegger, celui-ci a pensé une critique de la raison technicienne et sa toute-puissance, qui assujettit l'homme. Jacques Ellul était croyant, il pensait l'écologie dans le cadre de la Création et de la place de l'homme par rapport à cette création.

Mamère (comme José Bové), contrairement à beaucoup d'autres Verts, a une conception philosophique de l'écologie, charpentée et assez globale. Il comprend bien qu'on ne peut pas être à la fois contre les OGM et pour la PMA, même si cela touche à des problématiques différentes. Il ne réduit pas l'écologie à sa dimension environnementaliste, de simple lutte contre le réchauffement climatique et pour la protection de la nature. Hélas il n'est pas majoritaire dans son camp…

Mamère (comme José Bové), contrairement à beaucoup d'autres Verts, a une conception philosophique de l'écologie, charpentée et assez globale. Il comprend bien qu'on ne peut pas être à la fois contre les OGM et pour la PMA.

En effet, dans le même temps les élus EELV Sergio Coronado et Esther Benbassa ont déposé une proposition de loi pour légaliser la PMA. Y aurait-il une profonde division dans le parti des verts, entre les adeptes de l'écologie intégrale et les tenants d'une idéologie libertaire?

Il y a en effet plusieurs familles chez les écologistes: de l'écologie modérée, à la décroissance, en passant par le fondamentalisme de l'écologie profonde (deep ecology) qui voit dans l'homme un prédateur à abattre. En France, l'écologie s'est alliée avec une certaine extrême-gauche libertaire. Une alliance idéologique qui laisse songeur: on ne voit pas très bien le rapport qu'il pourrait exister entre le libertarisme qui prône l'illimité et la mesure qu'implique l'écologie…D'ailleurs, les libertaires qui se sont ralliés à la cause écologique (type Cohn-Bendit) font souvent preuve d'un écologisme cosmétique, qui défend l'évolution des mœurs avant tout.

Qu'est-ce que l'écologie chrétienne?

L'écologie chrétienne s'inscrit dans une vision théologique du monde où la création a été remise à l'homme pour qu'il la domine dans le dessein de la cultiver, de l'enrichir, et non pas de la détruire. On a fait souvent un faux procès au christianisme: celui d'avoir légitimé, par la Bible l'emprise totale de l'homme comme «maitre et possesseur de la nature». Or Dieu dans la Genèse remet la Terre aux hommes en gérance, qui en deviennent les «ménagers» mais qui ont aussi pour mission de sauvegarder la création.

L'écologie est-elle un une forme de conservatisme?

L'écologie est une forme de sagesse fondée sur le respect du cosmos et de la vie. Elle réside tout de même principalement dans la préservation de l'intégrité de la nature, dans un respect de la création qui s'oppose à la primauté de la technique, et à une certaine mentalité progressiste agressive. Ellul notamment s'est opposé à l'idée selon laquelle la technique allait sauver l'homme, et à la conception des Lumières d'un progrès associé à la science. Günther Anders, le mari d'Hannah Arendt, philosophe allemand, a lui aussi critiqué la modernité technicienne. Dans L'obsolescence de l'homme, il met en garde contre la primauté de la technique qui transforme l'homme en objet et le rend donc obsolète.

Une opposition à la technique qui conduit donc à un refus de la PMA et de la GPA…

Oui, l'écologie chrétienne s'oppose à la technicisation du corps de la femme impliquée par la PMA et la GPA, qui consistent en une intrusion de la technique au cœur même du rapport fondamental de l'homme et de la femme, ce qui du point de vue d'une écologie intégrale, est inacceptable.

 

22/01/2014

Une génération écologique

Nous sommes une génération écologique. Enfin... Tout dépend de ce qu'on entend par "écologique".

 

21/01/2014

On n'arrête pas le progrès

« Le Totem du Progrès » écrit et chanté par le groupe belge Balimurphy.