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Archive Pro Liturgia 9 décembre 2012

* 9/12/2012 : Dans « Un nouvel évangile » (paru en italien sous le titre « Il quinto Evangelo »), Mgr Giacomo Biffi avait imaginé que des archéologues avaient découvert les fragments d’un cinquième évangile permettant de corriger l’enseignement traditionnel que l’Eglise avait élaboré sur la base des quatre Evangiles connus jusqu’ici. Mgr Biffi, avec son humour habituel, donne le passage classique de S. Jean 12, 4-8, puis la version trouvée dans le « nouvel évangile ». Il explique ensuite comment il faut à présent comprendre l’enseignement du Seigneur à la lumière d’une exégèse actualisée :

* Evangile de S. Jean : « Judas l’Iscariote, l’un des disciples qui allait le trahir, dit : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres ? » Mais Jésus dit : « Laisse-la faire : elle devait le conserver pour le jour de ma sépulture. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous ; moi, au contraire, vous ne m’aurez pas toujours. »

* Version donnée par le « cinquième évangile » : « ... Et Jésus dit à Marie, sœur de Lazare : « Un parfum de trois cents livres ! On ne pouvait pas le vendre pour aider les pauvres ? » Juda murmura : « Tiens, c’est tout juste ce que je voulais dire. » »

* Commentaire de Mgr Biffi :
Par la grâce de Dieu, se répand aujourd’hui dans bien des paroisses la conviction qu’il faut épargner aux maximum sur les dépenses du culte pour que, parmi les disciples du Christ, apparaisse plus lumineux le primat de la pauvreté et de la charité.
Mais qui a été élevé dans un climat de triomphalisme pourrait soulever à ce propos quelques objections. On pourrait par exemple s’étonner qu’un jeune homme exige à grands cris des évêques qu’ils manifestent leur consécration au Christ par une croix de bois et qu’il juge ensuite le bois indigne d’exprimer son amour conjugal. Mais ce serait un étonnement hors de propos : l’affection qui lie fiancés et époux est une chose vraiment sérieuse, et il est juste qu’elle soit représentée par des pierres précieuses et par de l’or.
Ou encore on pourrait redire à l’habitude, si commune désormais chez les prêtres les plus ouverts, d’épargner - au nom de l’austérité évangélique - sur les fleurs, les lampes, les ornements d’autel, et par contre ne pas lésiner sur les cigarettes, le whisky, la bière, et hélas ! le coca-cola quand il s’agit de soutenir les interminables discussions sur le méfaits de l’Eglise des riches. Mais ce serait ne pas comprendre la juste hiérarchie des valeurs.
Certains pourraient même en arriver à défendre les immenses églises surchargées du passé, sous prétexte qu’après tout elles ont été voulues riches, grandes, stupéfiantes par un peuple qui, s’il vivait peut-être dans des taudis, se sentait heureux d’avoir une maison de Dieu - et donc une maison des enfants de Dieu - qui par sa magnificence lui rappelait la joie de son destin et le sens de sa douloureuse existence. Les pierres lancées contre les cathédrales ne l’ont jamais été par ceux qui vivaient dans des cabanes en planches et sur un sol de terre battue, mais par ceux qui - ne les ayant pas construites et marchant chaque jour chez eux sur le marbre et la moquette - savent victorieusement résister à leur enchantement et à leur maléfice subtil.
Les anciens estimaient qu’il valait mieux vivre chez soi le détachement des biens et trouver dans sa cathédrale l’assouvissement de son désir de beauté et de grandeur. Plus sagement, la civilisation moderne estime que chaque édifice doit répondre à son but propre : la maison de Dieu doit rappeler la pauvreté évangélique et la nostalgie humaine d’un idéal de vie lumineux doit trouver sa forme expressive la plus élevée dans les services sanitaires, avec chromes et céramiques.
Mais l’argument principal des triomphalistes était de caractère scripturaire : le reproche adressé à Marie, cette prodigue qui dépensait trois cents deniers pour le culte amoureux du Christ, apparaissait dans les Evangiles traditionnels comme un sentiment mesquin du cœur sans amour de Judas, le seul de la compagnie qui fut capable de faire des comptes.
Et voici qu’il ressort avec évidence de ce fragment du 5e évangile que les antiques récits sont tendancieux : en réalité, le Maître était du même avis que le plus prudent, le plus sensé et le plus charitable de ses disciples. Il est vrai que par la suite il l’a trahi ; mais aurions-nous le cœur, dans ce climat d’ouverture œcuménique, de condamner pour une seule erreur toutes les pensées et toutes les actions de la vie d’un homme ?
 

Écrit par Espérance Nouvelle Lien permanent | Commentaires (0)

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