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14/07/2013

Mgr Brouwet : « C’est l’Esprit Saint qui anime la liturgie »

 La soif qu’ont les jeunes prêtres et séminaristes de trouver Dieu dans et à travers la liturgie, a retenu l’attention de l’hebdomadaire Famille Chrétienne qui y a consacré la couverture et un dossier de 8 pages de son numéro 1849 du 22 juin 2013. Les jeunes prêtres et séminaristes ne sont pas seuls : c’est toute une génération de jeunes chrétiens qui porte les fruits des enseignements et de la prière du Bienheureux Pape Jean-Paul II et du Pape Benoît XVI. Mais aussi des évêques, comme Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes. Voici la retranscription de son entretien de deux pages pour Famille Chrétienne :

« C’est à l’évêque de donner l’exemple »
Les séminaristes attendent de leur évêque une attention particulière pour la liturgie. Entretien avec Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes.

insert_20130709151033_ima395.JPGPropos recueillis par Jean-Marie Dumont pour le n° 1849 de Famille chrétienne

1) Quels changements percevez-vous dans la relation des jeunes prêtres et des séminaristes à la liturgie ?
 Je perçois une triple prise de conscience. En premier lieu, les jeunes semblent réaliser davantage que la liturgie s’adresse à Dieu, que son but est de Le louer, L’honorer, Le glorifier ; et que c’est vers Lui que tend toute l’action liturgique. Ils redécouvrent aussi que Dieu est l'acteur principal de la liturgie : c’est l’Esprit Saint qui nous apprend à prier, qui « anime » la liturgie.
 Ce n’est donc pas le prêtre ou la communauté locale qui « se saisissent » de la liturgie. Ils la reçoivent de l’Église. C’est le sens d’une attention plus grande aux rubriques. Les jeunes prêtres perçoivent enfin, avec une acuité renouvelée, que la liturgie n’est pas seulement une œuvre de la raison, mais qu’elle passe par la beauté, le ravissement. 
 
2) Qu’est-ce que cela modifie dans la pratique ?
Dans les faits, on sort d’un état d’esprit trop rationalisant et on tourne progressivement le dos à une sorte de minimalisme liturgique. On réalise que, pour louer Dieu et contempler l’invisible, l’expérience de la beauté est nécessaire à l’assemblée. Le prêtre, enfin, se perçoit moins comme animateur de la liturgie que comme celui qui célèbre au nom du Christ, en prenant de la distance vis-à-vis de lui-même et en évitant la tentation de l’autocélébration. Il y a des liturgies où le risque est de mettre l’assemblée en avant, de célébrer les personnes présentes, plus que le Seigneur Lui-même.
 
3) Comment expliquer que cette prise de conscience ait lieu aujourd’hui ?
C’est un mouvement qui a été amorcé il y a une bonne vingtaine d’années. Au moment où j’ai commencé à célébrer la messe, j’avais déjà l’impression de ne pas célébrer comme mes aînés. Certains diront que c’est un mouvement de balancier. Je pense que c’est plutôt un mouvement de fond où l’on retrouve, après les expériences des années soixante-dix et quatre-vingt, ce qui est central dans la liturgie.
 
4) Quel est le rôle de Benoît XVI dans cette évolution ?
Le pontificat de Benoît XVI a joué une influence déterminante sur les séminaristes de cette génération. Ils ont trouvé en lui un modèle. Car si Benoît XVI a parlé de la liturgie, il a aussi donné l’exemple en la célébrant. Ces jeunes ont également été impressionnés par la possibilité de célébrer dans la forme extraordinaire, avec, en arrière-plan, l’idée d’une influence réciproque et le désir d’une plus grande unité dans la liturgie. Cela a eu des conséquences sur la manière de célébrer dans la forme ordinaire.
 
5) Tout évêque n’est-il pas appelé à avoir ce souci de la liturgie ?
Il est essentiel que l’évêque se préoccupe de la formation liturgique de son clergé. Et qu’il donne le ton d’un art de célébrer dans son diocèse. La responsabilité n’est pas seulement celle du séminaire, mais plutôt celle de l’évêque : que veut-il dans les paroisses ? L’Église nous demande que, dans la cathédrale, la liturgie soit belle, exigeante, nourrissante et exemplaire.
 
6) Au-delà de l’exemple, faut-il également passer par l’enseignement ?
Oui, il est important de mettre en place des cours pratiques sur l’art de célébrer, cours qui font souvent défaut. Là où ces formations n’existent pas, chacun adopte sa manière de faire. Ces cours doivent être guidés par des recommandations de l’évêque. S’il n’y a pas un art de célébrer indiqué par l’évêque, on risque de tomber soit dans une forme de « rubricisme », c’est-à-dire dans une observance quasi obsessionnelle des règles du rituel, soit dans un individualisme liturgique où chacun met en place ses propres coutumes et les impose à l’assemblée. Or dans la liturgie, les préférences personnelles sont secondaires.
 
7) Concrètement, comment faire ?
Le cérémoniaire ou le responsable diocésain de la liturgie peut bien former les séminaristes à l’art de célébrer. Ce n’est pas le séminaire qui en a la seule charge. Mais si on laisse ce créneau vide, il ne faut pas s’étonner que chacun invente.
Certaines crispations peuvent disparaître à partir du moment où on prend au sérieux la question de la liturgie. Au fond, c’est cela que les séminaristes nous demandent : qu’on prenne au sérieux la liturgie et que leur évêque les accompagne.
 
8) Faut-il former à la forme extraordinaire dans les séminaires ?
Je ne crois pas que ce soit de la responsabilité du séminaire qui a déjà bien des formations à assurer. Un séminaire doit déjà préparer les futurs prêtres à célébrer dans la forme ordinaire du rite romain instaurée à la suite du concile Vatican II.
En revanche, il faut que les séminaristes qui veulent célébrer dans la forme extraordinaire osent le dire à l’évêque et qu’ils s’y préparent en confiance avec lui. Le droit étant reconnu à tout prêtre de célébrer dans cette forme, il n’y a donc aucune raison que cela se fasse en cachette.

9) Que dites-vous aux jeunes prêtres qui, en arrivant dans une paroisse, désirent rénover la liturgie ?
En premier lieu, d’avoir beaucoup de délicatesse et de respect pour ce qui s’est fait avant eux. J’utilise parfois une image : quand je vais dîner chez les gens, je ne commence pas à déplacer les fauteuils du salon parce que j’estime qu’ils sont mal agencés [Note d’Espérance Nouvelle : sauf les abus liturgiques que le Bienheureux Pape Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI ont demandé à plusieurs reprises de faire cesser immédiatement]. Il faut commencer par prendre la suite de son prédécesseur, en ne changeant rien la première année. Il faut apprendre à patienter, à voir comment des initiatives seront comprises. Sans le vouloir, un jeune prêtre peut être amené à faire exactement ce qu’il reproche à ses aînés d’avoir fait après le Concile. Il faut beaucoup de pédagogie. Et accepter de rentrer dans une histoire.
 
10) En prenant le temps d’expliquer ?
Les fidèles sont prêts à comprendre beaucoup de choses si on prend du temps avec eux, si on ne les culpabilise pas en leur disant que ce qu’ils ont fait depuis quinze ans n’a pas de valeur. Les jeunes prêtres ont à apprendre à devenir de vrais pasteurs. Étant entendu que c’est la charité du bon berger qui doit être la première, pour ne pas blesser. Il est souhaitable de procéder par étapes.
Il faut avoir une vue claire de ce à quoi on veut arriver, mais on ne peut pas y parvenir du jour au lendemain. Les jeunes n’ont pas toujours la sagesse de voir que les changements se font dans le temps. L’une des vertus du pasteur est la vertu de prudence, parce que c’est la vertu du gouvernement.
 
11) Comment mieux célébrer la liturgie sans tomber dans le formalisme ?
Le premier remède au risque de formalisme, c’est la vie intérieure du prêtre, son regard de foi sur ce qu’il est en train de célébrer. Il n’y aura pas de formalisme si le prêtre est tout entier à ce qu’il doit célébrer, s’il est habité, s’il ne fait pas semblant de l’être. C’est la question de la vérité du prêtre sur lui-même.
 
12) La répétition de gestes prévus par l’Église n’est-elle pas à l’opposé de cette exigence d’intériorité ?
Au contraire, elle permet de se dégager de l’inquiétude de la célébration, de vivre de l’intérieur les gestes qui sont posés. Le formalisme peut tout à fait être présent dans une liturgie inventée de toutes parts. On met tellement l’accent sur la forme qu’on a l’impression qu’il n’y a plus d’intériorité. Plus la liturgie est créative, créée de toutes pièces, plus elle est imprégnée de nouveautés, plus elle focalise l’attention sur le « comment faire ». Or la liturgie nous aide à nous débarrasser du « comment faire » pour être pleinement à ce qui est célébré.
 
13) N’est-ce pas le sens même du rite et du respect des rubriques ?
L’observation des rubriques nous aide à nous libérer du souci des gestes pour être pleinement dans le mystère qu’on est en train de fêter. Il y a dans la liturgie une saine habitude, qui peut favoriser le recueillement, l’union à Dieu et l’engagement de tout l’être dans ce que le prêtre célèbre. Il faut que le prêtre accepte d’être dépassé par ce qu’il célèbre. Je ne pense pas que la créativité incessante permette de faire cette expérience.
 
14) Et du côté des fidèles ?
Pour eux, la participation active ne consiste pas à voir des choses toujours nouvelles, mais à s’unir aux sacrements célébrés sans être dissipés par des nouveautés qui dispersent. L’observance du rite, pour les fidèles comme pour le prêtre, donne la liberté d’être tout aux sacrements célébrés. Et de comprendre que c’est Dieu qui agit.

Retranscription : Paix Liturgique 

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