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15/12/2016

Entretien avec Jean Sévillia : le politiquement correct est toujours à l'œuvre

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Propos recueillis par Philippe Maxence le 

Jean Sévillia viens de rééditer sous le titre Écrits historiques de combat ses trois principaux essais : Historiquement correct, Moralement correct et Le Terrorisme intellectuel. Il revient pour nous sur ce combat des idées.

Vous venez de rééditer sous le titre Écrits historiques de combat vos trois principaux essais consacrés au décorticage de la pensée dominante. Naguère, la Pléiade avait publié les « écrits de combat » de Bernanos. Faut-il y voir un hasard ou une filiation ?

Jean Sévillia : C’est mon éditeur qui m’a proposé ce titre de Écrits historiques de combat, proposition que j’ai acceptée. Il est vrai que la formule rappelle celle des Essais et écrits de combat de Bernanos publiés dans la Pléiade. Ce n’est pas un hasard puisqu’on classera celui-ci dans la catégorie des essayistes catholiques, catégorie à laquelle je puis être assimilé. Mais à la vérité, la pensée politique de Bernanos est un peu fluctuante, et son registre pamphlétaire n’est pas le mien. Chez Bernanos, j’admire plus le style en général – c’est un admirable écrivain – et les romans, qui nous emmènent toujours dans l’affrontement saisissant du péché et de la grâce. Si je voulais m’inscrire dans une filiation, ce serait plutôt dans celle de Jacques Bainville qui était un historien-journaliste, ce que je tente modestement d’être, et qui par ailleurs écrivait admirablement. Mais l’agnosticisme de Bainville a pour conséquence regrettable qu’il manque une dimension chrétienne dans ses livres, outre que ses sources historiques sont parfois dépassées. L’idéal serait d’avoir la méthode de Bainville, la foi de Bernanos et autant de style qu’eux deux. Mais je n’ai pas cette prétention : je me contente d’être moi-même, tout en essayant de m’améliorer…

Même si vous admettez comme leurs adversaires que les « néoréacs » se font de plus en plus entendre, vous estimez pourtant que « l’orientation et les conditions du débat d’idées, en France, ne sont pas substantiellement modifiées ». Pensez-vous réellement que le « sinistrisme » mis en évidence par Albert Thibaudet sous la IIIe République est encore vraiment à l’œuvre ?

Il faut distinguer deux niveaux. Pour ce qui est de la production d’idées et du positionnement idéologique et politique des intellectuels de premier plan, il est vrai que la gauche a perdu l’hégémonie qu’elle exerçait dans ce domaine. Si l’on considère, par exemple parmi les philosophes, ceux dont les livres remportent de vrais succès de librairie, on trouve Alain Finkielkraut, qui était de gauche il y a trente ans mais qui passe aujourd’hui pour réactionnaire, Michel Onfray, qui est malheureusement athée et qui continue de se dire de gauche alors que toute sa pensée va à l’encontre des principes de la gauche, ou Fabrice Hadjadj ou François-Xavier Bellamy, qui sont des catholiques de droite. Je ne prétends certes pas qu’il n’y a plus de philosophes de gauche, mais ils se taisent ou ne sont plus écoutés. Mais quand ils publient un livre, Alain Finkielkraut ou Michel Onfray, pour n’évoquer qu’eux, subissent un tir de barrage médiatique qui vise à déconsidérer leur personne et à délégitimer leurs propos parce qu’ils vont à contre-courant du politiquement correct. Et c’est ici que nous trouvons le deuxième niveau qui me fait dire que les conditions du débat d’idées ne se sont pas substantiellement modifiées en France depuis trente ans. Car le monde médiatique, tout comme le monde de l’enseignement, sont deux secteurs de la société française qui sont massivement orientés politiquement, et où l’hégémonie de la gauche n’a pas reculé d’un centimètre. Or tous les Français passent par l’école, le collège, le lycée ou l’université, et tous regardent la télévision et écoutent la radio. L’enseignement et les médias restent par conséquent deux filtres idéologiques dont l’influence est énorme sur le commun des mortels, même si les autres y échappent par les écoles entièrement libres et les médias alternatifs.

Qu’est-ce qui caractérise cette hégémonie de la gauche ?

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Jean Sévillia, Écrits historiques de combat (Historiquement correct, Moralement correct, Le Terrorisme intellectuel, avec une préface inédite, une bibliographie actualisée et un index des noms propres), Perrin, 840 p., 25 €.

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