Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/07/2013

Théologies de la libération : religion ou idéologie politique ?

(…)

Une nouvelle herméneutique

1. La conception partisane de la vérité qui se manifeste dans la praxis révolutionnaire de classe corrobore cette position. Les théologiens qui ne partagent pas les thèses de la « théologie de la libération », la hiérarchie, et surtout le Magistère romain sont ainsi discrédités a priori, comme appartenant à la classe des oppresseurs. Leur théologie est une théologie de classe. Arguments et enseignements n'ont ainsi pas à être examinés en eux-mêmes, puisqu'ils ne font que refléter des intérêts de classe. Par là leur discours est décrété, en principe, faux.

2. Ici apparaît le caractère global et totalisant de la « théologie de la libération ». Celle-ci, en conséquence, doit être critiquée, non pas dans telle ou telle de ses affirmations, mais au niveau du point de vue de classe qu'elle adopte a priori et qui fonctionne en elle comme un principe herméneutique déterminant.

3. A cause de ce présupposé classiste, il devient extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d'obtenir de certains « théologiens de la libération » un vrai dialogue dans lequel l'interlocuteur soit écouté et ses arguments soient discutés objectivement et avec attention. Car ces théologiens partent, plus ou moins consciemment, du présupposé que le point de vue de la classe opprimée et révolutionnaire, qui serait le leur, constitue seul le point de vue de la vérité. Les critères théologiques de vérité se trouvent ainsi relativisés et subordonnés aux impératifs de la lutte des classes. Dans cette perspective, on substitue à l’orthodoxie comme droite règle de la foi, l'idée d'orthopraxie comme critère du vrai. A cet égard, il ne faudrait pas confondre l'orientation pratique, qui est propre à la théologie traditionnelle aussi bien et au même titre que l'orientation spéculative, avec un primat privilégié reconnu à un certain type de praxis. De fait, cette dernière est la praxis révolutionnaire qui deviendrait ainsi le critère suprême de la vérité théologique. Une saine méthodologie théologique tient compte sans doute de la praxis de l'Église et y trouve l'un de ses fondements, mais c'est parce qu'elle découle de la foi et en est l'expression vécue.

4. La doctrine sociale de l'Église est rejetée avec dédain. Elle procède, dit-on, de l'illusion d'un possible compromis, propre aux classes moyennes qui sont sans destin historique.

5. La nouvelle herméneutique inscrite dans les « théologies de la libération » conduit à une relecture essentiellement politique de l'Écriture. Ainsi une importance majeure est accordée à l'événement de l'Exode en tant qu'il est libération de la servitude politique. On propose également une lecture politique du Magnificat. Le tort n'est pas ici de prêter attention à une dimension politique des récits bibliques. Il est de faire de cette dimension la dimension principale et exclusive, qui conduit à une lecture réductrice de l'Écriture.

6. De même, on se situe dans la perspective d'un messianisme temporel, qui est une des expressions les plus radicales de la sécularisation du Royaume de Dieu et de son absorption dans l'immanence de l'histoire humaine.

7. En privilégiant de cette façon la dimension politique, on est conduit à nier la radicale nouveauté du Nouveau Testament et, avant tout, à méconnaître la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, ainsi que le caractère spécifique de la libération qu'il nous apporte, et qui est d'abord libération du péché, lequel est la source de tous les maux.

8. Par ailleurs, en mettant à l'écart l'interprétation autorisée du Magistère, dénoncée comme interprétation de classe, on s'écarte du même coup de la Tradition. Par là, on se prive d'un critère théologique essentiel d'interprétation et, dans le vide ainsi créé, on accueille les thèses les plus radicales de l'exégèse rationaliste. On reprend ainsi, sans esprit critique, l'opposition entre le « Jésus de l'histoire » et le « Jésus de la foi ».

9. Certes, on conserve la littéralité des formules de la foi, et notamment celle de Chalcédoine, mais on leur attribue une signification nouvelle, qui est une négation de la foi de l'Église. D'un côté on rejette la doctrine christologique portée par la Tradition, au nom du critère de classe; d'un autre, on prétend rejoindre le « Jésus de l'histoire » à partir de l'expérience révolutionnaire de la lutte des pauvres pour leur libération.

10. On prétend revivre une expérience analogue à celle qui aurait été celle de Jésus. L'expérience des pauvres luttant pour leur libération, qui aurait été celle de Jésus, révélerait ainsi, et elle seule, la connaissance du vrai Dieu et celle du Royaume.

11. Il est clair que la foi au Verbe incarné, mort et ressuscité pour tous les hommes, et que « Dieu a fait Seigneur et Christ » [25] est niée. On lui substitue une « figure » de Jésus qui est une sorte de symbole récapitulant en soi les exigences de la lutte des opprimés.

12. On donne ainsi de la mort du Christ une interprétation exclusivement politique. On nie par là sa valeur salvifique et toute l'économie de la rédemption.

13. La nouvelle interprétation atteint ainsi l'ensemble du mystère chrétien.

14. D'une façon générale, elle opère ce qu'on peut appeler une inversion des symboles. Ainsi, au lieu de voir avec St Paul dans l'Exode une figure du baptême [26], on sera porté, à la limite, à faire de celui-ci un symbole de la libération politique du peuple.

15. Le même critère herméneutique étant appliqué à la vie ecclésiale et à la constitution hiérarchique de l'Église, les rapports entre la hiérarchie et la « base » deviennent des rapports de domination obéissant à la loi de la lutte des classes. La sacramentalité qui est à la racine des ministères ecclésiaux et qui fait de l'Église une réalité spirituelle irréductible à une analyse purement sociologique, est tout simplement ignorée.

16. Le renversement des symboles se constate encore dans le domaine des sacrements. L'Eucharistie n'est plus comprise dans sa vérité de présence sacramentelle du sacrifice réconciliateur et comme le don du Corps et du Sang du Christ. Elle devient célébration du peuple dans sa lutte. En conséquence, l'unité de l'Église est niée radicalement. L'unité, la réconciliation, la communion dans l'amour ne sont plus conçus comme un don que nous recevons du Christ [27]. C'est la classe historique des pauvres qui, à travers son combat, construira l'unité. La lutte des classes est le chemin de cette unité. L'Eucharistie devient ainsi Eucharistie de classe. Du même coup est niée la force triomphante de l'amour de Dieu qui nous est donné.

(...)

S. CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI - INSTRUCTION LIBERTATIS NUNTIUS SUR QUELQUES ASPECTS DE LA « THEOLOGIE DE LA LIBERATION »

Lire la totalité de l’instruction Libertatis nuntius.

Les commentaires sont fermés.