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17/04/2014

17 avril - Jeudi Saint: encyclique Ecclesia de Eucharistia

Le 17 avril 2003, Jeudi Saint, le Pape Jean-Paul II publiait la lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, sur l'Eucharistie, dans son rapport à l'Église.

En voici quelques extraits:

INTRODUCTION

1. L 'Église vit de l'Eucharistie (Ecclesia de Eucharistia vivit).

À juste titre, le Concile Vatican II a proclamé que le Sacrifice eucharistique est « source et sommet de toute la vie chrétienne ». « La très sainte Eucharistie contient en effet l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le Pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes ».C'est pourquoi l'Église a le regard constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le Sacrement de l'autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour.

4. L'agonie à Gethsémani a été l'introduction de l'agonie sur la Croix le Vendredi saint. L'heure sainte, l'heure de la rédemption du monde. Tout prêtre qui célèbre la Messe revient en esprit, en même temps que la communauté chrétienne qui y participe, à ce lieu et à cette heure.

5. Dans l'événement pascal et dans l'Eucharistie qui l'actualise au cours des siècles, il y a un « contenu » vraiment énorme, dans lequel est présente toute l'histoire en tant que destinataire de la grâce de la rédemption.

8. Même lorsqu'elle est célébrée sur un petit autel d'une église de campagne, l'Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l'autel du monde. Elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la création. Le Fils de Dieu s'est fait homme pour restituer toute la création, dans un acte suprême de louange, à Celui qui l'a tirée du néant. C'est ainsi que lui, le prêtre souverain et éternel, entrant grâce au sang de sa Croix dans le sanctuaire éternel, restitue toute la création rachetée au Créateur et Père. Il le fait par le ministère sacerdotal de l'Église, à la gloire de la Trinité sainte. C'est vraiment là le mysterium fidei qui se réalise dans l'Eucharistie: le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne à lui après avoir été racheté par le Christ.

9. L'Eucharistie, présence salvifique de Jésus dans la communauté des fidèles et nourriture spirituelle pour elle, est ce que l'Église peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l'histoire.

10. Parfois se fait jour une compréhension très réductrice du Mystère eucharistique. Privé de sa valeur sacrificielle, il est vécu comme s'il n'allait pas au-delà du sens et de la valeur d'une rencontre conviviale et fraternelle. De plus, la nécessité du sacerdoce ministériel, qui s'appuie sur la succession apostolique, est parfois obscurcie, et le caractère sacramentel de l'Eucharistie est réduit à la seule efficacité de l'annonce. D'où, ici ou là, des initiatives œcuméniques qui, bien que suscitées par une intention généreuse, se laissent aller à des pratiques eucharistiques contraires à la discipline dans laquelle l'Église exprime sa foi. Comment ne pas manifester une profonde souffrance face à tout cela? L'Eucharistie est un don trop grand pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions.

CHAPITRE I

MYSTÈRE DE LA FOI

11. « La nuit même où il était livré, le Seigneur Jésus » (1 Co 11, 23) institua le Sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang. Les paroles de l'Apôtre Paul nous ramènent aux circonstances dramatiques dans lesquelles est née l'Eucharistie, qui est marquée de manière indélébile par l'événement de la passion et de la mort du Seigneur. C'est le sacrifice de la Croix qui se perpétue au long des siècles.

L'Église a reçu l'Eucharistie du Christ son Seigneur non comme un don, pour précieux qu'il soit parmi bien d'autres, mais comme le don par excellence, car il est le don de lui-même, de sa personne dans sa sainte humanité, et de son œuvre de salut. Celle-ci ne reste pas enfermée dans le passé, puisque « tout ce que le Christ est, et tout ce qu'il a fait et souffert pour tous les hommes, participe de l'éternité divine et surplombe ainsi tous les temps... ».

12. Cet aspect de charité universelle du Sacrement eucharistique est fondé sur les paroles mêmes du Sauveur. En l'instituant, Jésus ne se contenta pas de dire « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang », mais il ajouta « livré pour vous » et « répandu pour la multitude » (Lc 22, 19-20). Il n'affirma pas seulement que ce qu'il leur donnait à manger et à boire était son corps et son sang, mais il en exprima aussi la valeur sacrificielle, rendant présent de manière sacramentelle son sacrifice qui s'accomplirait sur la Croix quelques heures plus tard pour le salut de tous. « La Messe est à la fois et inséparablement le mémorial sacrificiel dans lequel se perpétue le sacrifice de la Croix, et le banquet sacré de la communion au Corps et au Sang du Seigneur ».

L'Eucharistie étend aux hommes d'aujourd'hui la réconciliation obtenue une fois pour toutes par le Christ pour l'humanité de tous les temps. En effet, « le sacrifice du Christ et le sacrifice de l'Eucharistie sont un unique sacrifice ». Saint Jean Chrysostome le disait déjà clairement: « Nous offrons toujours le même Agneau, non pas l'un aujourd'hui et un autre demain, mais toujours le même. Pour cette raison, il n'y a toujours qu'un seul sacrifice. [...] Maintenant encore, nous offrons la victime qui fut alors offerte et qui ne se consumera jamais ».

La Messe rend présent le sacrifice de la Croix, elle ne s'y ajoute pas et elle ne le multiplie pas. Ce qui se répète, c'est la célébration en mémorial, la « manifestation en mémorial » (memorialis demonstratio) du sacrifice, par laquelle le sacrifice rédempteur du Christ, unique et définitif, se rend présent dans le temps. La nature sacrificielle du Mystère eucharistique ne peut donc se comprendre comme quelque chose qui subsiste en soi, indépendamment de la Croix, ou en référence seulement indirecte au sacrifice du Calvaire.

13. En vertu de son rapport étroit avec le sacrifice du Golgotha, l'Eucharistie est un sacrifice au sens propre, et non seulement au sens générique, comme s'il s'agissait d'une simple offrande que le Christ fait de lui-même en nourriture spirituelle pour les fidèles. En effet, le don de son amour et de son obéissance jusqu'au terme de sa vie (cf. Jn 10, 17-18) est en premier lieu un don à son Père. C'est assurément un don en notre faveur, et même en faveur de toute l'humanité (cf. Mt 26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20; Jn 10, 15), mais c'est avant tout un don au Père: « Sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui s'est fait “obéissant jusqu'à la mort” (Ph 2, 8), avec son propre don paternel, c'est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection ».

En donnant son sacrifice à l'Église, le Christ a voulu également faire sien le sacrifice spirituel de l'Église, appelée à s'offrir aussi elle-même en même temps que le sacrifice du Christ. Tel est l'enseignement du Concile Vatican II concernant tous les fidèles: « Participant au Sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine, et s'offrent eux-mêmes avec elle ».

15. Dans la Messe, la représentation sacramentelle du sacrifice du Christ couronné par sa résurrection implique une présence tout à fait spéciale que – pour reprendre les mots de Paul VI – « on nomme “réelle”, non à titre exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas “réelles”, mais par antonomase parce qu'elle est substantielle, et que par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend présent tout entier ». Ainsi est proposée de nouveau la doctrine toujours valable du Concile de Trente: « Par la consécration du pain et du vin s'opère le changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; ce changement, l'Église catholique l'a justement et exactement appelé transsubstantiation ». L'Eucharistie est vraiment « mysterium fidei », mystère qui dépasse notre intelligence et qui ne peut être accueilli que dans la foi, comme l'ont souvent rappelé les catéchèses patristiques sur ce divin Sacrement. « Ne t'attache donc pas – exhorte saint Cyrille de Jérusalem – comme à des éléments naturels au pain et au vin, car ils sont, selon la déclaration du Maître, corps et sang. C'est, il est vrai, ce que te suggèrent les sens; mais que la foi te rassure ».

Nous continuerons à chanter avec le Docteur angélique: « Adoro te devote, latens Deitas ». Devant ce mystère d'amour, la raison humaine fait l'expérience de toute sa finitude. On voit alors pourquoi, au long des siècles, cette vérité a conduit la théologie à faire de sérieux efforts de compréhension.

Ce sont des efforts louables, d'autant plus utiles et pénétrants qu'ils ont permis de conjuguer l'exercice critique de la pensée avec « la foi vécue » de l'Église. Il y a tout de même la limite indiquée par Paul VI: « Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit, pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d'exister après la consécration, en sorte que c'est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui, dès lors, sont réellement présents devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin ».

16. L'efficacité salvifique du sacrifice se réalise en plénitude dans la communion, quand nous recevons le corps et le sang du Seigneur. Le Sacrifice eucharistique tend en soi à notre union intime, à nous fidèles, avec le Christ à travers la communion: nous le recevons lui-même, Lui qui s'est offert pour nous, nous recevons son corps, qu'il a livré pour nous sur la Croix, son sang, qu'il a « répandu pour la multitude, en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Il ne s'agit pas d'un aliment au sens métaphorique: « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 55).

17. Par le don de son corps et de son sang, le Christ fait grandir en nous le don de son Esprit, déjà reçu au Baptême et offert comme « sceau » dans le sacrement de la Confirmation.

18. Celui qui se nourrit du Christ dans l'Eucharistie n'a pas besoin d'attendre l'au-delà pour recevoir la vie éternelle: il la possède déjà sur terre, comme prémices de la plénitude à venir, qui concernera l'homme dans sa totalité. Dans l'Eucharistie en effet, nous recevons également la garantie de la résurrection des corps à la fin des temps: « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54). Cette garantie de la résurrection à venir vient du fait que la chair du Fils de l'homme, donnée en nourriture, est son corps dans son état glorieux de Ressuscité.

19. La tension eschatologique suscitée dans l'Eucharistie exprime et affermit la communion avec l'Église du ciel. C'est un aspect de l'Eucharistie qui mérite d'être souligné: en célébrant le sacrifice de l'Agneau, nous nous unissons à la liturgie céleste, nous associant à la multitude immense qui s'écrie: « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau! » (Ap 7, 10). L'Eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s'ouvre sur la terre! C'est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin.

 

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CHAPITRE V

LA DIGNITÉ DE LA CÉLÉBRATION
EUCHARISTIQUE

47. Celui qui lit le récit de l'institution de l'Eucharistie dans les Évangiles synoptiques est frappé tout à la fois par la simplicité et par la « gravité » avec lesquelles Jésus, le soir de la dernière Cène, institue ce grand Sacrement. Il y a un épisode qui, en un sens, lui sert de prélude: c'est l'onction à Béthanie. Une femme, que Jean identifie à Marie, sœur de Lazare, verse sur la tête de Jésus un flacon de parfum précieux, provoquant chez les disciples – en particulier chez Judas (cf. Mt 26, 8; Mc 14, 4; Jn 12, 4) – une réaction de protestation, comme si un tel geste constituait un « gaspillage » intolérable en regard des besoins des pauvres. Le jugement de Jésus est cependant bien différent. Sans rien ôter au devoir de charité envers les indigents, auprès desquels les disciples devront toujours se dévouer – « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mt 26, 11; Mc 14, 7; cf. Jn 12, 8) –, Jésus pense à l'événement imminent de sa mort et de sa sépulture, et il voit dans l'onction qui vient de lui être donnée une anticipation de l'honneur dont son corps continuera à être digne même après sa mort, car il est indissolublement lié au mystère de sa personne.

48. Comme la femme de l'onction à Béthanie, l'Église n'a pas craint de « gaspiller », plaçant le meilleur de ses ressources pour exprimer son admiration et son adoration face au don incommensurable de l'Eucharistie.

49. En se laissant porter par ce sens élevé du mystère, on comprend que la foi de l'Église dans le Mystère eucharistique se soit exprimée dans l'histoire non seulement par la requête d'une attitude intérieure de dévotion, mais aussi par une série d'expressions extérieures, destinées à évoquer et à souligner la grandeur de l'événement célébré. De là naît le parcours qui a conduit progressivement à délimiter un statut spécial de réglementation pour la liturgie eucharistique, dans le respect des diverses traditions ecclésiales légitimement constituées. Sur cette base s'est aussi développé un riche patrimoine artistique. L'architecture, la sculpture, la peinture, la musique, en se laissant orienter par le mystère chrétien, ont trouvé dans l'Eucharistie, directement ou indirectement, un motif de grande inspiration.

52. Il faut malheureusement déplorer que, surtout à partir des années de la réforme liturgique post-conciliaire, en raison d'un sens mal compris de la créativité et de l'adaptation les abus n'ont pas manqué, et ils ont été des motifs de souffrance pour beaucoup. Une certaine réaction au « formalisme » a poussé quelques-uns, en particulier dans telle ou telle région, à estimer que les « formes » choisies par la grande tradition liturgique de l'Église et par son Magistère ne s'imposaient pas, et à introduire des innovations non autorisées et souvent de mauvais goût.

C'est pourquoi je me sens le devoir de lancer un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité. Elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l'Eucharistie; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n'est jamais la propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés. L'Apôtre Paul dut adresser des paroles virulentes à la communauté de Corinthe pour dénoncer les manquements graves à la Célébration eucharistique, manquements qui avaient conduit à des divisions (schísmata) et à la formation de factions (airéseis) (cf. 1 Co 11, 17-34). À notre époque aussi, l'obéissance aux normes liturgiques devrait être redécouverte et mise en valeur comme un reflet et un témoignage de l'Église une et universelle, qui est rendue présente en toute célébration de l'Eucharistie. Le prêtre qui célèbre fidèlement la Messe selon les normes liturgiques et la communauté qui s'y conforme manifestent, de manière silencieuse mais éloquente, leur amour pour l'Église. Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j'ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine de préparer un document plus spécifique, avec des rappels d'ordre également juridique, sur ce thème d'une grande importance. Il n'est permis à personne de sous-évaluer le Mystère remis entre nos mains: il est trop grand pour que quelqu'un puisse se permettre de le traiter à sa guise, ne respectant ni son caractère sacré ni sa dimension universelle.

 

> Lire la traduction française complète de Ecclesia de Eucharistia sur le site officiel du Vatican

 

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