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11/05/2014

Ce qui se communique dans l'amitié: bons et mauvais exemples

Pourquoi les amis font bien de rester eux-mêmes.

Par Saint François de Sales

Rouffignac-Saint-Cernin_%C3%A9glise_statue_St_Fran%C3%A7ois_de_Sales.JPGL’amitié requiert une grande communication entre les amants [usage ancien pour "amis"; Saint François parle ici de l'amitié ordinaire, notamment entre personnes de même sexe, NdEspN], autrement elle ne peut ni naître ni subsister. C’est pourquoi il arrive souvent qu’avec la communication de l’amitié, plusieurs autres communications passent et se glissent insensiblement de coeur en coeur, par une mutuelle infusion et réciproque écoulement d’affections, d’inclinations et d’impressions. Mais surtout, cela arrive quand nous estimons grandement celui que nous aimons; car alors nous ouvrons tellement le coeur à son amitié, qu’avec icelle ses inclinations et impressions entrent aisément tout entières, soit qu’elles soient bonnes ou qu’elles soient mauvaises. Certes, les abeilles qui amassent le miel d’Héraclée ne cherchent que le miel, mais avec le miel, elles sucent insensiblement les qualités vénéneuses de l’aconit sur lequel elles font leur cueillette. Or donc, Philothée, il faut bien pratiquer en ce sujet la parole que le Sauveur de nos âmes soulait dire, ainsi que les Anciens nous ont appris: « Soyez bons changeurs et monnayeurs »c’est-à-dire, ne recevez pas la fausse monnaie avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; séparez le précieux d’avec le chétif ; oui, car il n’y a presque celui qui n’ait quelque imperfection. Et quelle raison y a-t-il de recevoir pêle-mêle les tares et imperfections de l’ami avec son amitié ? Il le faut certes aimer nonobstant son imperfection, mais il ne faut ni aimer, ni recevoir son imperfection ; car l’amitié requiert la communication du bien et non pas du mal. Comme donc ceux qui tirent le gravier du Tage, en séparent l’or qu’ils y trouvent pour l’emporter, et laissent le sable sur le rivage, de même ceux qui ont la communication de quelque bonne amitié doivent en séparer le sable des imperfections, et ne le point laisser entrer en leur âme. Certes, saint Grégoire Nazianzène témoigne que plusieurs, aimant et admirant saint Basile, s’étaient laissés porter à l’imiter, même en ses imperfections extérieures, « en son parler lentement et avec un esprit abstrait et pensif, en la forme de sa barbe et en sa démarche. » Et nous voyons des maris, des femmes, des enfants, des amis qui ayant en grande estime leurs amis, leurs pères, leurs maris et leurs femmes acquièrent ou par condescendance ou par imitation, mille mauvaises petites humeurs au commerce de l’amitié qu’ils ont ensemble. Or, cela ne se doit aucunement faire, car chacun a bien assez de ses mauvaises inclinations sans se surcharger de celles des autres; et non seulement l’amitié ne requiert pas cela, mais au contraire, elle nous oblige à nous entr’aider pour nous affranchir réciproquement de toutes sortes d’imperfections. Il faut sans doute supporter doucement l’ami en ses imperfections, mais non pas le porter en icelles, et beaucoup moins les transporter en nous.

Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, Troisième partie, chapitre XXII

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