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09/09/2014

Tolstoï et le Salut

A l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Tolstoï,
voici un extrait de son oeuvre :

Kiesewetter, un petit homme trapu et grisonnant, monta sur l’estrade et commença son discours. Il parlait en allemand, et une jeune fille maigre, avec un lorgnon sur le nez, traduisait ses paroles au fur et à mesure.

Il disait que nos péchés sont si grands, et que le châtiment en est si grand et si inévitable, que c’est pour nous chose impossible de vivre tranquilles dans l’attente de ce châtiment.

« Chères sœurs et chers frères, pensons un moment à nous-mêmes, à notre vie, à la façon dont nous agissons, à la façon dont nous irritons la colère de Dieu, dont nous ajoutons à la souffrance du Christ : et nous comprendrons qu’il n’y a pas pour nous de pardon, pas d’issue, pas de salut, que nous sommes infailliblement perdus. La perdition la plus terrible, des tourments éternels nous sont réservés, ajoutait-il d’une voix tremblante. Comment nous sauver ? Mes frères, comment nous sauver de cet incendie effroyable ? Il a déjà embrasé notre maison, et toute issue nous manque ! »

Il se tut, et de véritables larmes coulèrent le long de ses joues. Depuis huit ans déjà, invariablement, toutes les fois qu’il arrivait à ce passage de celui de ses discours qui lui plaisait le plus, il éprouvait un spasme dans la gorge, et des larmes coulaient sur ses joues. Dans la salle, des sanglots se firent entendre. Les grasses épaules nues de la comtesse Catherine Ivanovna étaient secouées d’un frisson saccadé. Le cocher considérait l’orateur avec un mélange d’étonnement et d’épouvante, comme il aurait considéré un homme que ses chevaux auraient, par accident, écrasé. La fille de Wolff, vêtue avec un luxe voyant, s’était précipitée à genoux et se cachait le visage dans les mains.

Cependant l'orateur releva la tête et fit apparaître sur ses lèvres un sourire pareil à ceux qui servent aux acteurs pour exprimer le retour de l'espérance. Et, d'une voix humble et douce, il reprit :
- Mais le salut existe. Il est à notre portée, sûr, léger, joyeux. Ce salut, c'est le sang du Fils de Dieu répandu pour nous. Son martyre, son sang répandu nous sauvent de la perdition. Mes frères et mes sœurs, remercions Dieu qui a daigné sacrifier son fils unique à la rédemption des péchés de l'homme ! Son sang trois fois béni..."

Tolstoï - La Resurrection

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