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25/04/2015

"On est appelé pour être envoyé"

Comment discerner son appel, sa mission, sa vocation ? Est-ce la même chose ? Théologien et aumônier d’étudiants, le Père Alexis Leproux est confronté à des jeunes qui s’interrogent sur leur voie. Il propose ici quelques étapes d’un juste discernement.

Le Père Alexis Leproux, 43 ans, a lancé Even (École du Verbe éternel et nouveau) en 2006. Cette soirée hebdomadaire de formation chrétienne rassemble plus de 1 500 jeunes dans plus d’une vingtaine de paroisses en France, dont celle de Saint-Germain-des-Prés (Paris) où il est vicaire. Alexis Leproux est également professeur d’Écriture sainte à la ­Faculté Notre-Dame, au Collège des Bernardins (Paris).

Vocation, mission… est-ce la même chose ?

On confond souvent ces deux notions. Elles désignent pourtant deux mouvements bien distincts, quoique complémentaires : on reçoit une vocation en vue d’une mission. Quand le Christ appelle un disciple à marcher derrière Lui, c’est pour l’envoyer en mission jusqu’aux périphéries du monde.

Comment définir la vocation ?

C’est être appelé par l’Unique, être appelé par son nom pour être envoyé vers un autre. Nul n’est appelé pour soi-même, mais pour cet autre que Dieu cherche. Une personne qui partirait en mission sans être appelée serait un imposteur.

Discerner sa vocation – et donc sa mission – n’est pas toujours évident…

En effet. Pour certains, l’appel est entendu facilement et précocement ; pour d’autres, il faut attendre parfois longtemps. Une parabole évoque ces ouvriers de la dernière heure que personne n’a embauchés. Ils sont assis sur la place en attendant l’appel. Une parole survient alors, à la dernière heure, qui les envoie dans la vigne du maître.

Tout envoi en mission est l’occasion de donner du fruit. Il est intéressant de regarder comment l’éducation prépare ou non cette possibilité de se reconnaître comme créature appelée, capable de donner une réponse libre, pour servir sans rien attendre en retour, afin de donner la vie en abondance. 

Il peut y avoir aussi des difficultés dans la mission…

Oui. Ce n’est pas parce qu’on a été appelé et bien formé (au séminaire, au noviciat), ou que l’on a suivi une belle préparation au mariage, que la mission va être facile et bien accomplie. Il y a les difficultés de l’appel mais aussi celles de la mission : fidélité à celle qu’on a reçue, persévérance dans l’attente des fruits, humilité devant l’œuvre accomplie, etc. Autant d’épreuves qu’il faut apprendre à traverser avec la grâce de Dieu.

Le mot « mission » n’a-t-il pas deux sens : d’une part, l’envoi apostolique que reçoit tout chrétien ; d’autre part, la mission de réalisation personnelle, de croissance humaine, que reçoit toute personne ?

Les mots ont plusieurs sens. Vocation, mission, mariage… n’y échappent pas. La vocation, c’est d’abord cet appel originel à l’existence : Dieu prononce mon nom et je deviens ce que je suis. Nos noms sont ainsi inscrits dans son Cœur, et notre vocation est un appel quotidien à aimer éternellement. Notre mission fondamentale, quels que soient nos états de vie, c’est d’entrer dans la louange du Fils à la gloire de son Père, vivre le Notre Père, c’est-à-dire présenter toute chose au Père.

Ce sont les deux mouvements, selon saint Jean, qui consistent à sortir de Dieu pour retourner vers Dieu. Ils vont se traduire de mille manières en fonction de l’âge, de la vie, de la réponse libre, du contexte historique, etc. Thérèse de Lisieux découvre précocement, par un désir intime, qu’elle est appelée à être carmélite et cet appel n’attend pas. Quant à Jeanne d’Arc, ce sont les voix du Ciel qui lui révèlent son incroyable mission : sauver le royaume de France.

Peut-on découvrir seul sa mission ?

Non, on ne fait jamais rien tout seul ! On ne fait pas un bébé tout seul, on ne s’ordonne pas prêtre tout seul. Une vocation, quelle qu’elle soit, est toujours située dans une relation d’alliance avec Dieu et avec les hommes. Quand Jésus pose son regard sur moi, Il me dit : « Alexis, je t’aime et j’ai besoin de toi pour construire, avec tes frères, mon Église à Paris ». C’est à la fois très personnel et très communautaire ! Dans le jardin de la Résurrection, le Christ appelle Marie par son nom, elle répond, et Il l’envoie vers ses frères en Galilée. La liberté n’est pas d’être seul et de « faire ce qu’on veut » ; c’est être amoureusement uni au Christ pour ne jamais vouloir autre chose que ce que veut son corps qui est l’Église. 

Nos goûts et nos désirs ne sont-ils pas des signes pour discerner ?

Oui. Si je suis dominicain, c’est probablement par un goût particulier pour la parole de Dieu. Si j’épouse Faustine, c’est parce que je suis amoureux de sa personne, de son visage, de son être tout entier.

Mais attention : il ne suffit pas d’avoir « envie de faire ça » pour que ce soit un signe. La difficulté principale, c’est de vouloir vraiment ce que je veux ! Un jeune désire souvent, comme sainte Thérèse, tout à la fois : se marier, être parent, aider les pauvres, faire de la politique… C’est pourtant la porte étroite du choix qui nous ouvre à la vie. Sainte Thérèse, carmélite à Lisieux, n’a pas annoncé l’Évangile à Hong Kong ! Elle est pourtant patronne des missions. C’est en vivant pleinement sa propre vie, son appel singulier, que l’on est conduit à l’universalité de l’amour, à sa hauteur, à sa profondeur, à sa largeur…

Y a-t-il des étapes dans le discernement d’un appel ?

J’en distingue cinq. Premier mouvement : passer du désir à la parole. Je connais des gens qui veulent se marier et qui n’osent pas le confier à la personne concernée ! Si j’ai le désir d’être prêtre, je vais en parler à quelqu’un qui m’aidera à discerner. Passer à la parole est la base du discernement.

Deuxièmement : passer de la parole à la patience. Il faut laisser les choses mûrir, donner du temps au temps.

Troisième mouvement : passer de la patience à la décision. Il y a un pas à faire : on choisit sa route. Ce n’est pas encore un choix définitif, mais c’est déjà déterminé.

Puis, il y a le chemin de l’écoute : je dois réfléchir cette décision à la lumière de la parole de Dieu. C’est le temps des fiançailles, du séminaire… 

Enfin, survient le moment très beau de la parole définitive, du « pour toujours ». C’est le temps du choix sans retour :  le mariage, l’ordination, la consécration… La vie éternelle en est la marque absolue.

Quelle vous paraît être, aujourd’hui, la difficulté majeure à ce discernement ?

La tentation du zapping : tout le monde a envie de toucher à tout. Or l’obéissance de la foi nous invite à être tout ce que l’on est, mais seulement ce que l’on est. Lorsque Vatican II invite les baptisés à accomplir leur mission dans le monde, il ne demande pas aux laïcs de jouer aux prêtres ou aux carmélites : il leur demande d’être pleinement chrétiens dans leur état de vie. L’Église est ainsi construite par tous les fidèles qui accomplissent leur charge spécifique. Les « cléricaliser » serait dramatique !

Finalement, comment savoir ce que Dieu attend de moi ?

Deux paroles me guident : le « Connais-toi toi-même » de Socrate, et le « Viens et suis-moi  » de Jésus. Il me semble que la première ne se réalise vraiment qu’en vivant la seconde. C’est l’amitié fidèle avec le Christ qui nous ouvre à nous-même et aux autres. 

N’y a-t-il pas beaucoup de jeunes qui prient et qui ne trouvent pas leur voie ? 

Je ne crois pas ! La plupart la trouvent. Soulignons toutefois qu’il ne suffit pas de se poser devant le Saint-Sacrement. Nous avons besoin de la parole de Dieu, d’une vie communautaire et d’un dialogue fraternel. L’adoration doit être accompagnée d’un travail de mémoire, de lecture de sa propre histoire, de lecture de la vie du Christ. 

Quand un jeune vient vous demander : « Comment savoir si Dieu m’appelle ? », que lui conseillez-vous ?

D’abord, faire mémoire de sa vie, de sa -naissance, de sa jeunesse… Pour qu’il écoute Dieu lui parler dans son histoire. La Parole s’incarne dans les événements de nos vies. La Vierge Marie est la « mère » incomparable du discernement spirituel : « Marie méditait tous ces événements dans son cœur ». Un autre grand maître, Ignace de Loyola (XVIe siècle), ravive cette tâche capitale par l’expérience des Exercices spirituels. En faisant mémoire de ce que l’on a vécu dans sa journée, sa semaine, en redécouvrant les événements, les désirs, les rencontres, en discernant les vanités, les fausses joies mais aussi les vraies, se dégage dans la lumière de la foi une perspective, se dessine un horizon. 

Les jeunes chrétiens ne sont-ils pas habitués à ce travail ?

Pas toujours. Le défi reste de plonger en soi pour y découvrir Celui qui y demeure, le Verbe. Il faut arrêter de croire qu’on peut tout et qu’on peut tout avoir en surface. Ce qui fait une personne solide, c’est son ancre ou sa quille. De nombreux jeunes ont le mal de mer dans leur vie car ils sont ballottés d’une vague à l’autre, d’un désir à l’autre, d’une -activité à l’autre… Ils n’ont pas cette profondeur qui donne du poids aux choses, qui offre un équilibre pour affronter la haute mer.

Chaque vocation est-elle unique ?

Je connais des jumelles qui sont toutes deux religieuses, aux antipodes l’une de l’autre : la première est Sœur de la Charité en Éthiopie, la seconde est Sœur de Bethléem dans un ermitage en France. L’une vit avec 3 000 pauvres et accompagne une quinzaine de mourants par jour ; l’autre ne voit personne. Or chacune d’elle me confiait : « Je suis tellement admirative de ma sœur ! Comment fait-elle pour vivre cela ? » Leur vocation à chacune est unique et nullement interchangeable. Le corps de l’Église est ainsi génialement conçu. L’une et l’autre reçoivent l’humble joie d’être à leur place et de s’y donner à fond. Cela rayonne et jette sur la terre ce beau feu que nous espérons tous.

Source : Famille Chrétienne

> Supplément Famille Chrétienne "Découvrir la mission de sa vie"

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