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10/12/2015

Encyclique Veritatis Splendor sur l'enseignement moral de l'Église - IV - "Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir"

 

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DE L'ÉGLISE

 

(...)

CHAPITRE I - «MAÎTRE, QUE DOIS-JE FAIRE DE BON?» (Mt 19, 16) - Le Christ et la réponse à la question morale

(...)

« Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 17)

12. Seul Dieu peut répondre à la question du bien, parce qu'il est le Bien. Mais Dieu a déjà répondu à cette question : il l'a fait en créant l'homme et en l'ordonnant avec sagesse et avec amour à sa fin, par le moyen de la loi inscrite dans son cœur (cf. Rm 2, 15), la « loi naturelle ». Elle « n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence, infusée en nous par Dieu. Grâce à elle, nous connaissons ce que nous devons accomplir et ce que nous devons éviter. Cette lumière et cette loi, Dieu les a données dans la création » 19. Il les a données ensuite au cours de l'histoire d'Israël, en particulier par les « dix paroles », c'est-à-dire les commandements du Sinaï, par lesquels Il a fondé l'existence du peuple de l'Alliance (cf. Ex 24) et l'a appelé à être son « bien propre parmi tous les peuples », « une nation sainte » (Ex 19, 5-6) qui fasse resplendir sa sainteté parmi toutes les nations (cf. Sg 18, 4 ; Ez 20, 41). Le don du Décalogue est promesse et signe de l'Alliance nouvelle, lorsque la Loi sera nouvellement inscrite à jamais dans le cœur de l'homme (cf. Jr 31, 31-34) en remplaçant la loi du péché qui avait dénaturé ce cœur (cf. Jr 17, 1). Alors sera donné « un cœur nouveau », car « un esprit nouveau » l'habitera, l'Esprit de Dieu (cf. Ez 36, 24-28) 20.

C'est pourquoi, après l'importante précision « un seul est le Bon », Jésus répond au jeune homme : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 17). De cette manière est énoncé un lien étroit entre la vie éternelle et l'obéissance aux commandements de Dieu : ce sont les commandements de Dieu qui indiquent à l'homme le chemin de la vie et qui conduisent vers elle. Par la bouche même de Jésus, nouveau Moïse, les commandements du Décalogue sont redonnés aux hommes ; lui- même les confirme définitivement et nous les propose comme chemin et condition du salut. Le commandement est lié à une promesse : dans l'Ancienne Alliance, l'objet de la promesse était la possession d'une terre où le peuple aurait pu mener son existence dans la liberté et selon la justice (Dt 6,20-25) ; dans la Nouvelle Alliance, l'objet de la promesse est le « Royaume des cieux », comme Jésus l'affirme au début du « Discours sur la Montagne » - discours qui contient la formulation la plus large et la plus complète de la Loi nouvelle (Mt 5-7) -, en relation évidente avec le Décalogue confié par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï. À la même réalité du Règne de Dieu se rapporte l'expression « vie éternelle », qui est participation à la vie même de Dieu : celle-ci ne se réalise parfaitement qu'après la mort, mais, dans la foi, elle est dès à présent lumière de vérité, source de sens pour la vie et commencement de participation à la plénitude dans la suite du Christ. En effet, après la rencontre avec le jeune homme riche, Jésus dit à ses disciples : « Quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19,29).

13. La réponse de Jésus ne suffit pas au jeune homme qui insiste en interrogeant le Maître sur les commandements à observer : « " Lesquels ? " lui dit-il » (Mt 19, 18). Il demande ce qu'il doit faire dans la vie pour manifester qu'il reconnaît la sainteté de Dieu. Après avoir orienté le regard du jeune homme vers Dieu, Jésus lui rappelle les commandements du Décalogue qui ont trait au prochain : « Jésus reprit : " Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même " » (Mt 19, 18-19).

Du contexte de l'échange, et spécialement de la confrontation du texte de Matthieu avec les passages parallèles de Marc et de Luc, il ressort que Jésus n'entend pas dresser la liste de tous les commandements nécessaires pour « entrer dans la vie », mais plutôt qu'il entend attirer l'attention du jeune homme sur la « centralité » du Décalogue par rapport à tout autre précepte, en tant qu'interprétation de ce que signifie pour l'homme : « Je suis le Seigneur, ton Dieu ». [*] Nous ne pouvons donc pas ne pas prêter attention aux commandements de la Loi que le Seigneur Jésus rappelle au jeune homme ; ce sont des commandements qui font partie de ce qu'on appelle la « seconde table » du Décalogue, dont le résumé (cf. Rm 13, 8-10) et le fondement sont le commandement de l'amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 19, 19 ; cf. Mc 12, 31). Dans ce commandement s'exprime précisément la dignité particulière de la personne humaine, qui est la « seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même » 21. Les différents commandements du Décalogue ne sont en effet que la répercussion de l'unique commandement du bien de la personne, au niveau des nombreux biens qui caractérisent son identité d'être spirituel et corporel en relation avec Dieu, avec le prochain et avec le monde matériel. Comme nous lisons dans le Catéchisme de l’Église catholique, « les dix commandements appartiennent à la révélation de Dieu. Ils nous enseignent en même temps la véritable humanité de l'homme. Ils mettent en lumière les devoirs essentiels et donc, indirectement, les droits fondamentaux, inhérents à la nature de la personne humaine » 22.

Les commandements rappelés par Jésus à son jeune interlocuteur sont destinés à sauvegarder le bien de la personne, image de Dieu, par la protection de ses biens. « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage », sont des normes morales formulées en termes d'interdits. Les préceptes négatifs expriment fortement la nécessité imprescriptible de protéger la vie humaine, la communion des personnes dans le mariage, la propriété privée, la véracité et la bonne réputation.

Les commandements représentent donc la condition de base de l'amour du prochain ; en même temps, ils en sont la vérification. Ils sont la première étape nécessaire sur le chemin vers la liberté, son commencement : « La première liberté, écrit saint Augustin, c'est donc de ne pas commettre de péchés graves... comme l'homicide, l'adultère, les souillures de la fornication, le vol, la tromperie, le sacrilège et toutes les autres fautes de ce genre. Quand un homme s'est mis à renoncer à les commettre — et c'est le devoir de tout chrétien de ne pas les commettre —, il commence à relever la tête vers la liberté, mais ce n'est qu'un commencement de liberté, ce n'est pas la liberté parfaite... » 23.

14. Cependant ceci ne signifie pas que Jésus entend privilégier l'amour du prochain ou encore moins le séparer de l'amour de Dieu ; en témoigne son dialogue avec le docteur de la Loi : ce dernier, qui pose une question très voisine de celle du jeune homme, se voit renvoyé par Jésus aux deux commandements de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain (cf. Lc 10, 25-27) et il est invité à se souvenir que seule leur observance conduit à la vie éternelle : « Fais cela et tu vivras » (Lc 10, 28). Il est donc significatif que ce soit précisément le second de ces commandements qui suscite la curiosité et l'interrogation du docteur de la Loi : « Et qui est mon prochain ? » (Lc 10, 29). Le Maître répond par la parabole du bon Samaritain, parabole-clé pour la pleine compréhension du commandement de l'amour du prochain (cf. Lc 10, 30-37).

Les deux commandements, auxquels « se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Mt 22, 40), sont profondément unis entre eux et s'interpénètrent. Jésus rend témoignage de leur indivisible unité par ses paroles et par sa vie : sa mission culmine à la Croix rédemptrice (cf. Jn 3, 14-15), signe de son amour inséparable envers le Père et envers l'humanité (cf. Jn 13, 1).

L'Ancien et le Nouveau Testament affirment explicitement que, sans l'amour du prochain qui se concrétise dans l'observance des commandements, l'amour authentique pour Dieu n'est pas possible. Saint Jean l'écrit avec une force extraordinaire : « Si quelqu'un dit " J'aime Dieu " et qu'il déteste son frère, c'est un menteur : celui qui n'aime pas son frère qu'il voit ne saurait aimer le Dieu qu'il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). L'évangéliste fait écho à la prédication morale du Christ, exprimée de manière admirable et sans équivoque dans la parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 30-37) et dans le « discours » du jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46).

15. Dans le « Discours sur la Montagne », qui constitue la magna carta de la morale évangélique 24, Jésus dit : « N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17). Le Christ est la clé des Écritures : « Vous scrutez les Écritures; ce sont elles qui me rendent témoignage » (Jn 5, 39) ; il est le centre de l'économie du salut, la récapitulation de l'Ancien et du Nouveau Testament, des promesses de la Loi et de leur accomplissement dans l’Évangile ; il est le lien vivant et éternel entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. Commentant l'affirmation de Paul « la fin de la loi, c'est le Christ » (Rm 10, 4), saint Ambroise écrit : « Fin, non en tant qu'absence, mais en tant que plénitude de la Loi : elle s'accomplit dans le Christ (plenitudo legis in Christo est), du fait qu'il est venu non pour supprimer la Loi, mais pour la porter à son accomplissement. De la même manière qu'il y a un Ancien Testament, et que toute vérité cependant se trouve dans le Nouveau Testament, ainsi en est-il de la Loi : celle qui a été donnée par l'intermédiaire de Moïse est la figure de la vraie Loi. Donc, la Loi mosaïque est le prototype de la vérité » 25.

Jésus porte à leur accomplissement les commandements de Dieu, en particulier le commandement de l'amour du prochain, en intériorisant et en radicalisant leurs exigences ; l'amour du prochain jaillit d'un cœur qui aime, et qui, précisément parce qu'il aime, est disposé à en vivre les exigences les plus hautes. Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route ouverte pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour (cf. Col 3, 14). Ainsi, le commandement « tu ne tueras pas » devient l'appel à un amour prompt à soutenir et à promouvoir la vie du prochain ; le précepte qui interdit l'adultère devient une invitation à un regard pur, capable de respecter le sens sponsal du corps : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres : " Tu ne tueras point " ; et si quelqu'un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; 2 Vous avez entendu qu'il a été dit : " Tu ne commettras pas l'adultère ". Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle » (Mt 5, 21-22. 27-28). Jésus est « l'accomplissement » vivant de la Loi en tant qu'il en réalise la signification authentique par le don total de lui-même : il devient lui-même la Loi vivante personnifiée, qui invite à sa suite, qui, par son Esprit, donne la grâce de partager sa vie et son amour même, et qui donne la force nécessaire pour en témoigner par les choix et par les actes (cf. Jn 13, 34-35).

(...)

 

Encyclique Veritatis Splendor sur quelques question fondamentales de l'enseignement moral de l’Église.

 

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19 S. Tommaso D’Aquino In Duo Praecepta Caritatis et in Decem Legis Praecepta. Prologus: Opuscula Theologica, II, No. 1129, Ed. Taurinens. (1954), 245; cf Summa Theologiae, I-II, q. 91, a. 2; Catechismo della Chiesa Cattolica, n. 1955.

20 Cf S. Massimo il Confessore, Quaestiones ad Thalassium, q. 64: PG 90, 723-728.

21 CONC. ECUM. VAT. II, Cost. past. sulla Chiesa nel mondo contemporaneo Gaudium et spes 24.

22 Catechismo della Chiesa Cattolica, n. 2070.

23 In lohannis Evangelium Tractatus, 41, 10: CCL 36, 363.

24 Cf S. Agostino, De Sermone Domini in Monte, I, 1, 1: CCL 35, 1-2.

 

> Texte intégral de l'encyclique : site de la Congrégation pour le Clergé  [> archive en ligne]

> Texte intégral de l'encyclique: bibliothèque catholique en ligne  [> archive en ligne]

 

[*]

Latina: Ex colloquii contextu et, praesertim, ex comparatione Matthaei textus cum Lucae et Marci locis parallelis, patet Iesum non recensere velle omnia et singula mandata ad “ingrediendum in vitam” necessaria, sed potius adulescentem commonefacere “naturae centralis” Decalogi prae quovis alio praecepto, utpote quae id interpretetur, quod homini significet “Ego sum Dominus, Deus tuus”.

Italiano: Dal contesto del colloquio e, specialmente, dal confronto del testo di Matteo con i passi paralleli di Marco e di Luca, risulta che Gesù non intende elencare tutti e singoli i comandamenti necessari per «entrare nella vita», ma, piuttosto, rimandare il giovane alla centralità del Decalogo rispetto ad ogni altro precetto, quale interpretazione di ciò che per l'uomo significa «Io sono il Signore, Dio tuo».

Español: Por el contexto del coloquio y, especialmente, al comparar el texto de Mateo con las perícopas paralelas de Marcos y de Lucas, aparece que Jesús no pretende detallar todos y cada uno de los mandamientos necesarios para «entrar en la vida» sino, más bien, indicar al joven la «centralidad» del Decálogo respecto a cualquier otro precepto, como interpretación de lo que para el hombre significa «Yo soy el Señor tu Dios».

Português: Pelo contexto do diálogo e especialmente pela comparação do texto de Mateus com as passagens paralelas de Marcos e de Lucas, vê-se que Jesus não pretende enumerar todos e cada um dos mandamentos necessários para «entrar na vida», mas sobretudo, remeter o jovem para a «centralidade» do Decálogo relativamente a qualquer outro preceito, como interpretação daquilo que significa para o homem «Eu sou o Senhor, teu Deus».

English: From the context of the conversation, and especially from a comparison of Matthew's text with the parallel passages in Mark and Luke, it is clear that Jesus does not intend to list each and every one of the commandments required in order to "enter into life", but rather wishes to draw the young man's attention to the "centrality" of the Decalogue with regard to every other precept, inasmuch as it is the interpretation of what the words "I am the Lord your God" mean for man.

Polski: Z kontekstu rozmowy, a zwłaszcza z porównania zapisu Mateuszowego z paralelnymi fragmentami Ewangelii Marka i Łukasza wynika, że Jezus nie zamierzał wymienić poszczególnych przykazań, które trzeba zachowywać, aby „osiągnąć życie”, ale raczej uświadomić młodzieńcowi centralne znaczenie Dekalogu w stosunku do wszystkich innych przykazań, jako wykładni tego, co dla człowieka oznaczają słowa: „Ja jestem Pan, twój Bóg”.

La traduction française, en revanche, s'éloigne du texte original de l'encyclique:

Du contexte de l'échange, et spécialement de la confrontation du texte de Matthieu avec les passages parallèles de Marc et de Luc, il ressort que Jésus n'entend pas dresser la liste de tous les commandements nécessaires pour « entrer dans la vie », mais plutôt qu'il entend renvoyer le jeune homme à ce qui est le « point central » du Décalogue par rapport à tout autre précepte, à savoir ce que signifie pour l'homme : « Je suis le Seigneur, ton Dieu ».

Espérance Nouvelle restitue donc une traduction fidèle au texte original latin et aux traductions officielles de l'encyclique dans les autres langues:

Du contexte de l'échange, et spécialement de la confrontation du texte de Matthieu avec les passages parallèles de Marc et de Luc, il ressort que Jésus n'entend pas dresser la liste de tous les commandements nécessaires pour « entrer dans la vie », mais plutôt qu'il entend attirer l'attention du jeune homme sur la « centralité » du Décalogue par rapport à tout autre précepte, en tant qu'interprétation de ce que signifie pour l'homme : « Je suis le Seigneur, ton Dieu ».

Veritatis Splendor : [Allemand, Anglais, Danois, Espagnol, Français, Italien, Latin, Néerlandais, Polonais, Portugais]

 

11/11/2015

Encyclique Veritatis Splendor sur l'enseignement moral de l'Église - IV - "Dieu seul peut répondre à la question sur le bien"

 

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DE L'ÉGLISE

 

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CHAPITRE I - «MAÎTRE, QUE DOIS-JE FAIRE DE BON?» (Mt 19, 16) - Le Christ et la réponse à la question morale

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« Un seul est le Bon » (Mt 19, 17)

9. Jésus dit : « Qu'as-tu à m'interroger sur ce qui est bon ? Un seul est le Bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » (Mt 19, 17). Dans la version des évangélistes Marc et Luc, la question est ainsi formulée : « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon que Dieu seul » (Mc 10, 18 ; cf. Lc 18, 19).

Avant de répondre à la question, Jésus veut que le jeune homme clarifie pour lui-même le motif de sa démarche. Le « bon Maître » montre à son interlocuteur — et à nous tous — que la réponse à l'interrogation « que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? » ne peut être trouvée qu'en orientant son esprit et son cœur vers Celui qui « seul est le Bon » : « Nul n'est bon que Dieu seul » (Mc 10, 18 ; cf. Lc 18, 19). Dieu seul peut répondre à la question sur le bien, parce qu'il est le Bien.

En effet, s'interroger sur le bien signifie en dernier ressort se tourner vers Dieu, plénitude de la bonté. Jésus manifeste que la demande du jeune homme est en réalité une demande religieuse, et que la bonté, qui attire et en même temps engage l'homme, a sa source en Dieu, bien plus, qu'elle est Dieu lui-même, qui seul mérite d'être aimé « de tout cœur, de toute âme et de tout esprit » (Mt 22, 37), Dieu qui est la source du bonheur de l'homme. Jésus rapproche la question de l'action moralement bonne, de ses racines religieuses et de la reconnaissance de Dieu, unique bonté, plénitude de la vie, fin ultime de l'agir humain, béatitude parfaite.

10. Instruite par les paroles du Maître, l’Église croit que l'homme, fait à l'image du Créateur, racheté par le sang du Christ et sanctifié par la présence du Saint-Esprit, a comme fin ultime de son existence d'être « à la louange de la gloire » de Dieu (cf. Ep 1, 12), en faisant en sorte que chacune de ses actions soit le reflet de sa splendeur. « Donc, connais-toi toi-même, ô belle âme : tu es l'image de Dieu, écrit saint Ambroise. Connais-toi toi-même, ô homme : tu es la gloire de Dieu (1 Co 11, 7). Écoute de quelle manière tu en es la gloire. Le prophète dit : ta sagesse est devenue admirable, car elle provient de moi (Ps 138, 6), c'est-à-dire que, dans mes œuvres, ta majesté est la plus admirable, ta sagesse est exaltée dans le cœur de l'homme. Alors que je me regarde moi-même, que tu scrutes mes pensées secrètes et mes sentiments profonds, je reconnais les mystères de ta science. Donc, connais-toi toi-même, ô homme, et tu découvriras combien tu es grand, et veille sur toi... » 17.

Ce qu'est l'homme et ce qu'il doit faire se découvrent au moment où Dieu se révèle lui-même. En effet, le Décalogue s'appuie sur ces paroles : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi » (Ex 20, 2-3). Dans les « dix paroles » de l'Alliance avec Israël, et dans toute la Loi, Dieu se fait connaître et reconnaître comme Celui qui « seul est le Bon » ; comme Celui qui, malgré le péché de l'homme, continue à rester le « modèle » de l'agir moral, selon l'appel qu'il adresse : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2) ; comme Celui qui, fidèle à son amour pour l'homme, lui donne sa Loi (cf. Ex 19, 9-24 ; 20, 18-21) pour rétablir l'harmonie originelle avec le Créateur et avec la création, et plus encore pour l'introduire dans son amour : « Je vivrai au milieu de vous, je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lv 26, 12).

La vie morale se présente comme la réponse due aux initiatives gratuites que l'amour de Dieu multiplie dans ses relations avec l'homme. Elle est une réponse d'amour, selon l'énoncé qu'en donne le commandement fondamental du Deutéronome : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes fils » (Dt 6, 4-7). Ainsi la vie morale, associée dans la gratuité à l'amour de Dieu, est appelée à refléter la gloire : « Pour qui aime Dieu, il suffit de plaire à Celui qu'il aime : parce qu'on ne doit pas en attendre une plus grande récompense que cet amour ; en effet, la charité vient de Dieu, car Dieu lui-même est la charité » 18.

11. L'affirmation « un seul est le Bon » nous renvoie ainsi à la « première table » des commandements, qui appelle à reconnaître Dieu comme l'unique Seigneur et l'absolu, et à ne rendre de culte qu'à lui seul, en raison de son infinie sainteté (cf. Ex 20, 2-11). Le bien, c'est appartenir à Dieu, lui obéir, marcher humblement avec lui en pratiquant la justice et en aimant la miséricorde (cf. Mi 6, 8). Reconnaître le Seigneur comme Dieu est le noyau fondamental, le cœur de la Loi, d'où découlent et auquel sont ordonnés les préceptes particuliers. Par la pratique de la morale des commandements se manifeste l'appartenance du peuple d'Israël au Seigneur, parce que Dieu seul est Celui qui est bon. Tel est le témoignage de la Sainte Écriture, pénétrée à chaque page du sens aigu de l'absolue sainteté de Dieu : « Saint, saint, saint est le Seigneur de l'univers » (Is 6, 3).

Mais si Dieu seul est le Bien, aucun effort humain, pas même l'observance la plus rigoureuse des commandements, ne réussit à « accomplir » la Loi, c'est-à-dire à reconnaître le Seigneur comme Dieu et à lui rendre l'adoration qui n'est due qu'à lui (cf. Mt 4, 10). « L'accomplissement » ne peut venir que d'un don de Dieu : il est l'offrande d'une participation à la bonté divine qui se révèle et qui se communique en Jésus, celui que le jeune homme riche appelle « bon Maître » (Mc 10, 17 ; Lc 18, 18). Ce que, pour l'instant, le jeune homme ne réussit peut-être qu'à pressentir, sera pleinement révélé à la fin par Jésus lui-même dans son invitation : « Viens et suis-moi » (Mt 19, 21).

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Encyclique Veritatis Splendor sur quelques question fondamentales de l'enseignement moral de l’Église.

 

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17 Exameron, Dies VI, sermo IX, 8, 50: CSEL 32, 241.

18 S. Leone Magno, Sermo XCII, cap. III PL 54 454.

 

21/10/2015

Encyclique Veritatis Splendor sur l'enseignement moral de l'Église - III - "Il convient que l'homme d'aujourd'hui se tourne de nouveau vers le Christ pour recevoir de lui la réponse sur ce qui est bien et sur ce qui est mal"

 

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DE L'ÉGLISE

 

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CHAPITRE I - «MAÎTRE, QUE DOIS-JE FAIRE DE BON?» (Mt 19, 16) - Le Christ et la réponse à la question morale

 

« Un homme s'approcha... » (Mt 19, 16)

6. Le dialogue de Jésus avec le jeune homme riche, rapporté au chapitre 19 de l’Évangile de saint Matthieu, peut constituer une trame utile pour réentendre, de manière vivante et directe, l'enseignement moral de Jésus : « Et voici qu'un homme s'approcha et lui dit : " Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ? " Il lui dit : " Qu'as-tu à m'interroger sur ce qui est bon ? Un seul est le Bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements " — " Lesquels ? " lui dit-il. Jésus reprit : " Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même ". " Tout cela, lui dit le jeune homme, je l'ai observé ; que me manque-t-il encore ? Jésus lui déclara : " Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi " » (Mt 19, 16-21) 13.

7. « Et voici qu'un homme... ». Dans le jeune homme, que l’Évangile de Matthieu ne nomme pas, nous pouvons reconnaître tout homme qui, consciemment ou non, s'approche du Christ, Rédempteur de l'homme, et qui lui pose la question morale. Pour le jeune homme, avant d'être une question sur les règles à observer, c'est une question de plénitude de sens pour sa vie. C'est là, en effet, l'aspiration qui est à la source de toute décision et de toute action humaines, la recherche secrète et l'élan intime qui meuvent la liberté. En dernier lieu, cette question traduit une aspiration au Bien absolu qui nous attire et nous appelle à lui ; elle est l'écho de la vocation qui vient de Dieu, origine et fin de la vie humaine. Dans cette même perspective, le Concile Vatican II a invité à approfondir la théologie morale de telle sorte que son exposition mette en valeur la très haute vocation que les fidèles ont reçue dans le Christ 14, unique réponse qui comble pleinement le désir du cœur humain.

Pour que les hommes puissent vivre cette « rencontre » avec le Christ, Dieu a voulu son Église. En effet, « l’Église désire servir cet objectif unique : que tout homme puisse retrouver le Christ, afin que le Christ puisse parcourir la route de l'existence, en compagnie de chacun » 15.

 

«Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle?» (Mt 19, 16)

8. C'est du fond du cœur que le jeune homme riche adresse cette question à Jésus de Nazareth, question essentielle et inéluctable pour la vie de tout homme : elle concerne, en effet, le bien moral à pratiquer et la vie éternelle. L'interlocuteur de Jésus pressent qu'il existe un lien entre le bien moral et le plein accomplissement de sa destinée personnelle. C'est un israélite pieux qui a grandi, pour ainsi dire, à l'ombre de la Loi du Seigneur. S'il pose cette question à Jésus, nous pouvons imaginer qu'il ne le fait pas par ignorance de la réponse inscrite dans la Loi. Il est plus probable que l'attrait de la personne de Jésus fait naître en lui de nouvelles interrogations sur le bien moral. Le jeune homme ressentait l'exigence d'approcher Celui qui avait commencé sa prédication par cette nouvelle et décisive annonce : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1, 15).

Il convient que l'homme d'aujourd'hui se tourne de nouveau vers le Christ pour recevoir de lui la réponse sur ce qui est bien et sur ce qui est mal. Le Christ est le Maître, le Ressuscité qui a en lui la vie et qui est toujours présent dans son Église et dans le monde. Il ouvre aux fidèles le livre des Écritures et, en révélant pleinement la volonté du Père, il enseigne la vérité sur l'agir moral. A la source et au sommet de l'économie du salut, le Christ, Alpha et Oméga de l'histoire humaine (cf. Ap 1, 8 ; 21, 6 ; 22, 13), révèle la condition de l'homme et sa vocation intégrale. C'est pourquoi « l'homme qui veut se comprendre lui-même jusqu'au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents ; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s'approcher du Christ. Il doit, pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, il doit " s'approprier " et assimiler toute la réalité de l'Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver lui-même. S'il laisse ce processus se réaliser profondément en lui, il produit alors des fruits non seulement d'adoration envers Dieu, mais aussi de profond émerveillement pour lui-même » 16.

Si nous voulons pénétrer au cœur de la morale évangélique et en recueillir le contenu profond et immuable, nous devons donc rechercher soigneusement le sens de l'interrogation du jeune homme riche de l’Évangile et, plus encore, le sens de la réponse de Jésus, en nous laissant guider par Lui. Jésus, en effet, avec une délicate attention pédagogique, répond en conduisant le jeune homme presque par la main, pas à pas, vers la vérité tout entière.

(...)

 

Encyclique Veritatis Splendor sur quelques question fondamentales de l'enseignement moral de l’Église.

 

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13 Cf Lett. Apost. Parati semper ai Giovani e alle Giovani del mondo in occasione dell’Anno Internazionale della Gioventù (31 Marzo 1985), 2-8: AAS 77 (1985), 581-600.

14 Cf Decr. Sulla formazione sacerdotale Optatam Totius, 16.

15 Lett. Enc. Redemptor Hominis (4 Marzo 1979), 13: AAS 71 (1979), 282.

16 Ibid. 10; l. c., 274.

 

07/10/2015

Encyclique Veritatis Splendor sur l'enseignement moral de l'Église - II - "Certaines positions théologiques, répandues même dans des séminaires et des facultés de théologie..."

 

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DE L'ÉGLISE

 

(...)

L'objet de la présente encyclique

4. Depuis toujours, mais particulièrement au cours des deux derniers siècles, les Souverains Pontifes, personnellement ou avec le Collège épiscopal, ont développé et proposé un enseignement moral sur les multiples aspects différents de la vie humaine. Au nom du Christ et avec son autorité, ils ont exhorté, dénoncé et expliqué ; fidèles à leur mission, dans les combats en faveur de l'homme, ils ont conforté, soutenu et consolé ; avec la certitude de l'assistance de l'Esprit de vérité, ils ont contribué à une meilleure intelligence des exigences morales dans le domaine de la sexualité humaine, de la famille, de la vie sociale, économique et politique. Dans la tradition de l'Eglise et dans l'histoire de l'humanité, leur enseignement constitue un approfondissement incessant de la connaissance morale 8.

Aujourd'hui, cependant, il paraît nécessaire de relire l'ensemble de l'enseignement moral de l’Église, dans le but précis de rappeler quelques vérités fondamentales de la doctrine catholique, qui risquent d'être déformées ou rejetées dans le contexte actuel. En effet, une nouvelle situation est apparue dans la communauté chrétienne elle-même, qui a connu la diffusion de nombreux doutes et de nombreuses objections, d'ordre humain et psychologique, social et culturel, religieux et même proprement théologique, au sujet des enseignements moraux de l’Église. Il ne s'agit plus d'oppositions limitées et occasionnelles, mais d'une mise en discussion globale et systématique du patrimoine moral, fondée sur des conceptions anthropologiques et éthiques déterminées. Au point de départ de ces conceptions, on note l'influence plus ou moins masquée de courants de pensée qui en viennent à séparer la liberté humaine de sa relation nécessaire et constitutive à la vérité. Ainsi, on repousse la doctrine traditionnelle de la loi naturelle, de l'universalité et de la validité permanente de ses préceptes ; certains enseignements moraux de l'Eglise sont simplement déclarés inacceptables ; on estime que le Magistère lui-même ne peut intervenir en matière morale que pour « exhorter les consciences » et « pour proposer les valeurs » dont chacun s'inspirera ensuite, de manière autonome, dans ses décisions et dans ses choix de vie.

Il faut noter, en particulier, la discordance entre la réponse traditionnelle de l’Église et certaines positions théologiques, répandues même dans des séminaires et des facultés de théologie,sur des questions de première importance pour l’Église et pour la vie de foi des chrétiens, ainsi que pour la convivialité humaine. On s'interroge notamment : les commandements de Dieu, qui sont inscrits dans le cœur de l'homme et qui appartiennent à l'Alliance, ont-ils réellement la capacité d'éclairer les choix quotidiens de chaque personne et des sociétés entières ? Est-il possible d'obéir à Dieu, et donc d'aimer Dieu et son prochain, sans respecter ces commandements dans toutes les situations ? L'opinion qui met en doute le lien intrinsèque et indissoluble unissant entre elles la foi et la morale est répandue, elle aussi, comme si l'appartenance à l’Église et son unité interne devaient être décidées uniquement par rapport à la foi, tandis qu'il serait possible de tolérer en matière morale une pluralité d'opinions et de comportements, laissés au jugement de la conscience subjective individuelle ou dépendant de la diversité des contextes sociaux et culturels.

5. Dans un tel contexte, toujours actuel, la décision a mûri en moi d'écrire — comme je l'annonçais déjà dans la Lettre apostolique Spiritus Domini, publiée le 1er août 1987 à l'occasion du deuxième centenaire de la mort de saint Alphonse-Marie de Liguori — une encyclique destinée à traiter « plus profondément et plus amplement les questions concernant les fondements mêmes de la théologie morale » 9, fondements qui sont attaqués par certains courants contemporains.

Je m'adresse à vous, vénérés Frères dans l'épiscopat qui partagez avec moi la responsabilité de garder « la saine doctrine » (2 Tm 4, 3), dans l'intention de préciser certains aspects doctrinaux qui paraissent déterminants pour faire face à ce qui est sans aucun doute une véritable crise, tant les difficultés entraînées sont graves pour la vie morale des fidèles, pour la communion dans l’Église et aussi pour une vie sociale juste et solidaire.

Si cette encyclique, attendue depuis longtemps, n'est publiée que maintenant, c'est notamment parce qu'il est apparu opportun de la faire précéder du Catéchisme de l’Église catholique, qui contient un exposé complet et systématique de la doctrine morale chrétienne. Le catéchisme présente la vie morale des croyants, dans ses fondements et dans les multiples aspects de son contenu, comme une vie de « fils de Dieu » : « En reconnaissant dans la foi leur dignité nouvelle, les chrétiens sont appelés à mener désormais une " vie digne de l’Évangile " (Ph 1, 27). Par les sacrements et la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son Esprit qui les en rendent capables » 10. En renvoyant donc au Catéchisme « comme texte de référence sûr et authentique pour l'enseignement de la doctrine catholique » 11, l'encyclique se limitera à développer quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Eglise, en pratiquant un nécessaire discernement sur des problèmes controversés entre les spécialistes de l'éthique et de la théologie morale. C'est là l'objet précis de la présente encyclique, qui entend exposer, sur les problèmes en discussion, les raisons d'un enseignement moral enraciné dans l'Ecriture Sainte et dans la Tradition apostolique vivante 12, en mettant simultanément en lumière les présupposés et les conséquences des contestations dont cet enseignement a été l'objet.

(...)

 

Encyclique Veritatis Splendor sur quelques question fondamentales de l'enseignement moral de l’Église.

 

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8 Pio XII had already pointed out this doctrinal development: cf "Radio Message" for the Fiftieth Anniversary of the Encyclical Letter "Rerum Novarum" of Leo XIII (1 Giugno 1941): AAS 33 (1941), 195-205. Also JOHN XXIII, Encyclical Letter "Mater et Magistra" (15 Maggio 1961): AAS 53 (1961), 410-413.

9 Lettera Apostolica Spiritus Domini (1 Agosto 1987): AAS 79(1987), 1374.

10 Catechismo della Chiesa Cattolica, n. 1692.

11 Cost. Apost. Fidei Depositum (11 Ottobre 1992), 4.

12 Cf CONC. ECUM. VAT. II, Cost. past. sulla Divina Rivelazione Dei Verbum, 10.

 

06/10/2015

Encyclique Veritatis Splendor sur l'enseignement moral de l'Église - I - "La splendeur de la vérité se reflète dans toutes les oeuvres du Créateur..."

 

LETTRE ENCYCLIQUE
VERITATIS SPLENDOR
DU SOUVERAIN PONTIFE
JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SUR QUELQUES QUESTIONS FONDAMENTALES
DE L'ENSEIGNEMENT MORAL DE L'ÉGLISE

 

Bénédiction

Vénérés Frères dans l'épiscopat,
salut et Bénédiction apostolique!

LA SPLENDEUR DE LA VERITE se reflète dans toutes les œuvres du Créateur et, d'une manière particulière, dans l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26) : la vérité éclaire l'intelligence et donne sa forme à la liberté de l'homme, qui, de cette façon, est amené à connaître et à aimer le Seigneur. C'est dans ce sens que prie le psalmiste : « Fais lever sur nous la lumière de ta face » (Ps 4, 7).

 

INTRODUCTION

 

Jésus Christ, lumière véritable qui illumine tout homme

1. Appelés au salut par la foi en Jésus Christ, « lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1, 9), les hommes deviennent « lumière dans le Seigneur » et « enfants de la lumière » (Ep 5, 8), et ils se sanctifient par « l'obéissance à la vérité » (1 P 1, 22).

Cette obéissance n'est pas toujours facile. A la suite du mystérieux péché originel, commis à l'instigation de Satan, « menteur et père du mensonge » (Jn 8, 44), l'homme est tenté en permanence de détourner son regard du Dieu vivant et vrai pour le porter vers les idoles (cf. Th 1, 9), échangeant « la vérité de Dieu contre le mensonge » (Rm 1, 25) ; même la capacité de connaître la vérité se trouve alors obscurcie et sa volonté de s'y soumettre, affaiblie. Et ainsi, en s'abandonnant au relativisme et au scepticisme (cf. Jn 18, 38), l'homme recherche une liberté illusoire en dehors de la vérité elle-même.

Mais les ténèbres de l'erreur et du péché ne peuvent supprimer totalement en l'homme la lumière du Dieu Créateur. De ce fait, la nostalgie de la vérité absolue et la soif de parvenir à la plénitude de sa connaissance demeurent toujours au fond de son cœur. L'inépuisable recherche humaine dans tous les domaines et dans tous les secteurs en est la preuve éloquente. Sa recherche du sens de la vie le montre encore davantage. Le développement de la science et de la technique, magnifique témoignage des capacités de l'intelligence et de la ténacité des hommes, ne dispense pas l'humanité de se poser les questions religieuses essentielles ; il la pousse plutôt à affronter les combats les plus douloureux et les plus décisifs, ceux du cœur et de la conscience morale.

2. Aucun homme ne peut se dérober aux questions fondamentales : Que dois-je faire ? Comment discerner le bien du mal ? La réponse n'est possible que grâce à la splendeur de la vérité qui éclaire les profondeurs de l'esprit humain, comme l'atteste le psalmiste : « Beaucoup disent : " Qui nous fera voir le bonheur ? " Fais lever sur nous, Seigneur, la lumière de ta face » (Ps 4, 7).

La lumière de la face de Dieu brille de tout son éclat sur le visage de Jésus Christ, « image du Dieu invisible » (Col 1, 15), « resplendissement de sa gloire » (He 1, 3), « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). De ce fait, la réponse décisive à toute interrogation de l'homme, en particulier à ses interrogations religieuses et morales, est donnée par Jésus Christ ; bien plus, c'est Jésus Christ lui-même, comme le rappelle le deuxième Concile du Vatican : « En réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » 1.

Le Christ, « la lumière des nations », éclaire le visage de son Eglise, qu'il envoie dans le monde entier pour annoncer l'Evangile à toute créature (cf. Mc 16, 15) 2. Ainsi, peuple de Dieu au milieu des nations 3, l'Eglise, attentive aux nouveaux défis de l'histoire et aux efforts que les hommes accomplissent dans la recherche du sens de la vie, propose à tous la réponse qui vient de la vérité de Jésus Christ et de son Evangile. L'Eglise a toujours la vive conscience de son « devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps, et de les interpréter à la lumière de l'Evangile, de telle sorte qu'elle puisse répondre, d'une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques » 4.

3. Les pasteurs de l'Eglise, en communion avec le Successeur de Pierre, sont proches des fidèles dans cet effort, les accompagnent et les guident par leur magistère, trouvant des expressions toujours nouvelles de l'amour et de la miséricorde pour se tourner non seulement vers les croyants, mais vers tous les hommes de bonne volonté. Le Concile Vatican II demeure un témoignage extraordinaire de cette attitude de l'Eglise qui, « experte en humanité » 5, se met au service de tout homme et du monde entier 6.

L'Eglise sait que la question morale rejoint en profondeur tout homme, implique tous les hommes, même ceux qui ne connaissent ni le Christ et son Evangile, ni même Dieu. Elle sait que précisément sur le chemin de la vie morale la voie du salut est ouverte à tous, comme l'a clairement rappelé le Concile Vatican II : « Ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d'un cœur sincère, et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel ». Et il ajoute : « A ceux-là mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie » 7.

(...)

 

Encyclique Veritatis Splendor sur quelques question fondamentales de l'enseignement moral de l’Église.

 

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1 Cost. past. sulla Chiesa nel mondo contemporaneo Gaudium et spes, 22.

2 Cf CONC. ECUM. VAT. II, Cost. past. sulla Chiesa Lumen Gentium, 1.

3 Cf ibid., 9.

4 CONC. ECUM. VAT. II, Cost. past. sulla Chiesa nel mondo contemporaneo Gaudium et spes, 4.

5 PAOLO VI, Allocuzione all’Assemblea Generale delle Nazioni Unite (4 Ottobre 1965), 1: AAS 57 (1965), 878; cf Lett. Enc. Populorum Progressio (26 Marzo 1967), 13: AAS 59 (1967), 263-264.

6 Cf CONC. ECUM. VAT. II, Cost. past. sulla Chiesa nel mondo contemporaneo Gaudium et spes, 16.

7 Cost. past. sulla Chiesa Lumen Gentium, 16.

 

29/10/2014

Jean-Paul II: "La règle enseignée par l'Église n'est pas un idéal"

Jean-Paul II, Pape, Veritatis SplendorExtrait de l'encyclique Veritatis Splendor

103. L'espace spirituel de l'espérance est toujours ouvert pour l'homme, avec l'aide de la grâce divine et avec la coopération de la liberté humaine.

C'est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l'Esprit Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du Rédempteur (cf. Jn 19, 34) que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés. Comme le dit saint André de Crète : « En vivifiant la Loi par la grâce, Dieu a mis la loi au service de la grâce, dans un accord harmonieux et fécond, sans mêler à l'une ce qui appartient à l'autre, mais en transformant de manière vraiment divine ce qui était pénible, asservissant et insupportable, pour le rendre léger et libérateur »

Les possibilités « concrètes » de l'homme ne se trouvent que dans le mystère de la Rédemption du Christ. Ce serait une très grave erreur que d'en conclure que la règle enseignée par l’Église est en elle même seulement un "idéal" qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, en fonction, dit-on, des possibilités concrètes de l'homme, selon un "équilibrage des divers biens en question". Mais quelles sont les "possibilités concrètes de l'homme" ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou bien de l'homme racheté par le Christ ? Car c'est de cela qu'il s'agit : de la réalité de la Rédemption par le Christ. Le Christ nous a rachetés ! Cela signifie : il nous a donné la possibilité de réaliser l'entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. Et si l'homme racheté pèche encore, cela est dû non pas à l'imperfection de l'acte rédempteur du Christ, mais à la volonté de l'homme de se soustraire à la grâce qui vient de cet acte. Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l'homme, mais aux capacités de l'homme auquel est donné l'Esprit Saint, de l'homme qui, s'il est tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l'Esprit »

104. Dans ce contexte se situe une juste ouverture à la miséricorde de Dieu pour le péché de l'homme qui se convertit et à la compréhension envers la faiblesse humaine. Cette compréhension ne signifie jamais que l'on compromet ou que l'on fausse la mesure du bien et du mal pour l'adapter aux circonstances. Tandis qu'est humaine l'attitude de l'homme qui, ayant péché, reconnaît sa faiblesse et demande miséricorde pour sa faute, inacceptable est au contraire l'attitude de celui qui fait de sa faiblesse le critère de la vérité sur le bien, de manière à pouvoir se sentir justifié par lui seul, sans même avoir besoin de recourir à Dieu et à sa miséricorde. Cette dernière attitude corrompt la moralité de toute la société, parce qu'elle enseigne le doute sur l'objectivité de la loi morale en général et le refus du caractère absolu des interdits moraux portant sur des actes humains déterminés, et elle finit par confondre tous les jugements de valeur.

Pape Jean-Paul II, Lettre encyclique Veritatis Splendor du 6 août 1993