04/02/2015
Faut-il bâillonner les enfants bruyants à la Messe ?
Nous avons tous en mémoire l’attendrissante apostrophe de Jésus : « Laissez venir à moi les petits enfants » (Mc 10, 14). Sauf que Jésus ne la prononce pas sur un ton doucereux : il se fâche contre ses disciples qui empêchent les enfants de parvenir jusqu’à Lui (Mc 10, 13). Profitons-en pour revisiter nos réactions lorsque, au cours de l’assemblée dominicale, des enfants « perturbent » notre édifiante ferveur.
Qui d’entre nous ne s’est jamais énervé devant une cavalcade bruyante au moment de la consécration ? Ou des hurlements à la mort pendant l’homélie ? Mais qui n’a pu, sans perplexité, voir un gamin de 4 ans se faire houspiller au moment de la paix du Christ ?
Redoutant les soupirs accusateurs, certains parents déploient des trésors d’imagination pour « occuper » les petits à la messe : doudous, jouets, coloriages, sac à main de Mamie, « partage d’Évangile » qui laisse vingt minutes de répit (mais si l’enfant ne veut pas y aller ?), etc. Est-ce vraiment ça, « laisser venir à Jésus les petits enfants » ? Si votre enfant a « suivi » la messe en faisant des coloriages, même pieux, ou en mangeant des croûtes de pain, même béni, il risque de ne pas comprendre pourquoi, à partir d’un certain âge, il doit se mettre à participer à la liturgie sans rien faire d’autre.
Cessons d’occuper les enfants à la messe ! Occupons-nous de ce qui s’y passe : l’attention des enfants dépend d’abord du climat de prière des adultes. Si le dimanche matin respire la paix, si horaire de messe ne rime pas avec stress⦠alors non seulement nous pourrons « accueillir le royaume de Dieu à la manière des enfants » (Mc 13, 15), mais nous pourrons accueillir les enfants à la manière du royaume de Dieu.
12:47 Publié dans Famille, Religion | Lien permanent | Commentaires (0)
03/02/2015
Litanie des fermes vides, ou la destruction de la paysannerie
Par Fabien Granier | 22 octobre 2014
Illustration: Un tracteur abandonné dans un champ (Steve Lyon/Flickr/CC)
« Vide ! »
L’orage s’est divisé, comme d’habitude, au-dessus de l’Aumance. Les nuages se sont séparés en râlant, pour se rejoindre plus loin, dans le Cher, ou par dessus la forêt. On peut les voir par la fenêtre. Les entendre gueuler tout leur saoul. Mais sur le bocage : rien. Pas une goutte pour le moment. La pluie partout, mais pas ici. C’est comme ça.
Ici, on dit que les automnes ont leurs favoris.
Vide, vide, vide
Mon interlocuteur se ressert un café. L’aspire du bout des lèvres. Puis reprend son fil. Le chien s’est enfin tu :
« C’est bien simple : on est quatorze à rester. Ou treize, je sais pas. Là haut, chez Moncergis [les noms des domaines ont été modifiés, ndlr], c’est vide ! Le père Michelat : c’est vide ! Les Mauriciers : vide ! Les frères Baudel : vide aussi ! »
C’est un voisin. On n’habite pas sur la même commune, mais sa ferme est tout en bas de la pente qui dégringole de chez moi à la rivière. C’est la route qu’on prend quand on veut éviter les flics. On y roule doucement, surtout quand il fait noir, rapport aux lapins qui surgissent par dix depuis ses fossés.
« Et puis sur le haut, quand tu t’en vas vers la forêt : c’est tout vide là-bas. Tu comptes même plus. Les Ravais : fermé ! Au Montant : vide ! La Chenaie : vide ! Aux Beurdoux : tout vide. Chez Michel, anciennement Bramard : vide pareil.
Et la liste est longue ! Tu veux que je continue ? Simon : parti ! Grimaud : parti ! Les Saules : vide ! Et chez Benoît : y a même plus un carreau sur les vitres. C’est vide, puis ç’a été vidé aussi. »
Quand j’ai commencé à écrire ces chroniques, je m’étais juré de ne pas devenir le réceptacle de la colère des paysans. D’une, parce qu’elle est – bien que légitime – infinie. De deux, parce qu’elle est totalement désespérante. Et de trois, parce que l’objet de ce blog n’est pas de gémir. Au contraire.
Il est de pousser un cri de guerre.
De raconter la vitalité stupéfiante du monde rural, malgré l’acharnement mis de toutes part à le faire disparaître. L’énergie produite par tous ceux que les espaces vides rendent fou d’imagination. Ceux qui ne voient pas l’abandon, mais la place laissée libre.
On a commencé à venir me voir
Seulement voilà : j’ai découvert qu’une partie importante du monde agricole était fidèle à Rue89. Quand ma chronique sur la fin accablante d’une exploitation laitière s’est mis à circuler, on a vite reconnu de qui il s’agissait.
On a commencé à venir me voir.
Ce voisin, je le connaissais de loin en loin. Un ami d’ami. Un révolté, ça je le savais. Qui n’a pas sa langue au fond du puits. Quand il a su que j’étais celui qui tenait ce blog, il il m’a sauté sur le paletot :
« Quand est-ce que tu viens chez moi ? J’ai PLEIN de choses à te dire ! »
C’était la semaine dernière, un soir de beau, dans le bistrot associatif qu’on a ouvert à la hussarde quelques mois plus tôt, et qui ne désemplit jamais. Il m’a serré la main en me cassant tous les petits os. Je n’avais pas le choix. Et c’était très bien comme ça.
« Puis c’est pas fini. De l’autre coté, c’est pareil ! Chassain : vide ! Montaigu : vide ! Pernancier : vide ! Chez les Michauds : c’est vide ! Le père Moussier : vide ! Et chez Giraud : ben c’est fermé. Le fils Barré : il a pas tenu – c’est vide ! La paille moisit dans son hangar. Puis tant qu’à monter, c’est la même, va : partout ça se vide ! Ya que De Villemin, à la rigueur. Mais alors lui c’est simple : il a 2 000 hectares à lui. Ou trois. 3 000 hectares, remplis de fermes vides. »
En martelant du plat de la main, il me récite l’interminable litanie des fermes qu’il a vu se fermer. Se faire avaler par le sol. Rendre les armes face à l’acharnement de tous ceux qui travaillent, jour après jour, à la disparition des exploitations à taille humaine.
La fin de la paysannerie.
La MSA s’est transformée en outil de contrôle
C’est un jeune. Un téméraire. Grand chasseur. Grand gueuleur. Grand militant. Il me reçoit dans son salon où des fusils râtellent au mur, parmi des photos de famille. Les chiens hurlent à mon entrée. La table est pleine de joueurs.
Dimanche après-midi. Orages suspendus. Famille, amis, Scrabble et rami. Ça jase. Il me ressert un café noir. Puis, droit au but : « Je voulais te parler de la MSA. »
Silence chez les joueurs.
Son histoire, ils la connaissent tous. Sa colère, aussi. Les torrents de bile. Ça reprend à mi-bruit. L’orage beurdoule un rien plus fort. « Ah, tiens. Il est plus loin d’ici... »
La MSA, c’est la Mutuelle sociale agricole. La caisse de solidarité du métier. La Sécu des paysans, quoi. A la libération, la corporation a voulu jouer son rôle de corporation. C’était l’époque où la paysannerie représentait 60% de la population active. Ou plus. Payer pour les autres ? Et puis quoi, encore ! 70 ans plus tard, il ne sont plus que 4%. Et à la vitesse où se vident les fermes...
L’économie de marché a pris toute ses aises. A dégouliné sur la campagne. La MSA a joué le jeu, sans faillir, et s’est petit à petit transformée en outil de contrôle et de gestion des modes d’exploitation.
En gros : soit tu rentres dans le rang d’une agriculture spéculative, intensive, concentrée, à forte valeur ajoutée – obèse, en quelques mots –, soit tu jartes. J’y viens.
Lui a repris l’exploitation en 1990. Par là. Militant de la première heure, bagarreur coriace, il monte une cellule locale du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), partage ses journées entre la ferme et les actions syndicales. C’était la charnière, à l’époque. Enfin... Il y en a eu de nombreuses, des charnières. Mais celle-ci c’était un peu le sursaut. Voyant venir ce qu’on les poussait à devenir, les paysans bloquaient les rues, les préfectures, les supermarchés. Et lui était juché au premier rang.
Il déglutit.
Le pire, c’est les jeunes
25 ans ont passé. Les syndicats : c’est fini... Les jeunes, putain... Le pire, c’est les jeunes. Pas qu’ils soient mauvais en soi, les pauvres. Mais c’est sans fin. Ils arrivent, tout juste sortis de l’école, la tête fraîchement farcie, et se cognent de la paysannerie. Eux : ils veulent des hectares, du rendement, et un salaire. Le tout, tout de suite. Pour commencer. Ils ont la poitrine en avant, de l’énergie plein les bottes. Ils investissent, massivement, avec la bénédiction des banques et des institutions, dans des équipements qui rutilent.
Et se lancent, tête baissée, pensant faire au mieux, dans une vie de solitude, de travail acharné et de remboursements.
Alors le syndicalisme, tu parles... Quand tu passes ton temps à flipper pour ta propre survie...
Petit à petit, les fermes ferment. Usure. Abandon. Retraite. Dépression. Ou « p’tit marteau » : liquidation. Ça se vide. Les jeunes arrivent. S’installent. Rachètent les terres de deux ou trois. Et ça repart. Pyramide. Jusqu’à ces abominations céréalières de plusieurs milliers d’hectares, qui bouffent allègrement les sols et paysages de Beauce, de Champagne ou du Berry.
Je te mens ?
Tu lis la presse ? La ferme des mille vaches...
MILLE vaches !
C’est ça, l’avenir, mon gars... Faut pas rêver...
Et la MSA, alors ?
Même jeu. Mêmes joueurs.
T’embauches qui pour 20 euros ?
Il y a deux ans, mon interlocuteur se coince dans un accident de tracteur. Un truc sérieux. Il s’en tire avec l’épaule porteuse en moins : broyée. On la retape, mais ça prend du temps. Et les tendons sont foutus. Irréparables. Il peut lever le bras, mais rien porter. Plus de force. On le déclare handicapé à 25%.
Il se tourne vers la MSA pour la première fois de sa vie, après 25 ans d’exercice et dix ou douze jours de vacances. Il sait qu’il existe une aide à l’embauche d’ouvriers pour les périodes de relevaille. Il a besoin de quelqu’un pour veiller à la ferme, le temps qu’il se retape et puisse envisager la suite. Il s’adresse à un conseiller qui le reçoit très poliment.
Et lui plante sa réponse dans le dos.
Il a droit à 20 euros par jour. Pendant trois mois.
20 euros par jour... T’embauches qui pour 20 euros ? Une chèvre ?
Mais c’est comme ça pour tout le monde... Pour pouvoir prétendre à une indemnité digne de ce nom, il aurait dû monter sa ferme en société – dès le début – et se verser des salaires en bonne et due forme.
Dès le début.
Le genre de choses que tu ne fais jamais. Même si tu es au courant. A moins de jouer déjà dans la cour des grands montages agro-industriels. Il en faut du rendement pour se verser un salaire régulier.
Il prend l’indemnité ridicule et fait ce qu’il a à faire : il abat la voilure de son exploitation. Il vend des bêtes. Diminue son travail. Baisse le régime. Gagne moins. S’adapte à son épaule.
Et ça repart.
Deux accidents, ça ne suffit pas
Mais un an plus tard, à peine, son corps réagencé lui tend un piège. Il perd l’équilibre sous une charge. Tombe. Se brise une jambe, et le cheville qui va avec.
A l’hôpital, on le visse. On le boulonne. On l’immobilise pour la deuxième fois en deux ans. En plein vêlages, encore une fois. Le manque à gagner brûle presque autant que la douleur.
Cette nouvelle blessure est déclarée invalidante à 10%. 25+10 = 35%. Il découvre pendant les soins qu’il a passé la barre des 30% de handicap, ce qui, officiellement, peut lui donner droit à une aide à l’embauche d’un ouvrier. 300 euros par mois. Une paille.
Il monte un dossier et l’envoie à la MSA. La MSA le lui renvoie, barré de rouge. Il n’a pas droit à l’aide.
L’indemnité est accordée aux exploitants déclarés handicapés à 30% – ou plus – des suites d’un seul et même accident.
D’un seul et même...
Sinon, il faut cumuler les 30% d’invalidité des suites de trois accidents ou plus. Deux accidents, ça ne suffit pas. Les 20 euros par jour ? Il n’y a pas droit cette fois. Cette nouvelle crise n’est pas assez sérieuse pour qu’il puisse s’en prévaloir.
Pour s’amuser, il a calculé ce qu’il a versé de cotisation à la MSA depuis l’ouverture de son exploitation. Il arrive à près de 36 000 euros.
Puis vient la mauvaise année...
Bien sûr, tout cela ne serait pas arrivé si, suivant la doxa des institutions agricole, il s’était installé en SARL : impératif comptable, fiscalité d’entreprise, obligation de salaires et de bénéfices constants.
Mais ça, tu sais ce que ça veut dire ?
Attends, je te raconte...
Tu achètes des terres. Tu achètes des vaches. Tu doubles. Tu triples. Pour faire face à la taille de ton exploitation, tu investis dans un arsenal technologique de pointe. Tu embauches. Tu construis. Tu empruntes. A la banque, on te fixe un impératif de rendement. Pour t’y tenir, il te faut plus de bêtes.
Tu achètes des terres. Tu grossis. Tu embauches. Tu travailles avec obstination en fixant du regard la ligne d’horizon : le jour où ce que tu gagneras ne se fera plus absorber automatiquement par les remboursements et les intérêts.
Puis vient la mauvaise année. Trop de pluie. Pas assez. Epidémie. Accidents. Incendie. Puis te voilà rendu à courir derrière la trésorerie. Et c’est le cycle.
Tu calcules. Tu stockes. Tu retardes les paiements au maximum. Tu spécules sur des poignées d’euros. Tu fais sauter les frais les plus lourds. Tu répares toi-même ton équipement, déjà obsolescent. Ça te prend tes nuits, tes dimanches.
Puis vient la deuxième année mauvaise. Tu fais plus face. Les fournisseurs te refusent. Les banques te menacent. Tu commences à mégoter sur l’essentiel : le véto, les aliments. Tu es sec. Et éreinté.
Puis un jour, tu peux plus. P’tit marteau. C’est vendu.
Vide.
Et là, tu peux toujours lui courir après, la MSA.
Ce qu’il manque ? Une forme de bon sens
L’orage s’abat enfin. La café fume. Les joueurs ont fini de jouer et commencent à plier leurs gaules. Je tente de délayer l’amertume en le branchant sur son travail. Lui fait du Charolais. AOC. Le top de la viande. Des bêtes au petit soin. Ensilage de mais, luzerne et beaucoup d’engrain.
Tout pousse chez lui. Les mauvaises années, il rajoute quelques tourteaux de soja pour faire le joint. Il privilégie le réensemencement, comme il l’a toujours fait, bien qu’il se rende compte que les céréales, passé deux ou trois saisons, ont maintenant du mal à se reproduire. Il sait que c’est une stratégie commerciale. Encore une autre pierre dans les jardins des petits exploitants. Alors il tente au mieux, de conserver des propres semences.
Il déglutit. Et revient à la charge.
Ce qu’il manque, je vais te dire : c’est une forme de bon sens. Comment dire mieux ? Avec la vache folle, c’était pareil : il devrait y avoir quelque chose de profondément enfoui qui te retienne de donner de la viande à bouffer à tes vaches, non ?
Eh bien les semences, c’est pareil. Quelque chose devrait te retenir de faire confiance à des gars qui te vendent délibérément des graines stériles. Quelque chose devrait te retenir d’entasser 10 000 poulets dans des tunnels au néon farcis d’antibiotiques.
Quelque chose devrait te retenir d’entasser mille vaches dans une stabulation entièrement mécanisée pour faire de l’électricité avec leur merde. Non ?
Le bon sens...
Te voilà à dévaster ce dont tu vis
Toutes ces fermes vides, dans la vallée, elles avaient toutes trois ou quatre tas de fumiers répartis. Quand ça pleuvait, le lisier s’écoulait et fumait les entours. Mais maintenant, y a tellement de vaches dans les étables que ça déborde de fumier. Il faut le stocker dans des cuves, avec des systèmes de rigoles et de flux. Quand ça pleut : ça déborde. Ça part dans la rivière. Et ça dévaste tout.
Et te voilà, paysan, à dévaster ce dont tu vis.
Tu m’étonnes qu’ils raccrochent les gants, tous...
Les invités sont partis. La pluie tombe serrée. Il est tard. Et la conversation commence à prendre une tournure annihilante.
Elle est sans fin, la plainte des paysans. C’est devenu un combat. Tu te bas contre tes institutions. Tu te bas contre les fournisseurs. Tu te bas contre les vétérinaires. Tu te bas contre les idées reçues. Contre ton destin. Contre la fatalité.
Depuis peu, tu te bas contre les consommateurs qui t’accablent de tous les maux, peu importe tes efforts et ta démarche.
Dernière en date, tu te bats même contre les architectes des bâtiments de France, qui t’interdisent de construire une grange pour y stocker le foin afin que les touristes qui profitent de la vue depuis le château en ruine ne soient pas gênés par la présence notoire de la seule ferme encore en activité. Le maire, en lui notifiant le refus de permis de construire, a même qualifié la ferme de « verrue dans le paysage ».
Sans fin.
La nuit tombée, je repars au milieu des aboiements et d’un déluge de gouttes épaisses. Dans ma tête : des poignées de mains, des rires, et des conversations en boucle.
Espoir. Désespoir.
Les fermes sont vides, les terres sont là
Je me redis que faire gaffe à ce qu’on mange, ce qu’on boit, et à quand on le consomme, c’est pas un luxe. C’est pas de la guimauve à hipsters. Pas une mode bobo.
C’est une nécessité urgente et absolue.
Pour le moment, les fermes sont vides, mais les terres sont là. Et puis le savoir faire. Il s’en faut de peu qu’il n’y ait plus que des friches, des serres et des champs sans limites. Regardez l’Espagne, si je mens. Les Pays-Bas. Ou ces régions d’Angleterre où la paysannerie n’est plus qu’un lointain souvenir.
Tu manges mal. Tu dors mal. Tu vis mal. Au milieu de paysages désertés. Les terres se vident et les villes s’empilent.
Partout dans le monde.
Alors tant pis si de temps en temps, je ressasse la complainte des paysans. Ça secoue. Ça réveille. Ça recadre. Et puis, après tout : c’est bon, parfois, d’avoir des ennemis.
Au moins, tu sais contre quoi tu te dresses.
Aller plus loin:
> "C'est fini": vie et mort d'une ferme, celle de mon voisin
17:15 Publié dans Culture et société, Environnement, Éthique, Politique | Tags : paysannerie, agriculture, alimentation | Lien permanent | Commentaires (0)
01/02/2015
"Nous avons tous une mission à accomplir"
« Nous avons tous une mission à accomplir » : telle fut la constante conviction de ce prêtre et psychologue québécois (1933-2011), étayée dans un livre précieux, À chacun sa mission (Bayard). Comment entendre cet appel personnel ? Comment trouver sa place unique dans l’ordre de la Création ? Nous avons tiré ces 12 clés d’un long entretien réalisé avec le Père Monbourquette, peu avant sa mort.
Clé n° 1 : Reconnaître qu’on a une mission
Chaque être humain a une orientation inscrite en lui, qui valorise au mieux ses possibilités humaines, en vue d’une action pour la communauté. Elle se manifeste par une sorte d’appel intérieur, venu du fond de soi-même. Celui-ci revêt plusieurs visages : un idéal à poursuivre, un but à atteindre, un désir profond et persistant, une inclination durable de l’âme, un enthousiasme débordant pour un certain genre d’activité…
Clé n° 2 : Devenir qui nous sommes
On ne peut concevoir la volonté de Dieu en contradiction avec le désir profond de l’homme, car ce désir, c’est le sien en nous. C’est enthousiasmant pour des jeunes de savoir que Dieu nous appelle à être nous-mêmes, par un appel spécial, et que nous avons chacun une place unique dans la Création.
Clé n° 3 : Une mission pour les autres
Il n’existe qu’une seule et véritable mission : aimer. La mission, ce n’est pas seulement un appel à se réaliser soi-même, mais à se réaliser soi-même pour les autres. Chaque fois qu’une personne développe ses talents et son originalité dans l’accomplissement d’une vocation, elle se fait cocréatrice et collaboratrice de la Création. Elle enrichit le monde. Il faut remplacer le dicton « Personne n’est indispensable » par « Toute personne est indispensable ».
Clé n° 4 : Ne pas avoir peur du face-à-face avec soi
Que l’on soit un jeune adulte resté adolescent, un adulte parvenu au milieu de la vie, des parents se trouvant face au « nid vide », une personne arrivant à la retraite ou frappée par le chômage, ou une personne âgée voyant venir sa fin prochaine, ce face-à-face nous amène tous à nous interroger sur notre identité et notre raison d’être.
Clé n° 5 : Une vocation naît souvent d’une blessure
Je songe à cette femme qui, victime de violences conjugales, fonda une maison pour femmes battues ; à ce paraplégique qui recueille des fonds pour aider d’autres personnes handicapées… Les personnes éprouvées s’avèrent souvent les plus à même de venir en aide aux autres, car elles connaissent le chemin de la guérison et le moyen d’apprivoiser le mal.
Clé n° 6 : Avoir un peu de courage !
Choisir de réaliser sa mission suppose toujours du courage. Le courage, parfois, de dire non à l’idéal que l’entourage projette sur vous. Quand on piétine son être profond pour faire plaisir aux autres, on risque de ne pas s’aimer et, plus tard, de s’en vouloir.
Clé n° 7 : Accueillir la joie
Les signes montrant qu’on est dans sa voie : une satisfaction profonde, un enthousiasme durable, une paix intérieure. Et l’impression qu’on se réalise : « J’ai enfin trouvé ma place dans l’univers, s’est exclamée une personne à la fin d’une session. Je ne suis plus jalouse ! » Cette fécondité rejaillit sur les autres, même invisiblement.
Clé n° 8 : Reconnaître les priorités
Une mère de trois enfants, très artiste, m’avait confié : « Je suis faite pour la peinture ». Je lui ai conseillé d’achever sa mission de mère de famille – tout en se préservant des plages de temps où elle n’abandonnait pas son talent – car c’est une priorité de l’amour. Ses enfants ayant grandi, elle a pris son pinceau à plein temps… et sa peinture a atteint une grande profondeur, car elle a été enrichie de son sacrifice.
Clé n° 9 : Discerner la volonté de Dieu
Notre Dieu n’est pas un papa bonasse un peu gâteux, mais un Dieu dynamique qui nous appelle, et dont la volonté d’amour s’exprime à travers nos talents humains, nos aptitudes, nos épanouissements, nos désirs profonds, nos élans de liberté. Nous réalisons sa volonté, dans une mystérieuse collaboration, en réalisant notre voie !
Clé n° 10 : On peut rater sa mission
Pour plusieurs raisons. Parce qu’on l’a ignorée ou refoulée loin en soi. Parce qu’on n’a pas eu les moyens matériels ou spirituels de la poursuivre, à cause de la pauvreté, du manque de formation, du manque de ressources, de la maladie, des responsabilités familiales, de l’isolement, etc. Parce qu’on s’est satisfait d’un compromis. Parce qu’on l’a abandonnée ou qu’on l’a tout simplement refusée, etc.
Clé n° 11 : Personne n’est à l’abri d’un échec…
Même des gens qui se sentent dans leur mission peuvent en sortir. Nous sommes fragiles. Nul ne peut dire : « J’y suis, j’y reste ». On peut appliquer à la mission ce que disait Jeanne d’Arc sur l’état de grâce : « Si j’y suis, que Dieu m’y garde ; si je ne suis pas, que Dieu m’y mette ». Certaines personnes vont découvrir leur mission dans l’échec, et vont grandir dans l’amour grâce à lui. Le prophète Jonas représente le type même du récalcitrant qui fait tout pour se dérober à l’appel de Dieu. Or il se retrouve après de nombreuses péripéties, bien malgré lui, au lieu même où Dieu lui a enjoint d’aller : à Ninive !
Clé n° 12 : … mais Dieu « récupère » tout
Il va tout faire pour profiter de nos échecs, de nos fuites, de nos refus, pour nous remettre dans notre axe profond, pour nous faire rebondir vers Lui, et récupérer ces manques pour les transformer en grâces dans l’histoire du salut. « Tout est grâce », disait Thérèse de Lisieux. Car la mission, dans le fond, est un appel à poser un acte qui s’inscrit dans l’histoire du salut. Et le dernier mot de notre vocation est de Celui qui appelle : Jésus, dont la mission de salut est passée par la Croix et la Résurrection. Le Sauveur est toute miséricorde. C’est pour-quoi on peut sans doute parler de mission manquée, mais pas de vie perdue.
Luc Adrian
14:48 Publié dans Religion | Lien permanent | Commentaires (0)