04/09/2014
Abbé Grosjean: "Les jeunes catholiques sont tradis et charismatiques, les mêmes vont à Chartres et à Paray"
Le Père Pierre-Hervé Grosjean est à la tête d'Acteurs d'avenir, une association qui organise des sessions de formation sur l'engagement pour les jeunes étudiants. Il dit ici, avec franchise, sa compréhension de ces jeunes croyants qui s'engagent politiquement au nom de leur foi.
Pour la cinquième année consécutive, vous réunissez à Fontainebleau 200 jeunes pour une session consacrée à l'engagement dans la société. Quel est leur profil ?
Ils ont entre 20 et 25 ans. La plupart sont étudiants. Ils ont souvent déjà un engagement. Beaucoup sont des chefs scouts. Ils ont souvent fait de l’humanitaire et ils ont généralement participé à la mobilisation pour la famille. Ils sont conscients qu’ils ont beaucoup reçu par leurs études et qu'on leur demandera beaucoup. Ils veulent donc beaucoup donner. Ils feront leur métier d’une façon engagée et ils n'imaginent pas des réussites individualistes. (...)
Selon vous, comment l’intérêt pour le politique évolue-t-il chez les jeunes catholiques ces dernières années ?
Deux choses me frappent. La première est la forte mobilisation pour la famille. Beaucoup de jeunes catholiques se sentent responsables d’un modèle où la famille est comprise et respectée avec la complémentarité père-mère, où la vie est accueillie et respectée dans toutes ses dimensions [et où la vérité du mariage est reconnue et vécue dans sa dimension sacrée et indissoluble, NdEspN]. Cet héritage dont ils sont porteurs les engage. (...)
Deuxièmement, je trouve les jeunes assez libres par rapport aux systèmes partisans. Ils n'aiment pas la logique des partis et ils sont imperméables aux petits arrangements politiciens. Ils ont une attente de figures qui sauront les comprendre et auprès desquelles ils sont prêts à s'engager. En cela, ils sont différents de leurs aînés. (...)
Vous êtes donc optimiste ?
Je suis plein d’espérance. La situation est stimulante. L’Histoire se fait avec des minorités créatives. Cette idée de Benoît XVI n’a jamais été aussi vraie pour nous catholiques en France. L’enjeu est immense. Les jeunes sont libres et décomplexés. Si l’Eglise sait être au rendez-vous pour enthousiasmer ces jeunes, ils sauront s’engager.
Sur le plan de la pratique religieuse, quelle est la culture de ces jeunes ? Plutôt classiques, tradis, charismatiques ?
Nos jeunes ne sont pas prisonniers de nos schémas ecclésiaux dans lesquels nous perdons parfois notre temps. Ils se baladent entre tradis et charismatiques. Leurs attachements transcendent les clivages. J'ai pu constater que ce sont les mêmes jeunes qui vont à la messe tradi de Chartres, à la messe charismatique à Paray et à celle de Hautecombe du Chemin Neuf et à la messe classique à Lourdes. Ils sont libres.
Le vrai clivage n’est pas entre tradis et charismatiques, mais entre ceux qui prennent le tournant du christianisme identifié et décomplexé et ceux qui restent dans l’Eglise des années 80 où il faut s’excuser d’être chrétien.
Certains catholiques ont peur de ces jeunes si engagés, si tranchés.
Là, il faut être clair. Les jeunes catholiques pratiquants engagés en cohérence avec leur foi se sont mobilisés dans leur grande majorité sur la question mariage, y compris dans la rue. Beaucoup d’évêques, comme le cardinal Barbarin, ont su descendre avec eux et s’adresser à eux, tout en les aidant à discerner. (...)
Au fond, on ne fait que suivre l’exemple des différents papes, de Jean-Paul II à François [nous qui croyions que l'histoire de l'Eglise et des papes remontait à Saint Pierre... NdEspN]. Le rôle de l’Eglise est de savoir aider ces jeunes laïcs à prendre conscience de leur mission et à les accompagner. Ils sont demandeurs. Ils feront sans ceux qui ont peur d’eux ou qui pensent qu’ils sont trop ceci ou trop cela.
Qu'avez-vous appris de ces jeunes ?
L’Église doit se laisser bousculer par cette génération qui monte et qui est généreuse. Les vocations sont là ! Les laïcs engagés sont là, ainsi que les responsables des manifs et les fondateurs des Veilleurs. (...) Ils ont besoin de pasteurs qui ne sont pas tièdes, qui savent parler à leur générosité et à leur désir de s’engager. Ils cherchent des pères et des chefs qui les font grandir, qui leur disent : « vas-y, sois vrai, forme-toi, n'aie pas peur. »
Mais, encore une fois, tous les catholiques ne partagent pas votre discours. Cet enthousiasme ne risque-t-il pas d'accentuer certains clivages ?
Non. D'abord parce que le discours de ces jeunes est celui du pape. La grande majorité des évêques français se sont engagés sur la même ligne. Cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer ceux qui sont dans la périphérie. C'est le rôle des prêtres de faire la communion. Mais ce n’est pas en demandant aux jeunes catholiques de se brider ou de tenir un discours consensuel qu’on parle le mieux à la jeunesse. Le pape François n’est pas un pape de consensus. Il parle clair et il parle au cœur et à l’intelligence. Ne demandons pas à ces jeunes de se renier et de s’excuser de croire vraiment à ce qu’ils font et de s’engager au nom de leurs convictions parce que d’autres ne le font pas ou pataugent dans des incohérences. Qu’on ne leur reproche pas d’être aux avant-postes et d’y aller courageusement !
(Belgicatho/La Vie - 01/09/2014)
07:00 Publié dans Culture et société, Religion | Tags : jeunes catholiques, tradismatiques, génération benoît xvi, abbé grosjean | Lien permanent | Commentaires (0)
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