Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/04/2015

Cardinal Müller : "l'évêque doit être un martyr de la parole"

Le cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, répond aux questions soulevées dans l’Église à l’occasion du Synode sur la famille.

Dans un livre d’entretiens sur la famille, publié récemment en Italie et aux États-Unis, vous encouragez les chrétiens à « choisir l’audace prophétique du martyre ». Pourquoi ?

L’Église n’est pas une organisation philanthropique. Dire que nous respectons les opinions de tous, que nous voulons du bien à tous, ne suffit pas. Présenter l’Évangile comme un simple message thérapeutique n’est pas très difficile, mais ne répond pas à l’exigence de Jésus. « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi », dit Jésus. Les premiers apôtres, les Pères de l’Église, les grands évêques de l’histoire de l’Église ont si souvent navigué face à des vents contraires. Comment pourrait-il en être autrement pour nous ?

Dans ce rôle prophétique, quel doit être pour vous le rôle des évêques ?

L’évêque doit être un martyr par la parole et, parfois, par la vie, comme nous le montre l’exemple de tant de chrétiens, de prêtres et d’évêques, dans différentes parties du monde. Nous devons être des confesseurs de la foi, et notamment ici en Europe. Confesseurs, parce que tous ne comprennent pas le sens de la croix du Christ.

Beaucoup ont une fausse idée de la religion catholique, y voyant un ensemble de rites, des croyances réconfortantes. Or elle est plus que cela. Elle implique que la personne se convertisse, qu’elle combatte le vieil Adam, qu’elle devienne une nouvelle créature.

Nous ne pouvons pas présenter l’Évangile comme un chemin de vie commode. Cela n’aide pas les personnes, parce que cela ne correspond pas à la réalité fondamentale de l’Évangile.

À travers les siècles, le courage des évêques est souvent lié à la défense de la doctrine de l’Église. Comment votre congrégation les y aide-t-elle aujourd’hui, dans le contexte du Synode sur la famille ?

La Congrégation pour la doctrine de la foi et le Synode des évêques sont des institutions distinctes, mais qui sont amenées à travailler sur des thèmes communs, comme la famille. La Congrégation que je préside est au service du Saint-Père pour le soutenir dans son magistère pétrinien, ainsi que des évêques dans le magistère qu’ils exercent en communion avec le pape.

Pour la famille, notre référence est la doctrine précisée au fil du temps par de nombreux papes, notamment Pie XI, spécialement dans son encyclique Casti Conubii, ainsi que par Jean-Paul II et Benoît XVI dans leurs nombreux enseignements sur ces sujets. Sans oublier le concile Vatican II.

Cette doctrine a été condensée dans le Catéchisme de l’Église catholique. L’analyse sociologique du mariage et de la famille montre que la réalité est souvent distante de cet enseignement. S’il nous faut ouvrir les yeux sur cette situation, il est clair que nous ne pouvons évidemment pas en faire une norme théologique ou dogmatique.

Quels sont les obstacles dans l’annonce du message évangélique sur la famille ?

La première question, pour la famille, est anthropologique. Les développements que nous constatons dans le champ du mariage et de la sexualité vont en effet souvent contre la dignité humaine et l’ordre créé par Dieu, comme l’illustrent les atteintes à la relation indissoluble entre un seul homme et une seule femme. Ces évolutions parviennent à faire vaciller les fondements anthropologiques issus de la création initiale de l’homme par Dieu, comme on le voit dans la prétention de créer un « mariage » homosexuel.

Nous vivons dans une culture sécularisée, sans Dieu, sans ce rapport fondamental avec le Créateur. La conséquence est que beaucoup d’hommes ont perdu le sens de leur vie et en viennent à adopter une vision purement pratique des choses, notamment sur l’amour, la fidélité. La valeur du don total d’un homme et d’une femme qui s’offrent l’un à l’autre pour toujours semble escamotée. Pourtant, l’amour et la fidélité sont les deux faces d’une même monnaie.

Des évolutions qui ont des conséquences sur le sacrement du mariage lui-même…

Le deuxième grand défi de l’Église concernant la famille, c’est la sacramentalité. À cet égard, on doit souligner qu’il n’est pas correct ou suffisant de présenter l’indissolubilité du mariage comme un idéal, une loi, une « valeur ». Le mariage est avant tout un sacrement, un signe efficace qui communique la grâce. Par lui, Dieu constitue une nouvelle réalité, le lien matrimonial. Dans l’Ancien Testament, il est dit que « l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme et ils ne seront plus qu’une seule chair ». Dans le Nouveau Testament, Jésus reprend ces paroles. C’est l’unité la plus dense qu’on puisse imaginer. Saint Jean Chrysostome a dit une fois que le divorce d’un mariage sacramentel était comme une amputation de la chair. Je crois que certains théologiens et certains évêques doivent se réapproprier ces paroles très claires.

L’enseignement de l’Église sur le sacrement du mariage est-il suffisamment affirmé, par exemple lors de la préparation au mariage ?

Parfois, certains peuvent être tentés, dans l’Église, de s’adapter à la superficialité du discours public, en fondant leur réflexion de manière purement pratique : si les choses « fonctionnent », les conjoints restent ensemble ; s’ils ne « s’entendent plus », il faut trouver une solution pratique de substitution. Cette vision des choses s’oppose absolument à la sacramentalité du mariage, qui donne aux époux un quasi-caractère (signe indélébile). Il y a une certaine analogie entre le caractère reçu par un prêtre à l’ordination et le lien matrimonial indissoluble jusqu’à la mort d’un des deux conjoints.

Nous devons dépasser le point de vue du sécularisme, qui consiste à ne penser le mariage que d’un point de vue pragmatique. Le mariage est bien plus que cela : c’est une expression, une participation à l’alliance définitive, eschatologique, indissoluble, du Christ et de l’Église, son épouse.

Certains distinguent la doctrine de l’indissolubilité, qu’ils ne remettent pas en question, et la pastorale, qui pourrait dans certains cas s’en éloigner. Qu’en pensez-vous ?

La doctrine chrétienne n’est pas une théorie sur la réalité, mais la vérité révélée. Elle est la vie du Christ et la vérité vécues. Il n’y a donc pas de différence fondamentale à établir entre doctrine et pastorale. Nous ne sommes pas sauvés en Jésus Christ par une théorie, mais nous participons à la grâce, à la vie de Dieu. Le péché, l’éloignement de Dieu, sont des réalités qui appartiennent au monde « ancien », celui de la domination du péché. Nous devons vivre de la nouvelle réalité, en acceptant la Croix et les difficultés concrètes qui s’y rattachent, tout au long de la vie. Un prêtre qui a reçu le sacrement de l’ordination ne peut pas dire : ceci est une belle idée, mais la réalité est différente. Il s’agit d’emprunter le chemin de la sequela (suite) de Jésus Christ, en acceptant les croix, parfois très lourdes, du quotidien, en suivant notre modèle.

À ce sujet, les paroles de Jésus peuvent-elles être interprétées de différentes manières ?

Nous devons être obéissants à la parole de Jésus Lui-même. Lorsqu’on Lui a demandé s’il était permis à l’homme de répudier son épouse, Jésus a répondu : Non ! « Si quelqu’un renvoie sa femme et qu’il en épouse une autre, il est adultère.  » Lorsque les personnes rencontrent des difficultés, elles doivent donc tout faire pour les surmonter, en cherchant à se faire semblables au Christ crucifié, qui ressuscite à Pâques. Et être aidées et soutenues dans leur effort. Mais nous ne pouvons pas dire que notre pastorale doit être plus prudente que Jésus Christ Lui-même !

Comment lier la doctrine et la vie concrète des personnes ?

En fait, on ne peut pas dire que Jésus Christ aurait apporté une doctrine hors de portée, un idéal qui serait sans lien avec la vie. Qu’il nous faudrait corriger, perfectionner Jésus Christ, parce qu’Il aurait vécu dans un monde idéaliste, qu’Il n’était pas un homme pratique. Jésus n’est pas un théologien académique qui n’aurait rien su de la vie réelle. Il a été, par toute sa personne et sa vie, le Docteur, l’Enseignant de la parole de Dieu. Il est le pasteur qui guide les hommes, qui nous apprend à marcher à sa suite par les « morts » quotidiennes.

Le christianisme n’est pas une philanthropie, une doctrine de sagesse pour la vie de tous les jours, qui justifierait cette séparation entre le Christ, la vérité et la vie réelle. Le voir ainsi serait Le réduire à une forme de gnosticisme, à un idéalisme, dont tous sauraient qu’il n’a pas de lien direct avec la pratique. Nietzsche voyait dans le christianisme un platonisme pour les gens simples. Il est étonnant de voir que certains dans l’Église, tels de nouveaux Nietzsche, voudraient réduire le christianisme à une forme d’idéalisme platonique.

Comme expliquez-vous ce phénomène ?

J’espère que ceux qui soutiennent ce genre de positions ne se rendent pas compte de ce qu’ils disent. Ils ne savent pas ce qu’ils font !

La discipline sacramentelle pourrait-elle être changée, sans pour autant toucher au dogme ?

La discipline des sacrements est l’expression de la doctrine de la foi. Ce ne sont pas deux domaines différents. On ne peut pas affirmer la doctrine et initier une pratique qui serait contraire à la doctrine. Car la doctrine chrétienne n’a pas une relation à la pratique comme l’auraient la théorie et la praxis dans la pensée marxiste. Nous avons le même Christ qui a enseigné le Royaume de Dieu et l’a réalisé en offrant sa propre vie. C’est cela, la réalité chrétienne. L’Église peut toujours changer ou adapter les rites ecclésiastiques. Mais uniquement ce qui est de droit humain. Ce qui est de droit divin, l’Église ne peut pas le changer. Ce serait une contradiction en soi.

Même le Magistère ?

Toute la parole de Dieu est confiée à l’Église, mais celle-ci n’est pas supérieure à cette Parole, comme le dit clairement la Constitution dogmatique Dei Verbum du concile Vatican II. Le Magistère n’est pas supérieur à la parole de Dieu. C’est l’inverse qui est vrai. C’est d’ailleurs un reproche récurrent des protestants à notre égard, accusant notre Magistère de se faire supérieur à la parole de Dieu. Mais ceci n’a jamais été la doctrine catholique. Le Magistère sert la parole de Dieu : l’interprétation n’est pas un changement, encore moins une création.

Certaines décisions doctrinales ou disciplinaires sur le mariage et la famille pourraient-elles être déléguées aux conférences épiscopales ?

C’est une idée absolument anticatholique, qui ne respecte pas la catholicité de l’Église. Les conférences épiscopales ont une autorité sur certains sujets, mais ne constituent pas un magistère à côté du Magistère, sans le pape et sans la communion avec tous les évêques.

Récemment, un évêque allemand a déclaré que la conférence épiscopale qu’il dirige n’était pas une « filiale de Rome ». Qu’en pensez-vous ?

Une conférence épiscopale n’est pas un concile particulier, encore moins un concile œcuménique. Le président d’une conférence épiscopale n’est rien de plus qu’un modérateur technique, et il n’a à ce titre aucune autorité magistérielle particulière. Entendre dire qu’une conférence épiscopale n’est pas une « filiale de Rome » me donne l’occasion de rappeler que les diocèses ne sont pas non plus les filiales du secrétariat d’une conférence épiscopale, ou d’un diocèse dont l’évêque préside la conférence épiscopale.

Ce genre d’attitude risque en fait de réveiller une certaine polarisation entre les Églises locales et l’Église universelle, dépassée lors des conciles Vatican I puis Vatican II. L’Église n’est pas un ensemble d’Églises nationales, dont les présidents voteraient pour élire leur chef au niveau universel.

Y a-t-il un danger que certaines conférences épiscopales se séparent de Rome ?

Je ne pense pas que cette volonté existe. Mais le risque est d’appliquer à l’Église des catégories politiques, au lieu d’utiliser l’ecclésiologie catholique véritable. La Curie romaine n’est pas l’administration de Bruxelles. Elle est le lieu où travaillent les cardinaux, piliers de l’Église de Rome, dont le pape est le chef. Ils sont là pour le soutenir dans son ministère pétrinien, dans son magistère, dans son gouvernement de l’Église romaine, au service de l’Église universelle.

Nous ne sommes pas une quasi-administration, ni une superorganisation au-dessus des Églises locales, dont les évêques seraient les délégués. En raison de leur ordination et de leur mission, ceux-ci exercent un vrai pouvoir spirituel sur l’Église particulière qui leur est confiée, en union avec l’Église universelle. Tout cela est clairement expliqué dans le concile Vatican II, et je ne vois pas la nécessité de réveiller un vieil antagonisme qui a donné lieu, dans l’histoire, à toutes sortes d’abus, que ce soit le centralisme curial comme au temps des papes d’Avignon ou, à l’inverse, le gallicanisme, le joséphisme [tentative de subordonner l’Église à l’État par l’empereur Habsbourg Joseph II au XVIIIe s.].

Vous travaillez aussi sur le lien entre la foi des conjoints et la validité de leur mariage.

C’est un grand défi, sur lequel nous travaillons beaucoup. Le problème est le suivant : dans nos sociétés sécularisées, il se peut qu’un nombre croissant de personnes demande le mariage catholique en ne voyant en lui qu’un beau rite religieux traditionnel, sans adhérer à sa signification profonde et ses implications. Les consentements peuvent être échangés sans que les personnes comprennent le sens du mariage chrétien, sans accepter dans leur cœur et leur esprit toutes les dimensions qui en sont constitutives. On peut par conséquent se demander de manière plus précise si toutes les conditions pour que le mariage soit valide ont bien été présentes.

Peut-on « mesurer » la foi de deux personnes qui demandent le mariage ?

Le niveau de foi personnelle, la fides qua creditur, ne peut pas être « contrôlé ». Seul Dieu peut le faire. Mais la foi confessée, si. Si quelqu’un demande le mariage à l’Église mais, en même temps – dans son cœur ou ouvertement – affirme qu’il n’accepte pas tout ce que dit l’Église, voire le nie directement, ou bien encore en ignore tout, alors on peut se poser la question de la validité de son mariage. C’est le cas d’un certain nombre de personnes qui ont seulement été formellement baptisées, mais n’ont reçu aucune éducation chrétienne.

C’est la raison pour laquelle on pourrait imaginer compléter la formule actuelle de la liturgie du mariage, basée essentiellement sur des éléments naturels, en demandant aux futurs conjoints d’exprimer de manière plus claire leur adhésion à l’enseignement de l’Église. Une adhésion à laquelle les candidats au mariage pourraient déjà être invités dès leur préparation à la réception de ce sacrement. 

Source : Famille Chrétienne

26/02/2015

Notification sur le livre du P. Jacques Dupuis, S.J. - Congrégation pour la Doctrine de la Foi

 

CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI


NOTIFICATION
sur le livre du
P. JACQUES DUPUIS, S.J.,
«Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux»
Paris, Cerf 1997

 

Préambule

 

Après un examen de l’œuvre du P. Jacques Dupuis, S.J., Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux (Paris, 1997), la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a décidé d’en approfondir l’étude selon sa procédure ordinaire, telle qu’elle a été fixée par le chapitre III du Règlement pour l’examen des doctrines.

 

Il faut souligner tout d’abord que l’Auteur propose dans ce livre une réflexion introductive à une théologie chrétienne du pluralisme religieux. Il ne s’agit pas simplement d’une théologie des religions, mais d’une théologie du pluralisme religieux, qui veut rechercher, à la lumière de la foi chrétienne, la signification que revêt la pluralité des traditions religieuses à l’intérieur du dessein de Dieu sur l’humanité. Conscient du caractère problématique de sa perspective, l’Auteur lui-même ne se cache pas que les questions soulevées par son hypothèse pourraient être aussi nombreuses que les solutions qu’il propose.

 

A la suite de l’examen effectué et des résultats obtenus dans le dialogue avec l’Auteur, tenant compte également des analyses et des avis exprimés par les Consulteurs sur les Réponses données par celui-ci lors de la Session Ordinaire du 30 juin 1999, les Eminents Pères ont reconnu sa tentative de rester dans les limites de l’orthodoxie, tout en s’efforçant de traiter des problématiques inexplorées jusqu’ici. En même temps, tout en considérant la bonne disposition à fournir les éclaircissement jugés nécessaires manifestée dans ses réponses ainsi que sa volonté de rester fidèle à la doctrine de l’Eglise et à l’enseignement du Magistère, ils ont constaté que dans le livre sont contenues de graves ambiguïtés et des difficultés sur des points doctrinaux importants qui peuvent conduire le lecteur à des opinions erronées ou dangereuses. Ces points concernent l’interprétation de la médiation salvifique unique et universelle de Jésus Christ, l’unicité et la plénitude de la Révélation dans le Christ, l’action salvifique de l’Esprit Saint, l’ordination de tous les hommes à l’Eglise, la valeur et la signification de la fonction salvifique des religions.

 

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, après avoir accompli la procédure ordinaire de l’examen dans toutes ses phases, a décidé de rédiger une Notification[1] dans le but de sauvegarder la doctrine de la foi catholique d’erreurs, d’ambiguïtés ou d’interprétations dangereuses. Cette Notification, approuvée par le Saint Père durant l’audience du 24 novembre 2000, a été présentée au Père Jacques Dupuis et acceptée par lui.  En signant ce texte, l’Auteur s’est engagé à reconnaître les thèses énoncées et à s’en tenir à l’avenir, dans ses activités théologiques et ses publications aux contenus doctrinaux indiqués dans la Notification, dont le texte devra apparaître aussi dans les éventuelles réimpressions ou rééditions du livre en question ainsi que dans ses traductions.

 

La présente Notification n’entend pas exprimer un jugement sur la pensée subjective de l’Auteur; elle se propose plutôt d’énoncer la doctrine de l’Eglise à propos de certains aspects des vérités doctrinales énoncées ci-dessus. Elle voudrait, en même temps, réfuter les opinions erronées et dangereuses auxquelles le lecteur pourrait être conduit, indépendamment des intentions de l’Auteur, en raison des formulations ambiguës et des explications insuffisantes de différents passages du livre. Elle voudrait offrir ainsi aux lecteurs catholiques un critère d’évaluation sûr et conforme à la doctrine de l’Eglise, pour éviter que la lecture de l’ouvrage n’induise de graves équivoques et malentendus.

 

I. A propos de la médiation salvifique unique et universelle de Jésus-Christ

 

1. Il faut croire fermement que Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, crucifié et ressuscité, est le médiateur unique et universel du salut de toute l’humanité.[2]

 

2. Il faut aussi croire fermement que le Jésus de Nazareth, Fils de Marie et seul Sauveur du monde est le Fils et le Verbe du Père.[3] En raison de l’unité du plan divin de salut, qui a son centre en Jésus-Christ, il faut tenir en outre que l’œuvre salvifique du Verbe est accomplie dans et par Jésus-Christ, Fils incarné du Père, en tant que médiateur du salut de toute l’humanité.[4] Il est donc contraire à la foi catholique non seulement d’affirmer une séparation entre le Verbe et Jésus ou une séparation entre l’action salvifique du Verbe et celle de Jésus, mais aussi de soutenir la thèse d’une action salvifique du Verbe comme tel, dans sa divinité, indépendamment de l’humanité du Verbe incarné.[5]

 

II. A propos de l’unicité et de la plénitude de la révélation de Jésus-Christ

 

3. Il faut croire fermement que Jésus-Christ est le médiateur, l’accomplissement et la plénitude de la révélation.[6] Il est donc contraire à la foi de l’Eglise de soutenir que la révélation par/en Jésus-Christ soit limitée incomplète ou imparfaite. En outre, même si on ne possédera la pleine connaissance de la vérité divine qu’au jour de la venue glorieuse du Seigneur, la révélation historique de Jésus-Christ offre tout ce qui est nécessaire pour le salut de l’homme et n’a pas besoin d’être complétée par d’autres religions.[7]

 

4. Il est conforme à la doctrine catholique d’affirmer que les grains de vérité et de bonté qui se trouvent dans les autres religions participent d’une certaine manière aux vérités contenues par/en Jésus-Christ.[8]Par contre, considérer que ces éléments de vérité et de bonté, ou certains d’entre eux, ne dérivent pas ultimement de la médiation-source de Jésus-Christ, est une opinion erronée.[9]

 

III. A propos de l’action salvifique universelle de l’Esprit Saint

 

5. La foi de l’Eglise enseigne que l’Esprit Saint, à l’œuvre après la résurrection de Jésus-Christ, est encore l’Esprit du Christ envoyé par le Père qui opère de manière salvifique aussi bien dans les chrétiens que dans les non-chrétiens.[10] Il est donc contraire à la foi catholique de considérer que l’action salvifique de l’Esprit Saint puisse s’étendre au-delà de l’unique économie salvifique universelle du Verbe incarné.[11]

 

IV. A propos de l’ordination de tous les hommes à l’Eglise

 

6. Il faut croire fermement que l’Eglise est signe et instrument de salut pour tous les hommes.[12] Il est contraire à la foi catholique de considérer les diverses religions du monde comme des voies complémentaires à l’Eglise pour ce qui est du salut.[13]

 

7. Selon la doctrine catholique, les adeptes des autres religions sont eux aussi ordonnés à l’Église et sont tous appelés à en faire partie.[14]

 

V. A propos de la valeur et de la fonction salvifique des traditions religieuses

 

8. Selon la doctrine catholique, il faut tenir que: «ce que l’Esprit fait dans le cœur des hommes et dans l’histoire des peuples, dans les cultures et les religions, remplit une fonction de préparation évangélique (cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 16)».[15] Il est donc légitime de soutenir que l’Esprit Saint pour sauver les non-chrétiens, utilise aussi les éléments de vérité et de bonté qui se trouvent dans les diverses religions, mais considérer comme voies de salut ces religions, prises comme telles, n’a aucun fondement dans la théologie catholique; en effet, elles présentent des lacunes, des insuffisances et des erreurs[16] sur les vérités fondamentales regardant Dieu, l’homme et le monde.

 

En outre, le fait que les éléments de vérité et de bonté des différentes religions puissent préparer les peuples et les cultures à accueillir l’événement salvifique de Jésus-Christ, ne suppose pas que les textes sacrés des autres religions puissent être considérés comme complémentaires à l’Ancien Testament, qui est la préparation immédiate à l’événement du Christ.[17]

 

Au cours de l’audience du 19 janvier 2001, le Souverain Pontife Jean-Paul II, à la lumière des derniers développements, a confirmé son approbation de la présente Notification, décidée lors de la Session Ordinaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et en a ordonné la publication.   

 

A Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 24 janvier 2001, jour de la mémoire de Saint François de Sales.

 

+ Joseph Card. Ratzinger
Préfet

  

+ Tarcisio Bertone, SDB
Archevêque émérite de Verceil
Secrétaire

 


 

[1]   En raison des tendances manifestées dans divers milieux et toujours plus présentes dans la pensée des fidèles eux-mêmes, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié la Déclaration “Dominus Jesus” sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise [AAS, 92 (2000) 742-765] pour protéger le donné essentiel de la foi catholique. La Notification s’inspire des principes indiqués dans cette Déclaration pour évaluer l’oeuvre de J. Dupuis.

 

[2]  Cf. CONC. DE TRENTE, Décr. De peccato originali: Denz. n. 1513; Décr. De iustificatione: Denz. nn. 1522; 1523; 1529; 1530. Cf. aussi CONC. VATICAN II, Const. past. Gaudium et spes, n.10; Const. dogm. Lumen gentium, nn. 8; 14; 28; 49; 60. Jean-Paul II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 5: AAS 83 (1991) 249-340; Exhort. apostol. Ecclesia in Asia, n. 14: AAS 92 (2000) 449-528; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, nn. 13-15.

 

[3] Cf. CONC. DE NICEE I: Denz. n. 125; CONC. DE CHALCEDOINE: Denz. n. 301.

 

[4] Cf. CONC. DE TRENTE, Décr. De iustificatione: Denz. nn. 1529; 1530. Cf. aussi CONC. VATICAN II, Const. lit. Sacrosantum Concilium, n. 5; Const. past. Gaudium et spes, n. 22.

 

[5] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 6; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 10.

 

[6] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Dei Verbum, nn. 2; 4; JEAN-PAUL II, Lettre enc. Fides et ratio, nn. 14-15; 92, AAS 91 (1999) 5-88;CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 5.

 

[7] Cf.CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 6; Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 65-66.

 

[8] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Lumen gentium, n.17; Décr. Ad gentes, n. 11; Décl. Nostra aetate, n. 2.

 

[9] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Lumen gentium, n.16; JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 10.

 

[10] Cf. CONC. VATICAN II, Const. past. Gaudium et spes, n. 22; JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, nn. 28-29.

 

[11] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 5; Exhort. apostol. Ecclesia in Asia, nn. 15-16; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 12.

 

[12] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Lumen gentium, nn. 9; 14; 17; 48; JEAN-PAUL II, Redemptoris missio, n. 11; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 16. 

 

[13] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 36; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, nn. 21-22.

 

[14] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Lumen gentium, nn. 13 et 16; Décr. Ad gentes, n. 7; Décl. Dignitatis humanae, n. 1; JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 10; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, nn. 20-22; Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 845.

 

[15] Cf. JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 29.

 

[16] Cf. CONC. VATICAN II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 16; Décl. Nostra aetate, n. 2; Décr. Ad gentes, n. 9; Cf. aussi PAUL VI, Exhort. apostol. Evangelii nuntiandi, n. 53: AAS 68 (1976) 5-76; JEAN-PAUL II, Lettre enc. Redemptoris missio, n. 55; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 8.

[17] Cf. CONC. DE TRENTE, Décr. De libris sacris et de traditionibus recipiendis: Denz. n. 1501; CONC. VATICAN I, Const. dogm. Dei Filius, chap. 2: Denz. n. 3006;CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Décl. Dominus Jesus, n. 8.

 

> Notification sur le livre du P. Jacques Dupuis, S.J., "Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux" - Page officielle du Saint-Siège

 

Jacques Dupuis, pluralisme religieux, iet, oecuménisme, enzo bianchi, walter kasper

jacques dupuis, pluralisme religieux, iet, oecuménisme, dialogue interreligieux, enzo bianchi, walter kasper

jacques dupuis, pluralisme religieux, oecuménisme, dialogue interreligieux, enzo bianchi, walter kasper, iet, éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf

jacques dupuis,pluralisme religieux,oecuménisme,dialogue interreligieux,enzo bianchi,walter kasper,iet,éditions du cerf