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31/12/2016

Mariage et "réforme ecclésiale" : une police de la pensée à l'Institut pontifical Jean-Paul II ?

 

L'Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille publie un "Vademecum pour une nouvelle pastorale familiale" édité par Ignatius Press, qui sera dans les librairies dès janvier 2017. Ce manuel écrit par trois éminents professeurs de l'Institut, José Granados, Stephan Kampowski et Juan-José Pérez-Soba, vise à clarifier un certain nombre de questions liées à la "pastorale de la famille" et aux controverses qui ont suivi la publication de l'exhortation Amoris Laetitia. L'ouvrage a déjà commencé à circuler parmi les évêques.

Fondé en 1981 par Jean-Paul II et par celui que le même Pape avait choisi pour en être le premier président, Carlo Caffara, à l'époque simple théologien et aujourd'hui l'un des quatre cardinaux auteurs des cinq 'dubia' pour la clarification de l'enseignement sur la morale conjugale et les sacrements, l'Institut a grandi et a essaimé dans le monde, avec une douzaine d'implantations sur les cinq continents, au service de l'enseignement de l'Église sur le mariage et la famille.

Mais étonnamment, aucun des professeurs de l'Institut n'a été invité à la première session du synode sur la famille en 2014 et un seul, le député José Granados, a reçu un créneau marginal lors de la deuxième session en 2015. À la mi-Août 2016, le Pape François a remplacé la majeure partie de la direction de l'Institut. Il a nommé comme nouveau grand-chancelier Mgr Vincenzo Paglia - le même qu'il a porté à la tête de l'Académie pontificale pour la vie - et comme nouveau doyen Mgr Pierangelo Sequeri.

Le président sortant, Livio Melina, un théologien respecté qui a travaillé sept ans sous la direction du Cardinal Joseph Ratzinger à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, continuera à enseigner à l'Institut Jean-Paul II. De même que les autres professeurs, certains d'entre eux de haute renommée, comme l'anthropologue polonais Stanislaw Grygiel et son épouse Monika, le philosophe du droit Francesco D'Agostino, le sociologue Sergio Belardinelli, le théologien et évêque Mgr Jean Laffitte, secrétaire sortant du Conseil pontifical pour la famille récemment dissout, et bien sûr les trois auteurs du «Vademecum» mentionné ci-dessus.

Cependant, il semblerait que leur travail et leur enseignement soit surveillé de près. C'est ce que suggère un avertissement anonyme aux airs de menace à peine voilée qui est parvenu par e-mail à chacun de ces professeurs. Voici reproduit textuellement ci-dessous le message reçu (en italien) le 10 novembre par chaque professeur de l'Institut.

 

Objet : Observation des études et de l'enseignement à l'Institut pontifical Jean-Paul II d'études sur le mariage et la famille

 

Cher Professeur

Institut pontifical Jean-Paul II d'études sur le mariage et la famille

Université Pontificale du Latran

Cité du Vatican

 

Ainsi que cela a déjà été fait et que cela se fait encore pour d'autres institutions pastorales, académiques et culturelles catholiques, notre “Observatoire pour la Réalisation de la Réforme Ecclésiale du Pape François” (OARCPF) – une initiative d'un groupe de laïcs catholiques en soutien au pontificat du pape François – a commencé pendant l'année académique en cours la surveillance du contenu des publications de la faculté et de l'enseignement dispensé à l'Institut pontifical Jean-Paul II d'études sur le mariage et la famille afin de mettre en évidence les adaptations ou les éventuelles divergences par rapport au discours prononcé par le pape François à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle année académique de votre Institut (Salle Clémentine, le 28 octobre 2016), au cours duquel vous avez été appelés à “soutenir la nécessaire ouverture de l'intelligence de la foi au service de la sollicitude pastorale du Successeur de Pierre.”

Les contenus des travaux publiés et des cours dispensés seront particulièrement pris en considération en référence aux dispositions de l'Exhortation apostolique “Amoris laetitia”, selon l'image “de l’Église telle qu'elle est, non pas d'une Église pensée selon sa propre image et ressemblance”, orientant la recherche et l'enseignement non plus vers “un idéal théologique trop abstrait du mariage, construit de façon presque artificielle, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles telles qu'elles sont” (Pape François, discours susmentionné, 28 octobre 2016).

À cette fin, nous ferons usage de la lecture analytique et critique des études publiées par les professeurs, des thèses de licence et de doctorat approuvées par l'Institut, des programmes de cours et de leurs bibliographies, ainsi que des entrevues avec les étudiants effectuées à la sortie des cours, sur la place en face de l'Université du Latran.

Certains que nous accomplissons une tâche utile pour améliorer le service que vous rendez avec dévouement à l'Église et au Saint-Père, nous veillerons à vous tenir informé des résultats de notre étude d'observation.

 

Observatoire pour la Réalisation de la Réforme Ecclésiale du Pape François (OARCPF) – Section de Rome

 

 

Une fois publiée, la lettre du fantomatique "Observatoire" a suscité de vives remous qui ont permis d'identifier ses auteurs, une poignée d'anciens étudiants, persuadés d’avoir œuvré de façon méritoire. Sans liens avec le Vatican, ni avec les nouveaux dirigeants de l'Institut qui ont même pris la chose très mal.

 

Sources : Sandro Magister et Rorate Caeli. Traduction : Espérance Nouvelle.

 

Note : Le message envoyé par ledit "Observatoire" date le discours du pape François au 28 octobre 2016. Ce discours a en réalité été prononcée le 27 octobre 2016.

 

13/02/2015

Lettre ouverte d'un Archevêque sur la crise de l'Église

L'auteur de cette lettre ouverte publiée en anglais sur Rorate Caeli est Mgr Jan Pawel Lenga, né en Ukraine, évêque émérite de Karaganda au Kazakhstan, qui a reçu le titre personnel d'Archevêque le 17 mai 2003.

Réflexions sur quelques problèmes actuels de la crise de l’Église catholique

archevêque Karaganda Jan Pawel LengaJ'ai eu l'expérience de vivre avec des prêtres qui étaient dans les prisons et les camps staliniens et qui sont néanmoins restés fidèles à l’Église. Pendant le temps de la persécution ils ont rempli avec amour leur devoir sacerdotal prêchant la doctrine catholique, menant une vie digne dans l'imitation du Christ, leur Maître du Ciel.

J'ai achevé mes études de prêtre dans un Séminaire clandestin en Union Soviétique. J'ai été ordonné prêtre dans le secret, pendant la nuit, par un pieux évêque qui avait lui-même souffert pour amour de la foi. Dans la première année de mon sacerdoce j'ai eu l'expérience d'être expulsé du Tadjikistan par le KGB.

Par la suite, pendant mes trente années de séjour au Kazakhstan, j'ai servi dix ans comme prêtre, ayant la charge des fidèles dans 81 localités. J'ai ensuite servi 20 ans comme évêque, dans un premier temps comme évêque de cinq États d'Asie Centrale, couvrant une aire totale d'environ quatre millions de kilomètres carrés (ndt : sur les 22 millions de l’URSS d’alors).

Pendant mon ministère d'évêque j'ai été en contact avec le Pape Saint Jean-Paul II, ainsi qu'avec de nombreux évêques, prêtres et fidèles en différents pays et en différentes circonstances. J'ai fait partie de quelques assemblées du Synode de Évêques au Vatican qui traitaient de sujets comme "Asie" et "Eucharistie".

Cette expérience, ainsi que d'autres, me donnent la compétence pour pouvoir exprimer mon opinion sur l'actuelle crise de l’Église Catholique. Ce sont mes convictions et elles sont dictées par mon amour de l’Église et par le désir d'un authentique renouveau dans le Christ. Je suis obligé de recourir à ce moyen public d'expression car je crains que toute autre méthode serait accueillie par un mur de silence et d'indifférence.

Je suis conscient des possibles réactions à cette lettre ouverte. Mais, en même temps, la voix de ma conscience ne me permet pas de rester en silence, alors que l'œuvre de Dieu est vilipendée. Jésus Christ a fondé l’Église Catholique et nous a montré en paroles et en action comment on doit accomplir la volonté de Dieu. Les apôtres à qui Il a conféré autorité dans l’Église, ont rempli avec zèle le devoir qu’Il leur a confié, souffrant pour l'amour de la vérité qu'il fallait prêcher, car ils "obéissaient à Dieu plutôt qu'aux hommes".

De nos jours, il est malheureusement de plus en plus en plus évident que le Vatican, à travers la Secrétairerie d’État, a pris le chemin du politiquement correct. Quelques Nonces sont devenus les propagateurs du libéralisme et du modernisme. Ils sont devenus experts dans le principe du "sub secreto Pontificio", par lequel on manipule et réduit au silence les voix des évêques. Ce que le Nonce affirme leur apparaît comme relevant presque certainement du désir du Pape. Avec de telles méthodes on sépare les évêques l'un de l'autre avec le résultat que les évêques d'un pays ne peuvent plus parler unanimement dans l'esprit du Christ et de Son Église, dans la défense de la foi et de la morale. Cela signifie qu’afin de ne pas tomber en disgrâce aux yeux du Nonce, certains évêques acceptent ses recommandations, qui sont parfois basées sur rien d'autre que ses propres paroles.
Au lieu de propager avec ardeur la foi, de prêcher avec courage la doctrine du Christ, et de se tenir fermes dans la défense de la vérité et de la morale, les rencontres des Conférences des Évêques traitent souvent de sujets étrangers à la nature des devoirs des successeurs des apôtres.

On peut observer à tous les niveaux de l’Église une baisse évidente du sens du "sacrum". L' "esprit du monde" nourrit les pasteurs. Les pécheurs donnent à l’Église les instructions sur la façon dont elle doit les servir. Dans l'embarras, les Pasteurs restent silencieux sur les problèmes courants et abandonnent les brebis tandis qu'ils se nourrissent eux-mêmes. Le monde est tenté par le diable et s'oppose à la doctrine du Christ. Et néanmoins les Pasteurs sont obligés d'enseigner toute la vérité sur Dieu et les hommes "à temps et à contretemps". [2me lettre à Timothée, 4:2]

Pendant le règne des derniers Papes, on a pu toutefois observer au sein de l’Église le plus grand désordre au sujet de la pureté de la doctrine et du caractère sacré de la liturgie, dans laquelle n'est pas accordé à Jésus Christ l'honneur visible qui lui est dû.
Dans plus d'une Conférence épiscopale, les meilleurs évêques sont considérés "persona non grata". Où sont les apologistes de nos jours, qui annonceraient aux hommes de manière claire et compréhensible la menace du risque de la perte de la foi et du salut?

De nos jours la voix de la majorité des évêques ressemble plutôt aux silence des agneaux face à des loups furieux, le fidèle est abandonné comme un troupeau sans défense. Le Christ a été reconnu par les hommes comme quelqu'un qui parlait et agissait, comme quelqu'un qui avait pouvoir et ce pouvoir il l'a donné à Ses apôtres. Dans le monde d'aujourd'hui les évêques doivent se libérer de tous liens mondains et, après avoir fait pénitence, se convertir au Christ afin que, renforcés par le Saint Esprit ils puissent annoncer le Christ comme le seul et unique Sauveur. On doit finalement rendre compte à Dieu de tout ce qui a été fait et de tout ce qui n'a pas été fait.

J'estime que la faible voix de nombreux évêques est une conséquence du fait que dans le processus de nomination des nouveaux évêques les candidats sont insuffisamment examinés au sujet de leur fermeté et courage dans la défense de la foi, au sujet de leur fidélité aux traditions séculaires de l'Eglise et de leur dévotion personnelle. En matière de nomination des nouveaux évêques et même des cardinaux il devient de plus en plus évident que la préférence est parfois donnée à ceux qui partagent une certaine idéologie ou à certains groupes étrangers à l'Eglise qui ont commissionné la désignation d'un candidat particulier. Par ailleurs il semble qu'on donne parfois considération aussi à la faveur des médias qui en général raillent les candidats saints en en donnant une image négative, tandis que les candidats qui possèdent en moindre degré l'esprit du Christ sont loués comme ouverts et modernes. Par ailleurs les candidats qui excellent en zèle apostolique, ont le courage de proclamer la doctrine du Christ et montrent amour pour tout ce qui est saint et sacré, sont délibérément éliminés.

Un Nonce m'a dit une fois: "Il est dommage que le Pape [Jean-Paul II] ne prenne pas part personnellement à la désignation des évêques. Le Pape a essayé de changer quelque chose dans la Curie Romaine, sans toutefois y réussir. Il devient âgé et les choses reviennent à l'habituelle méthode précédente".

Au début du pontificat du Pape Benoît XVI, je lui avais écrit une lettre l'implorant de nommer des évêques saints. Je lui avais rapporté l'histoire d'un laïc allemand qui face à la dégradation de l’Église dans son pays après le Concile Vatican II, était resté fidèle au Christ et rassemblait des jeunes pour l'adoration et la prière. Cet homme était proche de la mort et quand il apprit de l'élection du nouveau Pape il dit: "Quand le Pape Benoît aura utilisés son pontificat nommant des évêques dignes, bons et fidèles, il aura rempli sa mission".

Il est malheureusement évident que le Pape Benoît n'a souvent pas réussi dans cette matière.
Il est difficile de croire que le Pape Benoît ait renoncé librement à son ministère de successeur de Pierre. Le Pape Benoît était le chef de l’Église, son entourage toutefois a été loin de traduire en acte ses enseignements, les a souvent contournés dans le silence ou a même fait obstruction à ses initiatives pour une authentique réforme de l’Église, de la liturgie, de la manière d'administrer la Sainte Communion. Compte tenu du grand secret au Vatican, il était concrètement impossible pour de nombreux évêques d'aider le Pape dans son service de chef et gouverneur de toute l’Église.

Il n'est pas superflu de rappeler à mes frères dans l'épiscopat une affirmation de la part d'une loge maçonnique italienne en l'an 1820: "Notre œuvre est une œuvre de 100 ans. Laissons de côté des vieux et adressons nous aux jeunes. Les séminaristes deviendront des prêtres avec nos idées libérales. Ne nous berçons pas dans de faux espoirs, nous n'allons pas faire du Pape un maçon. Des évêques libéraux, toutefois, qui travailleront dans l'entourage du Pape, le conseilleront dans la tâche de gouverner l’Église et l'introduiront à des pensées et idées avantageuses pour nous, que le Pape mettra en acte."
Cette intention des Maçons est mise en acte de plus en plus ouvertement, pas seulement grâce aux ennemis déclarés de l’Église, mais avec la connivence de faux témoins qui occupent quelques offices dans la haute hiérarchie de l’Église. Ce n'est pas sans raison que le Bienheureux Pape Peul VI avait déclaré: "L'esprit de Satan est entré par une fissure dans l’Église". Je pense que cette fissure est devenue de nos jours tout à fait large et que le diable utilise toutes ses forces pour subvertir l’Église du Christ. Pour éviter cela, il est nécessaire de revenir à la proclamation précise et claire de l’Évangile à tous les niveaux du ministère ecclésiastique, car l’Église a tout le pouvoir et la grâce que le Christ lui a donné: "Tout le pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez et de toutes les nations faites des disciples. Apprenez leur à observer tout ce que je vous ai commandé: et moi je serai avec vous toujours jusqu'à la fin du monde." (Mt 28, 18-20), "La vérité vous rendra libres" (Jean 8, 32) et "que votre parole soit oui si c'est oui; non, si c'est non: ce qui est en plus vient du Mauvais" (Mt 5, 37).
L’Église ne peut pas s'adapter à l'esprit du monde, mais doit transformer le monde dans l'esprit du Christ.
Il est évident qu'au Vatican il y a une tendance à céder de plus en plus au bruit des médias. Il n'est pas rare qu'au nom d'une tranquillité incompréhensible, les meilleurs des fils et servants soient sacrifiés pour apaiser les médias. Et pourtant les ennemis de l’Église ne laissent pas tomber leurs fidèles serviteurs même lorsque leurs actions sont évidemment mauvaises.

Si nous souhaitons rester fidèles au Christ en parole et en acte, Il trouvera Lui-même le moyen de transformer les cœurs et les âmes des hommes et le monde lui aussi sera changé au moment approprié.

En des temps de crise de l’Église Dieu a souvent utilisé pour son vrai renouveau les sacrifices, les larmes et les prières de ces fils et serviteurs de l’Église qui aux yeux du monde et de la hiérarchie ecclésiastique étaient considérés insignifiants ou étaient persécutés et marginalisés à cause de leur fidélité au Christ.
Je crois qu'en notre temps difficile, cette loi du Christ se réalise et que l’Église se renouvelle grâce au fidèle renouveau intérieur de chacun de nous.

1er Janvier 2015, Solennité de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu
+ Jan Pawel Langa

 

(Rorate Caeli/Traduction:benoit-et-moi)