29/02/2016
"Lettres de mon moulin" : La conversion passe par la confession !
Tous les ans, à la Chandeleur les poètes provençaux publient en Avignon un joyeux petit livre rempli jusqu’aux bords de beaux vers et de jolis contes. Celui de cette année m’arrive à l’instant, et j’y trouve un adorable fabliau que je vais essayer de vous traduire en l’abrégeant un peu… Parisiens, tendez vos mannes. C’est de la fine fleur de farine provençale qu’on va vous servir cette fois…
L’abbé Martin était curé… de Cucugnan.
Bon comme le pain, franc comme l’on il aimait paternellement ses Cucugnanais ; pour lui, son Cucugnan aurait été le paradis sur terre, si les Cucugnanais lui avaient donné un peu plus de satisfaction. Mais, hélas ! les araignées filaient dans son confessionnal, et, le beau jour de Pâques, les hosties restaient au fond de son saint ciboire.
Le bon prêtre en avait le coeur meurtri, et toujours il demandait à Dieu la grâce de ne pas mourir avant d’avoir ramené au bercail son troupeau dispersé.
Or, vous allez voir que Dieu l’entendit.
Un dimanche, après l’Évangile, M. Martin monta en chaire.
– Mes frères, dit-il, vous me croirez si vous voulez : l’autre nuit, je me suis trouvé, moi misérable pécheur, à la porte du paradis.
« Je frappai : saint Pierre m’ouvrit !
«- Tiens ! c’est vous, mon brave monsieur Martin, me fuit ; quel bon vent… ? et qu’y a-t-il pour votre service ?
«- Beau saint Pierre, vous qui tenez le grand livre et la clef, pourriez-vous me dire, si je ne suis pas trop curieux, combien vous avez de Cucugnanais en paradis ?
«- Je n’ai rien à vous refuser, monsieur Martin ; asseyez-vous, nous allons voir la chose ensemble.
« Et saint Pierre prit son gros livre, l’ouvrit, mit ses besicles :
«- Voyons un peu : Cucugnan, disons-nous. Cu… Cu… Cucugnan. Nous y sommes. Cucugnan… Mon brave monsieur Martin, la page est toute blanche. Pas une âme… Pas plus de Cucugnanais que d’arêtes dans une dinde.
«- Comment ! Personne de Cucugnan ici ? Personne ? Ce n’est pas possible ! Regardez mieux…
«- Personne, saint homme. Regardez vous-même si vous croyez que je plaisante.
« Moi, pécaïre!,je frappais des pieds, et les mains jointes, je criais miséricorde.
Alors, saint Pierre :
«- Croyez-moi, monsieur Martin, il ne faut pas ainsi vous mettre le coeur à l’envers, car vous pourriez en avoir quelque mauvais coup de sang. Ce n’est pas votre faute, après tout. Vos Cucugnanais, voyez-vous, doivent faire à coup sûr leur petite quarantaine en purgatoire.
«- Ah ! par charité, grand saint Pierre! faites que je puisse au moins les voir et les consoler
«- Volontiers, mon ami… Tenez, chaussez vite ces sandales, car les chemins ne sont pas beaux de reste… Voilà qui est bien… Maintenant, cheminez droit devant vous. Voyez-vous là-bas, au fond, en tournant ? Vous trouverez une porte d’argent toute constellée de croix noires… à main droite… Vous frapperez, on vous ouvrira… Adessias ! Tenez-vous sain et gaillardet.
« Et je cheminai… je cheminai ! Quelle battue! j’ai la chair de poule, rien que d’y songer. Un petit sentier, plein de ronces, d’escarboucles qui luisaient et de serpents qui sifflaient, m’amena jusqu’à la porte d’argent.
«- Pan ! pan !
«- Qui frappe ? me fait une voix rauque et dolente.
«- Le curé de Cucugnan.
«- De… ?
«- De Cucugnan.
«- Ah !… Entrez.
« J’entrai. Un grand bel ange, avec des ailes sombres comme la nuit, avec une robe resplendissante comme le jour, avec une clef de diamant pendue à sa ceinture, écrivait, cra-cra, dans un grand livre plus gros que celui de saint Pierre…
«- Finalement, que voulez-vous et que demandez-vous ? dit l’ange.
«- Bel ange de Dieu, je veux savoir, – je suis bien curieux peut-être, – si vous avez ici les Cucugnanais.
«- Les… ?
«- Les Cucugnanais, les gens de Cucugnan… que c’est moi qui suis leur prieur.
«- Ah ! I’abbé Martin, n’est-ce pas ?
«- Pour vous servir monsieur l’ange.
«- Vous dites donc Cucugnan…
« Et l’ange ouvre et feuillette son grand livre, mouillant son doigt de salive pour que le feuillet glisse mieux…
«- Cucugnan, dit-il en poussant un long soupir… Monsieur Martin, nous n’avons en purgatoire personne de Cucugnan.
«- Jésus! Marie! Joseph! personne de Cucugnan en purgatoire ! ô grand Dieu ! où sont-ils donc ?
«- Eh ! saint homme, ils sont en paradis. Où diantre voulez-vous qu’ils soient ?
«- Mais j’en viens, du paradis…
«- Vous en venez ! !… Eh bien ?
«- Eh bien ! ils n’y sont pas !… Ah ! bonne. mère des anges !…
«- Que voulez-vous, monsieur le curé ! s’ils ne sont ni en paradis ni en purgatoire, il n’y a pas de milieu, ils sont…
«- Sainte croix ! Jésus, fils de David ! Aï! aï! aï! est-il possible?… Serait-ce un mensonge du grand saint Pierre ?… Pourtant je n’ai pas entendu chanter le coq !… Aï! pauvres nous ! Comment irai-je en paradis si mes Cucugnanais n’y sont pas ?
«- Écoutez, mon pauvre monsieur Martin, puisque vous voulez, coûte que coûte, être sûr de tout ceci, et voir de vos yeux de quoi il retourne, prenez ce sentier, filez en courant, si vous savez courir… Vous trouverez, à gauche, un grand portail. Là, vous vous renseignerez sur tout. Dieu vous le donne !
« Et l’ange ferma la porte.
« C’était un long sentier tout pavé de braise rouge. Je chancelais comme si j’avais bu ; à chaque pas, je trébuchais ; j’étais tout en eau, chaque poil de mon corps avait sa goutte de sueur, et je haletais de soif… Mais, ma foi, grâce aux sandales que le bon saint Pierre m’avait prêtées, je ne me brûlais pas les pieds.
« Quand j’eus fait assez de faux pas clopin-clopant, je vis à ma main gauche une porte… non, un portail, un énorme portail, tout bâillant, comme la porte d’un grand four Oh ! mes enfants, quel spectacle ! Là, on ne demande pas mon nom ; là, point de registre. Par fournées et à pleine porte, on entre là, mes frères, comme le dimanche vous entrez au cabaret. « Je suais à grosses gouttes, et pourtant j’étais transi, j’avais le frisson. Mes cheveux se dressaient. Je sentais le brûlé, la chair rôtie, quelque chose comme l’odeur qui se répand dans notre Cucugnan quand Éloy, le maréchal, brûle pour la ferrer la botte d’un vieil âne. Je perdais haleine dans cet air puant et embrasé ; j’entendais une clameur horrible, des gémissements, des hurlements et des jurements.
«- Eh bien, entres-tu ou n’entres-tu pas, toi ? – me fait, en me piquant de sa fourche, un démon cornu.
«- Moi ? Je n’entre pas. Je suis un ami de Dieu.
«- Tu es un ami de Dieu… Eh ! b… de teigneux ! que viens-tu faire ici ?…
«- Je viens… Ah ! ne m’en parlez pas, que je ne puis plus me tenir sur mes jambes… Je viens… je viens de loin… humblement vous demander… si… si, par coup de hasard… vous n’auriez pas ici… quelqu’un… quelqu’un de Cucugnan…
– Ah ! feu de Dieu ! tu fais la bête, toi, comme si tu ne savais pas que tout Cucugnan est ici. Tiens, laid corbeau, regarde, et tu verras comme nous les arrangeons ici, tes fameux Cucugnanais…
« Et je vis, au milieu d’un épouvantable tourbillon de flamme :
« Le long Coq-Galine,
– vous l’avez tous connu, mes frères,
– Coq-Galine, qui se grisait si souvent, et si souvent secouait les puces à sa pauvre Clairon.
« Je vis Catarinet… cette petite gueuse… avec son nez en l’air… qui couchait toute seule à la grange… Il vous en souvient, mes drôles !… Mais passons, j’en ai trop dit.
« Je vis Pascal Doigt-de-Poix, qui faisait son huile avec les olives de M. Julien.
« Je vis Babet la glaneuse, qui, en glanant, pour avoir plus vite noué sa gerbe, puisait à poignées aux gerbiers.
« Je vis maître Grapasi, qui huilait si bien la roue de sa brouette. « Et Dauphine, qui vendait si cher l’eau de son puits.
« Et le Tortillard, qui, lorsqu’il me rencontrait portant le bon Dieu, filait son chemin, la barrette sur la tête et la pipe au bec… et fier comme Artaban… comme s’il avait rencontré un chien.
« Et Coulau avec sa Zette, et Jacques et Pierre, et Toni… »
Ému, blême de peur, l’auditoire gémit, en voyant, dans l’enfer tout ouvert, qui son père et qui sa mère, qui sa grand-mère et qui sa soeur…
– Vous sentez bien, mes frères, reprit le bon abbé Martin, vous sentez bien que ceci ne peut pas durer. J’ai charge d’âmes, et je veux, je veux vous sauver de l’abîme où vous êtes tous en train de rouler tête première. Demain je me mets à l’ouvrage, pas plus tard que demain. Et l’ouvrage ne manquera pas ! Voici comment je m’y prendrai. Pour que tout se fasse bien, il faut tout faire avec ordre. Nous irons rang par rang, comme à Jonquières quand on danse.
« Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. Ce n’est rien.
« Mardi, les enfants. J’aurai bientôt fait.
« Mercredi, les garçons et les filles. Cela pourra être long.
« Jeudi, les hommes. Nous couperons court.
« Vendredi, les femmes. Je dirai : Pas d’histoires !
« Samedi, le meunier !… Ce n’est pas trop d’un jour pour lui tout seul…
« Et, si dimanche nous avons fini, nous serons bien heureux.
« Voyez-vous, mes enfants, quand le blé est mûr il faut le couper ; quand le vin est tiré, il faut le boire. Voilà assez de linge sale, il s’agit de le l’aven et de le bien laver.
« C’est la grâce que je vous souhaite. Amen ! »
Ce qui fut dit fut fait. On coula la lessive. Depuis ce dimanche mémorable, le parfum des vertus de Cucugnan se respire à dix lieues à l’entour.
Et le bon pasteur M. Martin, heureux et plein d’allégresse, a rêvé l’autre nuit que, suivi de tout son troupeau, il gravissait, en resplendissante procession, au milieu des cierges allumés, d’un nuage d’encens qui embaumait et des enfants de choeur qui chantaient Te Deum, le chemin éclairé de la cité de Dieu.
Et voilà l’histoire du curé de Cucugnan, telle que m’a ordonné de vous le dire ce grand gueusard de Roumanille, qui la tenait lui-même d’un autre bon compagnon.
Source : Daudet, A. Lettre de mon Moulin
08:00 Publié dans Religion | Tags : alphonse daudet, conversion, curé de cucugnan, enfer, lettres de mon moulin, littérature, paradis, purgatoire | Lien permanent | Commentaires (0)
26/11/2015
Pierre Lestienne, poète de la famille
Né à Roubaix, le 5 septembre 1872, le poète des Étincelles du foyer a mené dans sa ville natale l'existence la plus unie, la plus calme, la plus modérée en ses désirs, celle d'un sage qui serait un chrétien. Nuls événements que les naissances des enfants, - le poète, qui en eut seize, fut à juste titre vice-président de "La plus grande famille" - et que la conduite de ses affaires, - il est industriel. Ce qu'une telle vie, cependant, comporte en fin de compte, de résultats en tout genre, d’utilités profondes, d'enseignements, de grave beauté, on l'entrevoit assez.
Pendant la guerre qui signifia invasion pour nos foyers du Nord , - les plus peuplés cependant - des documents officiels de propagande française reproduisirent la photographie du poète au centre de sa famille, et c'est bien; mais il eût fallu y joindre quelques-uns au moins de ces sonnets, où, comme le fit Plantin au XVIe siècles, il a chanté le vrai bonheur de ce monde.
Peu de poètes à l'heure actuelle nourrissent une pensée aussi élevée que M. Pierre Lestienne; peu aussi ont sa modestie, car c'est en 1925, seulement, qu'il s'est résolu à publier Les Étincelles du foyer (Cahiers de l'Amitié de France et de Flandre). Plusieurs de ses poésies, il est vrai, parues dans Le Correspondant, lui avaient déjà valu des amitiés telles que celle de René Bazin, et avaient porté déjà aux quatre coins de la France comme un écho de la cloche joyeuse des baptêmes.
A mon dixième enfant…
Maintenant qu’il est né, le fils de notre amour,
Qu’une goutte de lait perle sa lèvre rose,
Que la mère a souri dès qu’il a vu le jour,
Que ma crainte s’apaise et que mon cœur repose,
Il me monte un orgueil de nos dix têtes blondes,
Car l’honneur est sublime, à qui sait le comprendre,
De recevoir ainsi, du Créateur des mondes,
Tant de fronts à bénir, tant d’âmes à lui rendre !
Et puis, il nous paraît qu’au-dessus des berceaux
Blancs et silencieux, comme de grands oiseaux,
Les anges du bonheur, se penchent côte à côte ;
Et de les savoir là, nous nous sentons plus forts,
C’est pourquoi je rends grâce au Chérubin, mon hôte,
A mon dixième enfant, au nouveau-né qui dort…
Amour vrai
Que ton repos est calme, et que ton front est pur,
O mon amie, à l'heure sainte où la nuit règne,
Où la veilleuse fait des ombres sur le mur
Et prête un peu de vie au crucifix qui saigne.
Dans la chambre attiédie aux contours imprécis,
Je sens qu'en ton sommeil tu penches tout ton être
Sur mon épaule, et que, comme les tout petits,
En dormant, ton amour sait encore me connaître.
Les enfants se sont tus, et la chère maison
Est muette, et le jardin vide de floraison
Prends des teintes d'argent sous les rayons de lune.
Tu dors, et tu souris quand je te dis tout bas
Que ta vie est ma vie, et que nulle infortune
Ne saurait me trouver qui ne t'effleure pas.
Noces d'argent
Depuis les vingt-cinq ans que j'ai franchi ton seuil,
Et que j'ai vu ton front s'orner de tant de choses,
Depuis que, méprisant la vanité des choses,
En ton bonheur fécond j'ai mis mon seul orgueil,
Mon coeur n'a plus voulu s'ouvrir à d'autre accueil,
Et je sais qu'en moi seul aussi tu te reposes;
Maintenant qu'au-dessus de cieux clairs ou moroses,
Notre amour a grandi jusqu'aux cimes du deuil,
Que nos joies ont pour lui moins de prix que nos larmes,
Et qu'à l'angoisse même il a prêté des charmes,
Ne craignons plus de voir notre été s'achever :
L'âme garde en nos yeux sa lueur immortelle,
Et la tienne y scintille ardente, douce, et telle
Qu'à l'aube de l'hymen je n'osais la rêver !...
A mes fils…
D’un pas délibéré, mon fils, va ton chemin ;
Sache peser un acte et regarder en face
Le devoir qui grandit, près du plaisir qui lasse ;
Quand tu donnes, souris, et tends aussi la main.
Si tu possèdes peu, ne désire plus rien…
Trop souvent la richesse a fait sombrer la race ;
Aime plutôt l’effort, garde ton bras vivace,
Et qu’autour de ton nom flotte un parfum chrétien.
Veux-tu, sous le fardeau, n’être jamais vulgaire ?
Ne marche pas, courbé, les yeux fixés à terre
Comme un morne valet de la réalité ;
Mais sur ton front levé, quand la labeur s’achève,
En abreuvant ton âme aux sources de beauté,
Laisse passer un peu d’idéal et de rêve !
Les mains maternelles
Il faut les vénérer, les chères mains, fidèles
Et le jour et la nuit à leur devoir obscur,
Instruments délicats de l'amour le plus pur,
Tendres mains maternelles !
Sur le front de nos fils, ô les mains bénissantes
Que ne surchargent point d'inutiles anneaux !
Vous dominez le monde en poussant les berceaux,
Frêles mains si puissantes !
Mains pâles des mamans où se lit leur souffrance,
Où la plus mince veine inscrit son bleu réseau,
Laissez-nous vous baiser comme on baise un drapeau,
Mains pleines d'espérance !
Quand l'angoisse saisit nos âmes défaillantes,
Ou que notre horizon par degrés s'embrunit,
C'est vous qui vous rendez vers l'azur infini,
Nobles mains suppliantes !
O mères, patients sculpteurs des jeunes âmes,
C'est au creux de vos mains, comme en des nids charmants,
Que viennent se blottir les petits coeurs aimants,
O douces mains des femmes !
Tandis que trop de mains, pour rester les plus belles,
D'un geste criminel repoussent les enfants,
Vous cultivez les fleurs de nos futurs printemps,
Vous, les mains maternelles.
Et le grand jour venu, seules vos mains vaillantes,
Vos fières mains sans tache, ô les mères sans peur,
Oseront sans remords étreindre du vainqueur
Les rudes mains sanglantes
(écrit pendant la guerre)
Source : Les poètes de la famille. Du XVI au XXe siècle. Casterman. Paris - Tournai. s.d.
12:00 Publié dans Culture et société, Famille | Tags : poésie française, littérature, famille, famille chrétienne, famille nombreuse, foyer chrétien | Lien permanent | Commentaires (0)
05/05/2015
La Vierge à midi - Paul Claudel
Pendant le mois de mai, dédié à la Sainte Vierge, Espérance Nouvelle vous propose chaque jour un texte ou un cantique en son honneur.
Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n'ai rien à offrir et rien à demander,
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
Midi !
Etre avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu'on a le coeur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,
Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.
Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme, l'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir les larmes accumulées,
Parce que vous m'avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu'elle aussi, comme moi, pour vous, fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu'à l'heure où tout craquait, c'est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu'il est midi, Parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
Parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
Claudel, P. Ecoute ma Fille. s.l, Gallimard. 1934. 42-43.
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08:29 Publié dans Culture et société, Religion, Saints | Tags : mois de mai, mois de marie, paul claudel, littérature, vierge marie, espérance, prier, aimer, église, merci | Lien permanent | Commentaires (0)
21/12/2014
21 décembre, la fête de Saint Thomas
Comme un homme qui ne commence pas à bâtir avant que tout l'argent soit réuni,
Comme un prince qui ne déclare pas la guerre avec vingt mille hommes quand il en a cent mille contre lui,
Ainsi Thomas qui laisse l'Évangile (et l'année), presque tout, finir avant que son nom s'y trouve.
Et certes il suit Jésus, ne dit rien, mais l'on ne voit pas qu'il approuve,
Jusqu'à ce qu'il s'avance, tout-à-coup (un peu avant que le calendrier soit fini),
Et crie violemment aux autres : « Allons et mourons tous avec Lui ! »
Mais, Seigneur, cependant pour moi c'est une grande chose que de mourir !
C'est une grande chose que d'être Votre Apôtre et cependant je suis prêt à consentir.
Je suis prêt à croire ce que Vous dites, à la condition que ce soit sûr,
Je suis prêt terriblement à m'ouvrir si Vous savez porter dans ce cœur dur,
Plus dur qu'une souche de chêne et qu'un bois serré de châtaignier,
La hache et le coup si profond que le fer y reste enfoncé !
Et je veux bien mourir, mais c'est à la condition
Que Vous mouriez le premier et que toute la Passion,
Toute sans qu'il y manque rien soit consommée, et que de nouveau Vous soyez là,
Ressuscité de la tombe, et que Vous médisiez : Thomas !
Je veux bien Vous croire, Seigneur, et faire ce que Vous voulez,
Si Vous souffrez que je sois un moment dans les trous de Vos mains et de Vos pieds.
Et je dirai que c'est Vous et que Vous êtes mon Dieu et mon Seigneur,
Si Vous me laissez Vous toucher et mettre la main dans Votre cœur !
Paul Claudel,
autres textes de Paul Claudel :
16:43 Publié dans Culture et société, Saints | Tags : saint thomas, conversion, croire, plaies du christ, paul claudel, littérature, poème | Lien permanent | Commentaires (0)