08/11/2014
8 novembre, l'Eglise fête le bienheureux Jean Duns Scott
Jean naît en Ecosse en 1266. Il sentre au couvent franciscain de Dumfries. Devenu prêtre, il enseigne la théologie à Oxford. Sa grande intelligence le fait surnommer par ses élèves "docteur subtil". Après un passage à Cambridge comme professeur, il est envoyé à Paris en 1302 où il enseigne à l'université de Paris comme bachelier. Les universités connaissent, peu de temps après, une grave crise suite à la querelle entre le roi Philippe le Bel et le pape Boniface VIII. Pour entretenir ses armées en guerre contre l'Angleterre, Philippe taxe les biens de l'Église. Le pape Boniface lui répond par une excommunication. Le roi essaye alors de réunir un concile pour le déposer mais Jean, aidé de 80 frères, s'oppose à ce manifeste anti-papal. Refus qui le force à prendre le chemin de l'exil. Il rentre en France en 1305 après la mort du pape Boniface. Il passe le reste de sa vie à défendre la doctrine de l'Immaculée Conception de Marie, ce qui lui amène de nombreux ennemis. Il rejoint l'université de Cologne où il meurt à l'âge de 42 ans, laissant des écrits de grande richesse. Il sera béatifié par Jean-Paul II en 1993.
(Parole et Prière, nov 2014, p. 109.)
Extraits de l'audience générale de Benoît XVI dédiée au bienheureux :
Chers frères et sœurs, ce fait nous invite à rappeler combien de fois, dans l’histoire de l'Eglise, les croyants ont rencontré l'hostilité et même subi des persécutions à cause de leur fidélité et de leur dévotion à l'égard du Christ, de l'Eglise et du Pape. Nous tous regardons avec admiration ces chrétiens qui nous enseignent à conserver comme un bien précieux la foi dans le Christ et la communion avec le Successeur de Pierre et, ainsi, avec l'Eglise universelle.
[...]
Il a avant tout médité sur le Mystère de l'Incarnation et, à la différence de beaucoup de penseurs chrétiens de l'époque, il a soutenu que le Fils de Dieu se serait fait homme même si l'humanité n'avait pas péché. Il affirme dans la «Reportata Parisiensa»: «Penser que Dieu aurait renoncé à une telle œuvre si Adam n'avait pas péché ne serait absolument pas raisonnable! Je dis donc que la chute n'a pas été la cause de la prédestination du Christ et que — même si personne n'avait chuté, ni l'ange ni l'homme — dans cette hypothèse le Christ aurait été encore prédestiné de la même manière» (in III Sent., d. 7, 4). Cette pensée, peut-être un peu surprenante, naît parce que pour Duns Scot l'Incarnation du Fils de Dieu, projetée depuis l'éternité par Dieu le Père dans son plan d'amour, est l'accomplissement de la création, et rend possible à toute créature, dans le Christ et par son intermédiaire, d'être comblée de grâce, et de rendre grâce et gloire à Dieu dans l'éternité. Même s'il est conscient qu’en réalité, à cause du péché originel, le Christ nous a rachetés à travers sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, Duns Scot réaffirme que l'Incarnation est l’œuvre la plus grande et la plus belle de toute l'histoire du salut, et qu'elle n'est conditionnée par aucun fait contingent, mais qu’elle est l'idée originelle de Dieu d'unir en fin de compte toute la création à lui-même dans la personne et dans la chair du Fils.
Fidèle disciple de saint François, Duns Scot aimait contempler et prêcher le Mystère de la Passion salvifique du Christ, expression de la volonté d'amour, qui communique avec une très grande générosité en dehors de lui les rayons de sa bonté et de son amour (cf. Tractatus de primo principio, c. 4). Et cet amour ne se révèle pas seulement sur le Calvaire, mais également dans la Très Sainte Eucharistie, pour laquelle Duns Scot avait une très grande dévotion et qu’il voyait comme le sacrement de la présence réelle de Jésus et comme le sacrement de l’unité et de la communion qui conduit à nous aimer les uns les autres et à aimer Dieu comme le Bien commun suprême (cf. Reportata Parisiensa, in IV Sent., d. 8, q. 1, n. 3). « Et, — ainsi que je l'écrivais dans ma Lettre à l'occasion du Congrès international de Cologne pour le VIIème centenaire de la mort du bienheureux Duns Scot, rapportant la pensée de notre auteur — comme cet amour, cette charité, fut au commencement de tout, de même aussi dans l'amour et dans la charité seulement sera notre béatitude: "le vouloir ou la volonté d'amour est simplement la vie éternelle, bienheureuse et parfaite" » (AAS 101 [2009], 5).
Chers frères et sœurs, cette vision théologique, fortement «christocentrique», nous ouvre à la contemplation, à l’émerveillement et à la gratitude: le Christ est le centre de l’histoire et de l’univers, il est Celui qui donne un sens, une dignité et une valeur à notre vie! Comme le Pape Paul VI à Manille, je voudrais moi aussi aujourd’hui crier au monde: «[Le Christ] est celui qui nous a révélés le Dieu invisible, il est le premier né de toute créature, il est le fondement de toute chose; Il est le Maître de l’humanité et le rédempteur; Il est né, il est mort, il est ressuscité pour nous; Il est le centre de l’histoire et du monde; Il est Celui qui nous connaît et qui nous aime; Il est le compagnon et l’ami de notre vie... Je n’en finirais plus de parler de Lui» (Homélie, 29 novembre 1970; cf. ORLF n. 50 du 11 décembre 1970).
Non seulement le rôle du Christ dans l’histoire du salut, mais également celui de Marie est l’objet de la réflexion du Doctor subtilis. A l’époque de Duns Scot, la majorité des théologiens opposait une objection, qui semblait insurmontable, à la doctrine selon laquelle la très Sainte Vierge Marie fut préservée du péché originel dès le premier instant de sa conception: en effet, l’universalité de la Rédemption opérée par le Christ, à première vue, pouvait apparaître compromise par une telle affirmation, comme si Marie n’avait pas eu besoin du Christ et de sa [R]édemption. C’est pourquoi les théologiens s’opposaient à cette thèse. Alors, Duns Scot, pour faire comprendre cette préservation du péché originel, développa un argument qui sera ensuite adopté également par le Pape Pie IX en 1854, lorsqu’il définit solennellement le dogme de l’Immaculée Conception de Marie. Et cet argument est celui de la «Rédemption préventive», selon laquelle l’Immaculée Conception représente le chef d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ, parce que précisément la puissance de son amour et de sa médiation a fait que sa Mère soit préservée du péché originel. Marie est donc totalement rachetée par le Christ, mais avant même sa conception. Les Franciscains, ses confrères, accueillirent et diffusèrent avec enthousiasme cette doctrine, et d’autres théologiens — souvent à travers un serment solennel — s’engagèrent à la défendre et à la perfectionner.
A cet égard, je voudrais mettre en évidence un fait qui me paraît très important. Des théologiens de grande valeur, comme Duns Scot en ce qui concerne la doctrine sur l’Immaculée Conception, ont enrichi de la contribution spécifique de leur pensée ce que le Peuple de Dieu croyait déjà spontanément sur la Bienheureuse Vierge, et manifestait dans les actes de piété, dans les expressions artistiques et, en général, dans le vécu chrétien. Ainsi, la foi tant dans l’Immaculée Conception que dans l’Assomption corporelle de la Vierge, était déjà présente chez le Peuple de Dieu, tandis que la théologie n’avait pas encore trouvé la clé pour l’interpréter dans la totalité de la doctrine de la foi. Le Peuple de Dieu précède donc les théologiens, et tout cela grâce au sensus fidei surnaturel, c’est-à-dire à la capacité dispensée par l’Esprit Saint, qui permet d’embrasser la réalité de la foi, avec l’humilité du cœur et de l’esprit. Dans ce sens, le Peuple de Dieu est un «magistère qui précède», et qui doit être ensuite approfondi et accueilli intellectuellement par la théologie. Puissent les théologiens se placer toujours à l’écoute de cette source de la foi et conserver l’humilité et la simplicité des petits! Je l’avais rappelé il y a quelques mois en disant: «Il y a de grands sages, de grands spécialistes, de grands théologiens, des maîtres de la foi, qui nous ont enseigné de nombreuses choses. Ils ont pénétré dans les détails de l'Ecriture Sainte, [...] mais ils n'ont pas pu voir le mystère lui-même, le véritable noyau [...] L'essentiel est resté caché! [...] En revanche, il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous; à sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible “non scientifique”, mais qui entre dans le cœur de l'Ecriture Sainte» (Homélie lors de la Messe avec les membres de la Commission théologique internationale, 1er décembre 2009; cf. ORLF n. 49 du 8 décembre 2009).
Enfin, Duns Scot a développé un point à l’égard duquel la modernité est très sensible. Il s’agit du thème de la liberté et de son rapport avec la volonté et avec l’intellect. Notre auteur souligne la liberté comme qualité fondamentale de la volonté, en commençant par un raisonnement qui valorise le plus la volonté. Malheureusement, chez des auteurs qui ont suivi le notre, cette ligne de pensée se développa dans un volontarisme en opposition avec ce qu’on appelle l’intellectualisme augustinien et thomiste. Pour saint Thomas d’Aquin, qui suit saint Augustin, la liberté ne peut pas être considérée comme une qualité innée de la volonté, mais comme le fruit de la collaboration de la volonté et de l’intellect. Une idée de la liberté innée et absolue — comme justement elle évolue après Duns Scot — située dans la volonté qui précède l’intellect, que ce soit en Dieu ou dans l’homme, risque en effet de conduire à l’idée d’un Dieu qui ne ne serait même pas lié à la vérité et au bien. Le désir de sauver la transcendance absolue et la différence de Dieu par une accentuation aussi radicale et impénétrable de sa volonté ne tient pas compte du fait que le Dieu qui s’est révélé en Christ est le Dieu «logos», qui a agi et qui agit rempli d’amour envers nous. Assurément, comme l’affirme Duns Scot dans le sillage de la théologie franciscaine, l’amour dépasse la connaissance et est toujours en mesure de percevoir davantage que la pensée, mais c’est toujours l’amour du Dieu «logos» (cf. Benoît XVI, Discours à Ratisbonne, Insegnamenti di Benedetto XVI, II [2006], p. 261; cf. ORLF n. 38 du 19 septembre 2006). Dans l’homme aussi, l’idée de liberté absolue, située dans sa volonté, en oubliant le lien avec la vérité, ignore que la liberté elle-même doit être libérée des limites qui lui viennent du péché. De toute façon, la vision scotiste ne tombe pas dans ces extrêmes: pour Duns Scot un acte libre découle du concours d'un intellect et d'une volonté et s'il parle d'un « primat » de la volonté, il l'argumente exactement parce que la volonté suit toujours l'intellect.
[...]
Chers frères et sœurs, le bienheureux Duns Scot nous enseigne que dans notre vie l’essentiel est de croire que Dieu est proche de nous et nous aime en Jésus Christ, et donc de cultiver un profond amour pour lui et son Eglise. Nous sommes les témoins de cet amour sur cette terre. Que la Très Sainte Vierge Marie nous aide à recevoir cet amour infini de Dieu dont nous jouirons pleinement pour l’éternité dans le Ciel, lorsque finalement notre âme sera unie pour toujours à Dieu, dans la communion des saints.
> Lire le texte de l'audience générale dans son intégralité sur le site officiel du Saint-Siège
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02/11/2014
La vie de Padre Pio de Pietrelcina
Après avoir regardé ce film biographique sur Saint Pio de Pietrelcina, vous ne verrez plus votre vie ni les événements du monde et de l’Église de la même manière. Un grand film d'évangélisation et de conversion, tant pour ceux qui sont loin de l’Église que pour les plus pratiquants. "Padre Pio", tourné en 2008, est largement inspiré des écrits d'Emanuele Brunatto.
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01/11/2014
Toussaint
SOLENNITÉ DE TOUS LES SAINTS
Homélie du Pape Benoît XVI
Basilique Vaticane
(Mercredi 1er novembre 2006)
Chers frères et sœurs,
La Sainte Messe s'est ouverte par l'exhortation « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur ». La liturgie nous invite à partager l'exultation céleste des saints, à en goûter la joie. Les saints ne constituent pas une caste restreinte d'élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite aujourd'hui à élever le regard. Dans cette multitude, il n'y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d'accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d'entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.
Aujourd'hui, l'Église fête sa dignité de mère des saints, image de la cité céleste (A. Manzoni), et manifeste sa beauté d'épouse immaculée du Christ, source et modèle de toute sainteté. Elle ne manque certes pas de fils contestataires et rebelles, mais c'est dans les saints qu'elle reconnaît ses traits caractéristiques, et c'est précisément en eux qu'elle goûte sa joie la plus profonde. Dans la première Lecture, l'auteur du Livre de l'Apocalypse les décrit comme « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7, 9). Ce peuple comprend les saints de l'Ancien Testament, à partir d'Abel le juste et du fidèle Patriarche Abraham, ceux du Nouveau Testament, les nombreux martyrs du début du christianisme, les bienheureux et saints des siècles successifs, jusqu'aux témoins du Christ de notre époque. Ils sont tous unis par la volonté d'incarner l'Évangile dans leur existence, sous l'impulsion de l'éternel animateur du Peuple de Dieu qu'est l'Esprit Saint.
Mais « à quoi sert notre louange aux saints, à quoi sert notre tribut de gloire, à quoi sert cette solennité elle-même ? ». C'est par cette question que commence une célèbre homélie de saint Bernard pour le jour de la Toussaint. C'est une question que nous pourrions nous poser également aujourd'hui. Et la réponse que le saint nous donne est tout aussi actuelle : « Nos saints - dit-il - n'ont pas besoin de nos honneurs et ils ne reçoivent rien de notre culte. Pour ma part, je dois confesser que, lorsque je pense aux saints, je sens brûler en moi de grands désirs » (Disc. 2; Opera Omnia Cisterc. 5, 364sqq). Telle est donc la signification de la solennité d'aujourd'hui : en regardant l'exemple lumineux des saints, réveiller en nous le grand désir d'être comme les saints : heureux de vivre proches de Dieu, dans sa lumière, dans la grande famille des amis de Dieu. Être saint signifie : vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous, répétée avec vigueur par le Concile Vatican II, et reproposée aujourd'hui de façon solennelle à notre attention.
Mais comment pouvons-nous devenir saints, amis de Dieu ? On peut répondre à cette interrogation tout d'abord par une négation : pour être saint, il n'est pas nécessaire d'accomplir des actions et des œuvres extraordinaires, ni de posséder des charismes exceptionnels. On peut ensuite répondre par une affirmation : il est nécessaire avant tout d'écouter Jésus, et de le suivre sans se décourager face aux difficultés. « Si quelqu'un me sert - nous avertit-Il - qu'il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera » (Jn 12, 26). Celui qui a confiance en Lui et l'aime d'un amour sincère, comme le grain de blé tombé en terre, accepte de mourir à lui-même. En effet, il sait que celui qui veut garder sa vie pour lui-même la perd, et que celui qui se donne, se perd, et trouve précisément ainsi la vie. (cf. Jn 12, 24-25). L'expérience de l'Eglise démontre que toute forme de sainteté, tout en suivant des parcours différents, passe toujours par le chemin de la croix, le chemin du renoncement à soi-même. Les biographies des saints décrivent des hommes et des femmes qui, dociles aux desseins divins, ont parfois affronté des épreuves et des souffrances indescriptibles, des persécutions et le martyre. Ils ont persévéré dans leur engagement, « ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve - lit-on dans l'Apocalypse - ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » (v. 14). Leurs noms sont inscrits dans le livre de la vie (cf. Ap 20, 12) ; leur demeure éternelle est le Paradis. L'exemple des saints est pour nous un encouragement à suivre les mêmes pas, à ressentir la joie de celui qui a confiance en Dieu, car l'unique cause véritable de tristesse et de malheur pour l'être humain est de vivre loin de Lui.
La sainteté exige un effort constant, mais elle est à la portée de tous car, plus que l'œuvre de l'homme, elle est avant tout un don de Dieu, trois fois Saint (cf. Is 6, 3). Dans la seconde Lecture, l'Apôtre Jean observe : « Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! » (1 Jn 3,1). C'est donc Dieu qui nous a aimés en premier et qui, en Jésus, a fait de nous ses fils adoptifs. Dans notre vie, tout est don de son amour : comment demeurer indifférents face à un si grand mystère ? Comment ne pas répondre à l'amour du Père céleste par une vie de fils reconnaissants ? Dans le Christ, il nous a fait don de tout son être, et nous appelle à une relation personnelle et profonde avec Lui. C'est pourquoi, plus nous imitons Jésus et demeurons unis à Lui, plus nous entrons dans le mystère de la sainteté divine. Nous découvrons qu'Il nous aime de façon infinie, et cela nous pousse à notre tour à aimer nos frères. Aimer implique toujours un acte de renoncement à soi-même, de se perdre soi-même et, précisément ainsi, cela nous rend heureux.
Ainsi, nous sommes arrivés à l'Évangile de cette fête, à l'annonce des Béatitudes que nous venons d'entendre retentir dans cette Basilique. Jésus dit : Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, heureux les doux, heureux les affligés, heureux les affamés et les assoiffés de justice, les miséricordieux, heureux les cœurs purs, les artisans de paix, les persécutés pour la justice (cf. Mt 5, 3-10). En vérité, le bienheureux par excellence est uniquement Lui, Jésus. En effet, c'est Lui qui a véritablement une âme de pauvre, l'affligé, le doux, l'affamé et assoiffé de la justice, le miséricordieux, le cœur pur, l'artisan de paix ; c'est Lui le persécuté pour la justice. Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus, et expriment ainsi son mystère, le mystère de Mort et de Résurrection, de Passion, et de joie de la Résurrection. Ce mystère, qui est le mystère de la véritable Béatitude, nous invite à suivre Jésus et, ainsi, à nous acheminer vers elle. Dans la mesure où nous accueillons sa proposition et nous nous plaçons à sa suite - chacun selon ses conditions -, nous aussi, nous pouvons participer à sa béatitude. Avec Lui, l'impossible devient possible et même un chameau peut passer par le trou d'une aiguille (cf. Mc 10, 25); avec son aide, et uniquement avec son aide, il est possible de devenir parfaits comme le Père céleste est parfait (cf. Mt 5, 48).
Chers frères et sœurs, entrons à présent dans le cœur de la Célébration eucharistique, encouragement et aliment de sainteté. Dans quelques instants deviendra présent de la façon la plus élevée le Christ, véritable Vigne, à laquelle, en tant que sarments, sont unis les fidèles qui sont sur terre et les saints du ciel. Ainsi se renforcera la communion de l'Église en pèlerinage dans le monde avec l'Église triomphante dans la gloire. Dans la Préface, nous proclamerons que les saints sont pour nous des amis et des modèles de vie. Invoquons-les afin qu'ils nous aident à les imiter et engageons-nous à répondre avec générosité, comme ils l'ont fait, à l'appel divin. Invoquons en particulier Marie, Mère du Seigneur et miroir de toute sainteté. Qu'Elle, la Toute Sainte, fasse de nous de fidèles disciples de son fils Jésus Christ ! Amen.
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Source : vatican.va - L'Evangile au Quotidien
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27/10/2014
Méditer l'Évangile du jour avec Saint Grégoire le Grand
Évangile selon Saint Luc, chapitre 13 :
En ce même temps survinrent des gens qui lui rapportèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs victimes. Prenant la parole, il leur dit : " Pensez-vous que, pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tuées dans sa chute, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem ? Non, je vous le dis ; mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même."
Il disait encore la parabole que voici : " Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n'en trouva pas. Il dit alors au vigneron : "Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le ; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien ?" L'autre lui répondit: "Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier. Peut-être donnera-t-il des fruits à l'avenir... Sinon tu le couperas". "
Or il enseignait dans une synagogue le jour du sabbat. Et voici qu'il y avait là une femme ayant depuis dix-huit ans un esprit qui la rendait infirme ; elle était toute courbée et ne pouvait absolument pas se redresser. La voyant, Jésus l'interpella et lui dit : " Femme, te voilà délivrée de ton infirmité " ; puis il lui imposa les mains. Et, à l'instant même, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu. Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus eût fait une guérison le sabbat, prit la parole et dit à la foule : " Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler ; venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du sabbat ! " Mais le Seigneur lui répondit : " Hypocrites ! chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? Et cette fille d'Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, il n'eût pas fallu la délier de ce lien le jour du sabbat ! "
Comme il disait cela, tous ses adversaires étaient remplis de confusion, tandis que toute la foule était dans la joie de toutes les choses magnifiques qui arrivaient par lui. Il disait donc : " A quoi le Royaume de Dieu est-il semblable et à quoi vais-je le comparer? Il est semblable à un grain de sénevé qu'un homme a pris et jeté dans son jardin ; il croît et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s'abritent dans ses branches. "
Saint Grégoire le Grand, homélie n° 31, Lc 13, 6-13
1. En ce temps là, Jésus dit à la foule cette parabole : «Un homme avait un figuier planté dans sa vigne; il vint en chercher les fruits, et n’en trouva pas. Il dit alors à celui qui cultivait sa vigne : ‹Voilà trois ans que je viens chercher les fruits de ce figuier, et je n’en trouve pas; coupe-le donc : pourquoi occupe-t-il le terrain?› Mais le vigneron lui répondit: ‹Seigneur, laisse-le encore cette année, jusqu’à ce que j’aie creusé tout autour et que je lui aie mis une hotte de fumier. Peut-être portera-t-il du fruit; sinon, tu le couperas alors.›»
Jésus enseignait dans une synagogue un jour de sabbat. Il y avait là une femme possédée depuis dix-huit ans d’un esprit qui la rendait infirme : elle était courbée, et ne pouvait absolument pas regarder vers le haut. Lorsque Jésus la vit, il l’appela et lui dit : «Femme, tu es délivrée de ton infirmité.» Et il lui imposa les mains; aussitôt, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu.
Dans son Evangile, le Seigneur, notre Rédempteur, s’adresse à nous quelquefois par des paroles, et quelquefois par des actions; et c’est tantôt des choses différentes qu’il nous dit par ses paroles et par ses actions, tantôt la même chose.
Vous avez, mes frères, entendu rapporter deux faits dans cet évangile : le figuier stérile et la femme courbée. Or ces deux faits mettaient en jeu la bonté miséricordieuse de Dieu. Le premier l’exprimait par une comparaison, le second la rendait sensible par une action. Mais le figuier stérile signifie la même chose que la femme courbée, le figuier épargné la même chose que la femme redressée. Le maître de la vigne vint trois fois voir le figuier et n’y trouva aucun fruit; la femme redressée, elle, était courbée depuis dix-huit ans. Ces dix-huit ans représentent la même chose que les trois fois où l’on nous dit que le maître de la vigne est venu voir le figuier stérile. Après avoir ainsi donné rapidement l’idée générale de ce texte, expliquons-en maintenant chaque point dans l’ordre de la lecture.
2. «Un homme avait un figuier planté dans sa vigne; il vint en chercher les fruits, et n’en trouva pas.» Que signifie le figuier, sinon la nature humaine? Et que symbolise la femme courbée, sinon cette même nature? Celle-ci fut bien plantée comme le figuier, bien créée comme la femme, mais tombée dans le péché par sa propre volonté, elle n’a su conserver ni le fruit du travail [de son Maître], ni l’état de rectitude [de sa nature], puisqu’en se jetant de son propre mouvement dans le péché, elle a perdu l’état de rectitude, pour n’avoir pas voulu porter le fruit de l’obéissance. Créée à la ressemblance de Dieu, mais ne persistant pas dans sa dignité, elle n’a rien fait pour se conserver telle qu’elle avait été plantée ou créée. C’est trois fois que le maître de la vigne vint au figuier, car il a sollicité le genre humain avant la Loi, sous la Loi et sous la grâce : en l’attendant, en l’avertissant et en le visitant.
3. «Il dit alors à celui qui cultivait sa vigne : ‹Voilà trois ans que je viens chercher les fruits de ce figuier, et je n’en trouve pas.›» Dieu est venu avant la Loi, parce qu’il a fait savoir à chacun, par la lumière de sa raison naturelle, qu’il doit traiter autrui comme un autre soi- même. Il est venu sous la Loi, du fait qu’il nous a enseignés par ses commandements. Il est venu après la Loi par sa grâce, puisqu’il nous a montré sa bonté en se rendant lui-même présent. Cependant, il se plaint de n’avoir pas trouvé de fruits en ces trois années, car il y a des hommes dépravés dont l’âme ne peut être corrigée par la loi insufflée en notre nature, ni instruite par les commandements, ni convertie par les miracles de son Incarnation.
Que figure le vigneron, sinon l’ordre des prélats, qui sont préposés à la conduite de l’Eglise pour prendre soin de cette vigne du Seigneur, dont l’apôtre Pierre a été le premier ouvrier? Nous sommes nous-mêmes ses bien indignes successeurs dans la mesure où nous travaillons à vous instruire en vous enseignant, en vous suppliant et en vous reprenant.
4. Il nous faut à présent écouter avec une grande crainte ce que le maître dit au vigneron à propos de cet arbre stérile : «Coupe-le donc : pourquoi occupe-t-il le terrain?» Chacun à sa manière, du fait de la place qu’il tient dans la vie présente, occupe le terrain comme un arbre stérile s’il ne porte pas le fruit des bonnes œuvres, puisqu’il empêche les autres de travailler dans la place que lui-même occupe. Mais un homme puissant en ce monde, s’il ne porte pas le fruit des bonnes œuvres, est également un obstacle pour les autres, car tous ceux qui lui sont soumis sont assombris par l’exemple de sa mauvaise conduite comme par une ombre de corruption. Tandis qu’au-dessus se dresse l’arbre sans fruit, la terre au-dessous gît stérile. Au-dessus, l’ombre de l’arbre sans fruit est épaisse, et elle ne permet pas aux rayons du soleil d’atteindre la terre; ainsi, en voyant les exemples pervers de leur supérieur pervers, les inférieurs demeurent eux aussi sans fruit, privés qu’ils sont de la lumière de vérité. Etouffés par l’ombre, ils ne reçoivent pas la chaleur du soleil : placés en ce monde sous la protection d’un mauvais maître, ils restent glacés loin de Dieu.
Mais Dieu ne s’enquiert déjà presque plus de cet homme pervers et puissant. Car une fois que celui-ci s’est perdu, il n’y a plus qu’à se demander pour quelle raison il étouffe les autres. Aussi le maître de la vigne dit -il bien à propos : «Pourquoi occupe-t-il le terrain?» Occuper le terrain, c’est peser sur les âmes des autres; occuper le terrain, c’est ne pas faire valoir par de bonnes œuvres la charge qu’on détient.
5. Pourtant, il est de notre devoir de prier pour de tels supérieurs. Ecoutons en effet ce que demande le vigneron : «Seigneur, laisse-le encore cette année, jusqu’à ce que j’aie creusé tout autour.» Qu’est-ce que creuser autour du figuier, sinon faire des reproches aux âmes qui ne portent pas de fruit? Dans un trou qu’on creuse, le sol est abaissé. Et il est évident qu’une réprimande humilie, puisqu’elle révèle à l’âme ce qu’elle est. Chaque fois que nous reprenons quelqu’un de sa faute, c’est donc comme si nous creusions autour d’un arbre sans fruit pour le cultiver selon les règles.
Ecoutons ce qu’ajoute le vigneron après avoir creusé : «Et que je lui aie mis une hotte de fumier.» Qu’est-ce que la hotte de fumier, sinon le souvenir des péchés? Car on désigne par le fumier les péchés de la chair. D’où la parole du prophète : «Les bêtes de somme ont pourri dans leur fumier.» (Jl 1, 17). Que les bêtes de somme pourrissent dans leur fumier, cela signifie que les hommes charnels achèvent leur vie dans la puanteur de la luxure. Aussi, chaque fois que nous reprochons ses péchés à une âme charnelle, chaque fois que nous lui rappelons ses vices passés, c’est comme si nous versions une hotte de fumier à un arbre sans fruit, pour qu’elle se souvienne des mauvaises actions qu’elle a commises, et qu’elle retrouve, pour parvenir à la grâce de la componction, une fertilité extraite, pour ainsi dire, de la puanteur.On met donc bien une hotte de fumierà la racine de l'arbre l’arbre quand on met en contact la mémoire et la méditation [du pécheur] avec le souvenir de sa dépravation. Et lorsque par la pénitence, l’esprit s’excite aux larmes et se réforme pour bien agir, c’est en quelque sorte le contact des racines du cœur avec le fumier qui le rend fécond pour opérer de bonnes œuvres et lui fait déplorer ce qu’il se rappelle avoir commis : il s’afflige au souvenir de ce qu’il a été, il dirige contre lui ses efforts et s’enflamme du désir de devenir meilleur. L’arbre reprend donc vie en passant de la puanteur aux fruits, puisque c’est par la considération de ses péchés que l’âme se ranime pour les bonnes œuvres. Il s’en trouve pourtant beaucoup qui entendent les reproches, mais négligent de revenir à la pénitence : ils restent verdoyants en ce monde, mais ils sont sans fruit pour Dieu.
Ecoutons ce qu’ajoute l’homme qui cultivait le figuier : «Peut-être portera-t-il du fruit; sinon, tu le couperas alors.» Car si l’on ne veut pas tirer parti des reproches en ce monde pour se remettre à porter du fruit, on se condamne à tomber dans l’autre monde en un lieu d’où l’on ne pourra plus se relever par la pénitence; et dans l’avenir, on sera coupé, même si, sans porter de fruit, on paraît rester verdoyant ici-bas.
6. «Jésus enseignait dans une synagogue un jour de sabbat. Il y avait là une femme possédée depuis dix-huit ans d’un esprit qui la rendait infirme .» Nous avons dit tout à l’heure que la triple venue du maître avait la même signification pour son figuier sans fruit que le nombre des dix-huit ans pour la femme courbée. C’est en effet le sixième jour que l’homme a été créé (cf. Gn 1, 27 -31), et en ce sixième jour, toute l’œuvre du Seigneur a été achevée. Or le nombre six multiplié par trois donne dix-huit. Ainsi, puisque l’homme, créé le sixième jour, n’a pas voulu rendre ses œuvres parfaites, mais qu’il est demeuré infirme avant la Loi, sous la Loi et au début du règne de la grâce, c’est pendant dix-huit ans que la femme fut courbée.
«Elle était courbée, et ne pouvait absolument pas regarder vers le haut.» Le pécheur, préoccupé des choses de la terre et ne recherchant pas celles du Ciel, est incapable de regarder vers le haut : comme il suit des désirs qui le portent vers le bas, son âme, perdant sa rectitude, s’incurve, et il ne voit plus que ce à quoi il pense sans cesse.
Faites retour sur vos cœurs, frères très chers, et examinez continuellement les pensées que vous ne cessez de rouler en votre esprit. L’un pense aux honneurs, un autre à l’argent, un autre encore à augmenter ses propriétés. Toutes ces choses sont basses, et quand l’esprit s’y investit, il s’infléchit, perdant sa rectitude. Et parce qu’il ne se relève pas pour désirer les biens célestes, il est comme la femme courbée, qui ne peut absolument pas regarder vers le haut.
7. Le texte poursuit : «Lorsque Jésus la vit, il l’appela et lui dit : ‹Femme, tu es délivrée de ton infirmité.› Et il lui imposa les mains; aussitôt, elle se redressa.» S’il l’a appelée et redressée, c’est qu’il l’a éclairée et aidée. Il appelle sans pour autant redresser, lorsque sa grâce nous illumine sans toutefois pouvoir nous aider, du fait de nos fautes. Souvent, en effet, nous voyons ce que nous devrions faire, mais nous ne l’accomplissons pas. Nous faisons des efforts, puis nous faiblissons. Le jugement de l’esprit voit bien la voie droite, mais la force manque pour le faire suivre d’œuvres. Cela fait partie de la peine due au péché : le don [de la grâce] nous rend capables de voir le bien, mais en rétribution de nos actes, nous nous trouvons détournés de ce que nous avons vu. Une faute répétée lie si bien l’âme qu’elle ne peut reprendre sa position droite. Elle fait des efforts, puis elle rechute : la faute où elle a persisté longtemps par sa volonté, elle y retombe par contrainte même quand elle ne le veut plus.
Le psalmiste a fort bien décrit notre courbure quand il a dit de lui -même comme figurant tout le genre humain : «J’ai été courbé et humilié à l’excès.»(Ps 38, 7). Il considérait que l’homme, bien que créé pour contempler la lumière d’en haut, a été jeté hors [du paradis] à cause de ses péchés, et que par suite, les ténèbres règnent en son âme, lui faisant perdre l’appétit des choses d’en haut et porter toute son attention vers celles d’en bas, en sorte qu’il ne désire nullement les biens du Ciel, et ne s’entretient en son esprit que de ceux de la terre. Et le psalmiste, souffrant de voir le genre humain, auquel il appartient, réduit à un tel état, s’est écrié en parlant de lui-même : «J’ai été courbé et humilié à l’excès.» Si l’homme, perdant de vue les choses du Ciel, ne pensait qu’aux nécessités de la chair, il serait sans doute courbé et humilié, mais non pourtant à l’excès.
Or, comme non seulement la nécessité fait déchoir ses pensées de la considération des choses d’en haut, mais qu’en outre le plaisir défendu le terrasse, il n’est pas seulement courbé, mais courbé à l’excès.
A ce sujet, un autre prophète affirme à propos des esprits impurs : «Ils ont dit à ton âme : Courbe-toi, que nous passions.» (Is 51, 23). Quand l’âme désire les biens d’en haut, elle se maintient droite, sans se courber aucunement vers le bas. Et les esprits malins, la voyant demeurer en sa droiture, ne peuvent passer par elle. En effet, passer consiste pour eux à semer en elle des désirs impurs. Ils lui disent donc : «Courbe-toi, que nous passions», car si elle ne s’abaisse pas elle - même à désirer les choses d’en bas, leur perver sité n’a aucune force contre elle, et ils ne peuvent passer par elle : l’inflexibilité qu’elle montre à leur égard, en s’appliquant aux choses d’en haut, la leur rend redoutable.
8. C’est nous, frères très chers, c’est nous qui livrons passage en nous aux esprits malins lorsque nous convoitons les choses de la terre, et que nous nous courbons pour rechercher les biens qui passent. Rougissons donc de convoiter ainsi les choses de la terre. Rougissons d’offrir le dos de notre esprit aux adversaires qui veulent y monter.
Celui qui est courbé regarde toujours la terre; et celui qui recherche les choses d’en bas oublie en vue de quelle récompense il a été racheté. D’où la prescription de Moïse interdisant absolument aux bossus d’être promus au sacerdoce (cf. Lv 21, 17-21). Or, nous tous qui avons été rachetés par le sang du Christ, nous sommes devenus les membres de ce Grand-Prêtre. C’est pourquoi Pierre nous déclare : «Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal.» (1 P 2, 9). Mais celui qui est bossu ne regarde que vers les choses d’en bas; il se voit donc écarté du sacerdoce, puisque celui qui n’a souci que des choses de la terre témoigne lui-même qu’il n’est pas membre du Grand-Prêtre.
A ce sujet encore, le peuple fidèle se voit interdire de manger les poissons qui n’ont pas de nageoires [de petites ailes]. Car les poissons munis de nageoires et d’écailles ont coutume de sauter hors de l’eau. Que représentent donc ces poissons ailés, sinon les âmes des élus? Il n’y a assurément que les âmes soutenues à présent par les nageoires de leurs vertus qui passent dans le corps de l’Eglise du Ciel : elles connaissent l’art de sauter [hors de l’eau] par le désir du Ciel, en se portant avidement vers les choses d’en haut par la contemplation, même si elles retombent ensuite de nouveau sur elles-mêmes par le poids de leur nature mortelle.
Ainsi, frères très chers, si nous avons maintenant reconnu les biens de la patrie céleste, prenons en horreur notre courbure. Gardons devant les yeux la femme courbée et l’arbre sans fruit. Rappelons-nous le mal que nous avons commis, et mettons une hotte de fumier à la racine de notre cœur, afin que cela même qui nous répugnait ici-bas dans la pénitence nous fasse porter un jour, par son action fertilisante, le fruit de la récompense. Et si nous ne pouvons pratiquer la perfection des vertus, Dieu lui -même se réjouit de nous voir le déplorer. Nous lui serons agréables par le commencement même de notre justice, nous qui nous punissons des actions injustes que nous avons commises. Et nos pleurs seront de courte durée, puisque des joies éternelles auront bientôt fait d’essuyer nos larmes passagères, par Notre -Seigneur Jésus- Christ, qui, étant Dieu, vit et règne avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.
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26/10/2014
Aime Dieu de tout ton être et à Sa suite, aime mieux ton prochain ainsi que toi-même
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22,34-40.
Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent,
et l'un d'entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve :
« Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
Voilà le grand, le premier commandement.
Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Tout ce qu'il y a dans l'Écriture - dans la Loi et les Prophètes - dépend de ces deux commandements. »
Trentième dimanche du temps ordinaire
Commentaire du jour
Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église
Sermon inédit sur la lettre de saint Jacques
Trois amours, deux commandements
Dieu ne te demande pas beaucoup de choses, car à elle seule la charité accomplit toute la Loi (Rm 13,10). Mais cet amour est double : amour envers Dieu et envers le prochain... Quand Dieu te dit d'aimer ton prochain, il ne te dit pas : aime-le de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ; mais il te dit : aime ton prochain comme toi-même. Aime donc Dieu de tout toi-même, parce qu'il est plus grand que toi ; aime ton prochain comme toi-même, parce qu'il est ce que tu es...
Il y a donc trois objets de notre amour ; pourquoi n'y a-t-il que deux commandements ? Je vais te le dire : Dieu n'a pas jugé nécessaire de t'engager à t'aimer toi-même puisqu'il n'y a personne qui ne s'aime pas soi-même. Mais beaucoup de gens se perdent parce qu'ils s'aiment mal. En te disant d'aimer Dieu de tout toi-même, Dieu t'a donné la règle selon laquelle tu dois t'aimer. Sans doute, tu veux t'aimer ? Alors, aime Dieu de tout toi-même. C'est en lui, en effet, que tu te trouveras, en évitant de te perdre en toi... Ainsi donc, la règle selon laquelle tu as à t'aimer t'est donnée : aime celui qui est plus grand que toi, et tu t'aimeras toi-même.
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22/10/2014
"Gardez vos lampes allumées" (Lc 12,35-38)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 12,35-40.
En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Ayez les reins ceints et vos lampes allumées !
Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent leur maître à son retour des noces, afin que, lorsqu'il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt.
Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ! Je vous le dis en vérité, il se ceindra, les fera mettre à table et passera pour les servir.
Et si c'est à la deuxième ou à la troisième veille qu'il arrive et les trouve ainsi, heureux sont-ils !
Sachez-le bien, si le maître de maison savait à quelle heure le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer sa maison.
Vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra. "
Deux magnifiques commentaires offerts :
Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques (trad. Deseille, La fournaise de Babylone, Eds. Présence 1974, p. 90
La prière offerte au temps de la nuit possède un grand pouvoir, plus que celle qui est offerte pendant le jour. C’est pourquoi tous les saints ont eu l’habitude de prier la nuit, combattant l’assoupissement du corps et la douceur du sommeil et dépassant leur nature corporelle. Le prophète disait lui aussi : « Je me suis fatigué à gémir ; chaque nuit, je baigne ma couche de mes larmes » (Ps 6,7) pendant qu’il soupirait du fond du cœur dans une prière passionnée. Et ailleurs : « Je me lève au milieu de la nuit pour te louer à cause de tes jugements, toi le Juste. » (Ps 118,62). Pour chacune des requêtes que les saints voulaient adresser à Dieu avec force, ils s’armaient de la prière pendant la nuit et aussitôt ils recevaient ce qu’ils demandaient.
Satan lui-même ne craint rien autant que la prière que l’on offre pendant les veilles. Même si elles s’accompagnent de distractions, elle ne revient pas sans fruit, à moins qu’on ne demande ce qui ne convient pas. C’est pourquoi il engage de sévères combats contre ceux qui veillent, afin de les détourner si possible de cette pratique, surtout s’ils se montrent persévérants. Mais ceux qui sont quelque peu fortifiés contre ses ruses pernicieuses et ont goûté les dons que Dieu accorde durant les veilles, et qui ont expérimenté personnellement la grandeur de l’aide que Dieu leur accorde, le méprisent complètement, lui et tous ses stratagèmes.
Saint Colomban (563-615), moine, fondateur de monastères
Instructions spirituelles, n° 12, 2 (trad. bréviaire 28e mar.)
« Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14)
Qu'ils sont heureux, qu'ils sont dignes d'envie, « les serviteurs que le maître, à son retour, trouvera vigilants » (Lc 12,37). Vigilance bienheureuse qui les tient éveillés pour la rencontre de Dieu, le Créateur de l'univers, dont la majesté emplit toutes choses et les dépasse toutes.
Et pour moi qui suis son serviteur, malgré mon indignité, Dieu veuillez m'éveiller du sommeil de mon indolence. Qu'Il fasse brûler en moi le feu de l'amour divin ; que la flamme de son amour monte plus haut que les étoiles ; que brûle sans cesse au-dedans de moi le désir de répondre à sa tendresse infinie. Ah, s'il m'était donné de pouvoir tenir à longueur de nuit ma lampe allumée et ardente dans le temple du Seigneur ! Si elle pouvait éclairer tous ceux qui pénètrent dans la maison de mon Dieu ! (cf Mt 5,15) Seigneur, accordez-moi cet amour qui se garde de tout relâchement, que je sache tenir toujours ma lampe allumée, sans jamais la laisser s'éteindre ; qu'en moi elle soit feu, et lumière pour mon prochain.
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16/10/2014
Le 16 octobre, l'Eglise fête Sainte Marguerite-Marie Alacoque
Marguerite-Marie Alacoque, cinquième enfant de Claude Alacoque et Philiberte Lamyn,naît dans un village du charolais, à Verosvres (Vroules en patois charolais), le 22 juillet 1647. Son père, notaire royal, décède quand elle a huit ans.
À 10 ans elle est très malade et elle fait vœu de devenir religieuse si Notre Dame la guérit. Ayant retrouvée la santé, elle oublie sa promesse, mais un peu plus tard la maladie de sa mère la lui rappelle. C'est pourquoi, bien que sa famille soit contre, le 25 mai 1671, elle entre au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial où elle prend l’habit des visitandines le 25 août 1671.
Marguerite-Marie fait profession le 6 novembre 1672. Elle épouse dès ce moment-là le Christ souffrant, le Christ en agonie. Jusque là, elle a bien souvent entendu la voix du Seigneur au fond d'elle.
Mais le 27 décembre 1673, le Christ lui apparaît physiquement, lui révélant son divin Cœur rayonnant comme un soleil, portant la trace du coup de lance, la couronne d'épines. Une croix le domine. Il lui adresse alors ce premier message : « Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen. » Le Christ alors unit le cœur de Marguerite-Marie au Sien, et dès cet instant Marguerite-Marie gardera toujours une douleur au côté. La mission laissée à la sainte n'est pas petite : faire connaître aux hommes l'Amour débordant de Dieu… C'est la première des trois grandes apparitions.
La deuxième grande apparition a lieu l'année suivante, un premier vendredi du mois. Le Christ lui apparaît de nouveau manifestant son divin Cœur, “tout rayonnant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils”. Le Christ alors se plaint que les hommes soient si loin de son Amour, et le lui rendent si peu. Il lui dit alors : « Tu communieras […] tous les premiers vendredis de chaque mois. Et, toutes les nuits du jeudi au vendredi je te ferai participer à cette mortelle tristesse que j'ai bien voulu sentir au jardin des Olives […] Et, pour m'accompagner […] tu te lèveras entre onze heures et minuit pour te prosterner pendant une heure avec moi ». De plus, le Christ lui rappelle alors l'importance de l'obéissance, car Satan « n'a point de pouvoir sur les obéissants ».
Durant l'octave du Saint Sacrement, en 1675, c'est la troisième grande apparition, et sans nul doute la plus connue. De nouveau, le Christ lui révèle son divin Cœur, et lui laisse ces paroles : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris […] Mais ce qui m'est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. » Il lui demande alors que soit instaurée la fête du Sacré Cœur, un culte public ! Marguerite-Marie, petite visitandine dans une petite ville, voit alors évidemment mal par quel moyen elle pourrait y répondre ! Plusieurs suivront jusqu'en 1677.
Au début elle passe pour possédée, mais, heureusement, elle est soutenue par son confesseur, le père Claude de La Colombière (canonisé le 31 mai 1992) qui, quand Marguerite-Marie lui ouvre sa conscience, voit en elle l’œuvre de Dieu, la rassure et l’encourage. Peu à peu la communauté accepte et vénère le Sacré Cœur (cœur souffrant entouré de flammes et d’une couronne d’épines).
La « dévotion au Sacré-Cœur » va se répandre dans toute la chrétienté et, en 1899, le pape Léon XIII instituera la fête du Sacré-Cœur (3e vendredi après la Pentecôte).
En 1689, Marguerite-Marie reçoit un dernier message du Seigneur : elle doit faire savoir au roi, Louis XIV, qu'il doit se consacrer au Sacré Cœur, ainsi que tous les grands du royaume, et Lui construire un lieu de culte. Le message arriva-t-il au destinataire ? Nul ne sait, mais toujours est-il qu'il n'y eut point de suites.
En octobre 1690, elle annonce à ses sœurs, incrédules, que le Seigneur veut la rappeler à Lui, et en effet, sœur Marguerite-Marie rend saintement son âme à Dieu le 17 octobre. Depuis son corps repose à la basilique de Paray le monial.
Déclarée vénérable en 1824 et bienheureuse en 1864, Marguerite-Marie à été canonisée le 13 mai 1920 par le pape Benoît XV.
Les douze promesses de Jésus
Notre Seigneur a fait les douze promesses suivantes à sainte Marguerite-Marie afin d'encourager la vraie dévotion au Sacré Cœur de Jésus qui est également la dévotion au Saint-Sacrement. Ces promesses sont octroyées aux dévots du Sacré Cœur.
1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires dans leur état.
2. Je mettrai la paix dans leur famille.
3. Je les consolerai dans toutes leurs peines.
4. Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.
5. Je répandrai d'abondantes bénédictions sur toutes leurs entreprises.
6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l'océan infini de la miséricorde.
7. Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8. Les âmes ferventes s'élèveront à une grande perfection.
9. Je bénirai même les maisons où l'image de mon Cœur sera exposée et honorée.
10. Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis.
11. Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom écrit dans mon Cœur, et il n'en sera jamais effacé.
12. Je te promets, dans l'excès de la miséricorde de mon Cœur, que mon amour tout puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir les sacrements, et que mon Cœur se rendra leur asile assuré à cette heure dernière.
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15/10/2014
Fêtée le 15 octobre, Sainte Thérèse de Jésus présentée par Benoît XVI
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi 2 février 2011
Sainte Thérèse de Jésus
Chers frères et sœurs,
Au cours des catéchèses que j’ai voulu consacrer aux Pères de l’Eglise et aux grandes figures de théologiens et de femmes du Moyen-âge, j’ai eu l’occasion de m’arrêter également sur certains saints et saintes qui ont été proclamés docteurs de l’Eglise en raison de leur éminente doctrine. Aujourd’hui, je voudrais commencer une brève série de rencontres pour compléter la présentation des docteurs de l’Eglise. Et je commence par une sainte qui représente l’un des sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps: sainte Thérèse d’Avila (de Jésus).
Elle naît à Avila, en Espagne, en 1515, sous le nom de Teresa de Ahumada. Dans son autobiographie, elle mentionne elle-même certains détails de son enfance: la naissance de «parents vertueux et craignant Dieu», au sein d’une famille nombreuse, avec neuf frères et trois sœurs. Encore enfant, alors qu’elle n’avait pas encore 9 ans, elle a l’occasion de lire les vies de certains martyrs, qui lui inspirent le désir du martyre, si bien qu’elle improvise une brève fugue de chez elle pour mourir martyre et monter au Ciel (cf. Vie, 1, 4): «Je veux voir Dieu» déclare la petite fille à ses parents. Quelques années plus tard, Thérèse parlera de ses lectures d’enfance, et affirmera y avoir découvert la vérité, qu’elle résume dans deux principes fondamentaux: d’un côté, «le fait que tout ce qui appartient au monde ici bas passe» et de l’autre, que seul Dieu est «pour toujours, toujours, toujours», un thème qui revient dans la très célèbre poésie «Que rien ne te trouble,/ que rien ne t’effraie;/ tout passe. Dieu ne change pas:/ la patience obtient tout;/ celui qui possède Dieu/ ne manque de rien/ Dieu seul suffit!». Orpheline de mère à l’âge de 12 ans, elle demande à la Très Sainte Vierge de lui servir de mère (cf. Vie, 1, 7).
Si, au cours de son adolescence, la lecture de livres profanes l’avait conduite aux distractions d’une vie dans le monde, l’expérience comme élève des moniales augustiniennes de Sainte-Marie-des-Grâces d’Avila, ainsi que la lecture de livres spirituels, en particulier des classiques de la spiritualité franciscaine, lui enseignent le recueillement et la prière. A l’âge de 20 ans, elle entre au monastère carmélite de l’Incarnation, toujours à Avila; dans sa vie religieuse, elle prend le nom de Thérèse de Jésus. Trois ans plus tard, elle tombe gravement malade, au point de rester quatre jours dans le coma, apparemment morte (cf. Vie, 5, 9). Même dans la lutte contre ses maladies, la sainte voit le combat contre les faiblesses et les résistances à l’appel de Dieu: «Je désirais vivre — écrit-elle — car je le sentais, ce n'était pas vivre que de me débattre ainsi contre une espèce de mort; mais nul n'était là pour me donner la vie, et il n'était pas en mon pouvoir de la prendre. Celui qui pouvait seul me la donner avait raison de ne pas me secourir; il m'avait tant de fois ramenée à lui, et je l'avais toujours abandonné» (Vie, 8, 2) En 1543, sa famille s’éloigne: son père meurt et tous ses frères émigrent l’un après l’autre en Amérique. Au cours du carême 1554, à l’âge de 39 ans, Thérèse atteint le sommet de sa lutte contre ses faiblesses. La découverte fortuite de la statue d’«un Christ couvert de plaies» marque profondément sa vie (cf. Vie, 9). La sainte, qui à cette époque trouvait un profond écho dans les Confessions de saint Augustin, décrit ainsi le jour décisif de son expérience mystique: «Le sentiment de la présence de Dieu me saisissait alors tout à coup. Il m'était absolument impossible de douter qu'il ne fût au dedans de moi, ou que je ne fusse toute abîmée en lui» (Vie, 10, 1).
Parallèlement au mûrissement de son intériorité, la sainte commence à développer concrètement l'idéal de réforme de l'ordre du carmel: en 1562, elle fonde à Avila, avec le soutien de l'évêque de la ville, don Alvaro de Mendoza, le premier carmel réformé, et peu après, elle reçoit aussi l'approbation du supérieur général de l'ordre, Giovanni Battista Rossi. Dans les années qui suivent, elle continue à fonder de nouveaux carmels, dix-sept au total. La rencontre avec saint Jean de la Croix, avec lequel, en 1568, elle fonde à Duruelo, non loin d'Avila, le premier couvent de carmélites déchaussées, est fondamentale. En 1580, elle obtient de Rome l'érection en Province autonome pour ses carmels réformés, point de départ de l'ordre religieux des carmélites déchaussées. Thérèse termine sa vie terrestre au moment où elle est engagée dans l'activité de fondation. En 1582, en effet, après avoir fondé le carmel de Burgos et tandis qu'elle est en train d'effectuer son voyage de retour à Avila, elle meurt la nuit du 15 octobre à Alba de Tormes, en répétant humblement ces deux phrases: «A la fin, je meurs en fille de l'Eglise» et «L'heure est à présent venue, mon Epoux, que nous nous voyons». Une existence passée en Espagne, mais consacrée à l'Eglise tout entière. Béatifiée par le Pape Paul V en 1614 et canonisée en 1622 par Grégoire XV, elle est proclamée «Docteur de l'Eglise» par le Serviteur de Dieu Paul VI en 1970.
Thérèse de Jésus n'avait pas de formation universitaire, mais elle a tiré profit des enseignements de théologiens, d'hommes de lettres et de maîtres spirituels. Comme écrivain, elle s'en est toujours tenu à ce qu'elle avait personnellement vécu ou avait vu dans l'expérience des autres (cf. Prologue au Chemin de perfection), c'est-à-dire en partant de l'expérience. Thérèse a l'occasion de nouer des liens d'amitié spirituelle avec un grand nombre de saints, en particulier avec saint Jean de la Croix. Dans le même temps, elle se nourrit de la lecture des Pères de l'Eglise, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, saint Augustin. Parmi ses œuvres majeures, il faut rappeler tout d'abord son autobiographie, intitulée Livre de la vie, qu'elle appelle Livre des Miséricordes du Seigneur. Composée au Carmel d'Avila en 1565, elle rapporte le parcours biographique et spirituel, écrit, comme l'affirme Thérèse elle-même, pour soumettre son âme au discernement du «Maître des spirituels», saint Jean d'Avila. Le but est de mettre en évidence la présence et l'action de Dieu miséricordieux dans sa vie: c'est pourquoi l’œuvre rappelle souvent le dialogue de prière avec le Seigneur. C'est une lecture fascinante, parce que la sainte non seulement raconte, mais montre qu'elle revit l'expérience profonde de sa relation avec Dieu. En 1566, Thérèse écrit le Chemin de perfection, qu'elle appelle Admonestations et conseils que donne Thérèse de Jésus à ses moniales. Les destinataires en sont les douze novices du carmel de saint Joseph d’Avila. Thérèse leur propose un intense programme de vie contemplative au service de l'Eglise, à la base duquel se trouvent les vertus évangéliques et la prière. Parmi les passages les plus précieux, figure le commentaire au Notre Père, modèle de prière. L’œuvre mystique la plus célèbre de sainte Thérèse est le Château intérieur, écrit en 1577, en pleine maturité. Il s'agit d’une relecture de son chemin de vie spirituelle et, dans le même temps, d'une codification du déroulement possible de la vie chrétienne vers sa plénitude, la sainteté, sous l'action de l'Esprit Saint. Thérèse fait appel à la structure d'un château avec sept pièces, comme image de l'intériorité de l'homme, en introduisant, dans le même temps, le symbole du ver à soie qui renaît en papillon, pour exprimer le passage du naturel au surnaturel. La sainte s'inspire des Saintes Ecritures, en particulier du Cantique des cantiques, pour le symbole final des «deux Epoux», qui lui permet de décrire, dans la septième pièce, le sommet de la vie chrétienne dans ses quatre aspects: trinitaire, christologique, anthropologique et ecclésial. A son activité de fondatrice des carmels réformés, Thérèse consacre le Livre des fondations, écrit entre 1573 et 1582, dans lequel elle parle de la vie du groupe religieux naissant. Comme dans son autobiographie, le récit tend à mettre en évidence l'action de Dieu dans l’œuvre de fondation des nouveaux monastères.
Il n’est pas facile de résumer en quelques mots la spiritualité thérésienne, profonde et articulée. Je voudrais mentionner plusieurs points essentiels. En premier lieu, sainte Thérèse propose les vertus évangéliques comme base de toute la vie chrétienne et humaine: en particulier, le détachement des biens ou pauvreté évangélique, et cela nous concerne tous; l’amour des uns pour les autres comme élément essentiel de la vie communautaire et sociale; l’humilité comme amour de la vérité; la détermination comme fruit de l’audace chrétienne; l’espérance théologale, qu’elle décrit comme une soif d’eau vive. Sans oublier les vertus humaines: amabilité, véracité, modestie, courtoisie, joie, culture. En deuxième lieu, sainte Thérèse propose une profonde harmonie avec les grands personnages bibliques et l’écoute vivante de la Parole de Dieu. Elle se sent surtout en harmonie avec l’épouse du Cantique des Cantiques et avec l’apôtre Paul, outre qu’avec le Christ de la Passion et avec Jésus eucharistie.
La sainte souligne ensuite à quel point la prière est essentielle: prier, dit-elle, «signifie fréquenter avec amitié, car nous fréquentons en tête à tête Celui qui, nous le savons, nous aime» (Vie 8, 5). L’idée de sainte Thérèse coïncide avec la définition que saint Thomas d’Aquin donne de la charité théologale, comme amicitia quaedam hominis ad Deum, un type d’amitié de l’homme avec Dieu, qui le premier a offert son amitié à l’homme; l’initiative vient de Dieu (cf. Summa Theologiae -II, 21, 1). La prière est vie et se développe graduellement en même temps que la croissance de la vie chrétienne: elle commence par la prière vocale, elle passe par l’intériorisation à travers la méditation et le recueillement, jusqu’à parvenir à l’union d’amour avec le Christ et avec la Très Sainte Trinité. Il ne s’agit évidemment pas d’un développement dans lequel gravir les plus hautes marches signifie abandonner le type de prière précédent, mais c’est plutôt un approfondissement graduel de la relation avec Dieu qui enveloppe toute la vie. Plus qu’une pédagogie de la prière, celle de Thérèse est une véritable «mystagogie»: elle enseigne au lecteur de ses œuvres à prier en priant elle-même avec lui; en effet, elle interrompt fréquemment le récit ou l’exposé pour se lancer dans une prière.
Un autre thème cher à la sainte est le caractère central de l’humanité du Christ. En effet, pour Thérèse la vie chrétienne est une relation personnelle avec Jésus, qui atteint son sommet dans l’union avec Lui par grâce, par amour et par imitation. D’où l’importance que celle-ci attribue à la méditation de la Passion et à l’Eucharistie, comme présence du Christ, dans l’Eglise, pour la vie de chaque croyant et comme cœur de la liturgie. Sainte Thérèse vit un amour inconditionné pour l’Eglise: elle manifeste un vif sensus Ecclesiae face aux épisodes de division et de conflit dans l’Eglise de son temps. Elle réforme l’Ordre des carmélites avec l’intention de mieux servir et de mieux défendre la «Sainte Eglise catholique romaine », et elle est disposée à donner sa vie pour celle-ci (cf. Vie 33, 5).
Un dernier aspect essentiel de la doctrine thérésienne, que je voudrais souligner, est la perfection, comme aspiration de toute la vie chrétienne et objectif final de celle-ci. La sainte a une idée très claire de la «plénitude» du Christ, revécue par le chrétien. A la fin du parcours du Château intérieur, dans la dernière «pièce», Thérèse décrit cette plénitude, réalisée dans l’inhabitation de la Trinité, dans l’union au Christ à travers le mystère de son humanité.
Chers frères et sœurs, sainte Thérèse de Jésus est une véritable maîtresse de vie chrétienne pour les fidèles de chaque temps. Dans notre société, souvent en manque de valeurs spirituelles, sainte Thérèse nous enseigne à être des témoins inlassables de Dieu, de sa présence et de son action, elle nous enseigne à ressentir réellement cette soif de Dieu qui existe dans la profondeur de notre cœur, ce désir de voir Dieu, de chercher Dieu, d’être en conversation avec Lui et d’être ses amis. Telle est l’amitié qui est nécessaire pour nous tous et que nous devons rechercher, jour après jour, à nouveau. Que l’exemple de cette sainte, profondément contemplative et efficacement active, nous pousse nous aussi à consacrer chaque jour le juste temps à la prière, à cette ouverture vers Dieu, à ce chemin pour chercher Dieu, pour le voir, pour trouver son amitié et trouver ainsi la vraie vie; car réellement, un grand nombre d’entre nous devraient dire: «Je ne vis pas, je ne vis pas réellement, car je ne vis pas l’essence de ma vie». C’est pourquoi, le temps de la prière n’est pas du temps perdu, c’est un temps pendant lequel s’ouvre la voie de la vie, s’ouvre la voie pour apprendre de Dieu un amour ardent pour Lui, pour son Eglise, c’est une charité concrète pour nos frères. Merci.
18:27 Publié dans Saints | Tags : sainte, docteur de l'eglise, mystique chrétienne, benoît xvi, audience générale, carmel, réforme, vertus chrétiennes, spiritualité chrétienne, prière, sainteté | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2014
4 octobre - Saint François d'Assise
Extraits de la catéchèse du Pape Benoît XVI du mercredi 27 janvier 2010 sur saint François d'Assise
« Surgit au monde un soleil ». A travers ces paroles, dans la Divine Comédie (Paradis, chant XI), le plus grand poète italien Dante Alighieri évoque la naissance de François, survenue à la fin de 1181 ou au début de 1182, à Assise. Appartenant à une riche famille – son père était marchand drapier –, François passa son adolescence et sa jeunesse dans l'insouciance, cultivant les idéaux chevaleresques de l'époque. A l'âge de vingt ans, il participa à une campagne militaire, et fut fait prisonnier. Il tomba malade et fut libéré. De retour à Assise, commença en lui un lent processus de conversion spirituelle, qui le conduisit à abandonner progressivement le style de vie mondain qu'il avait mené jusqu'alors. C'est à cette époque que remontent les célèbres épisodes de la rencontre avec le lépreux, auquel François, descendu de cheval, donna le baiser de la paix, et du message du Crucifié dans la petite église de saint Damien. Par trois fois, le Christ en croix s'anima, et lui dit: « Va, François, et répare mon église en ruine ». Ce simple événement de la parole du Seigneur entendue dans l'église de Saint-Damien renferme un symbolisme profond. Immédiatement, saint François est appelé à réparer cette petite église, mais l'état de délabrement de cet édifice est le symbole de la situation dramatique et préoccupante de l’Église elle-même à cette époque, avec une foi superficielle qui ne forme ni ne transforme la vie, avec un clergé peu zélé, avec un refroidissement de l'amour; une destruction intérieure de l’Église qui comporte également une décomposition de l'unité, avec la naissance de mouvements hérétiques. Toutefois, au centre de cette église en ruines se trouve le crucifié, et il parle: il appelle au renouveau, appelle François à un travail manuel pour réparer de façon concrète la petite église de Saint-Damien, symbole de l'appel plus profond à renouveler l’Église même du Christ, avec la radicalité de sa foi et l'enthousiasme de son amour pour le Christ. Cet événement qui a probablement eu lieu en 1205, fait penser à un autre événement semblable qui a eu lieu en 1207: le rêve du Pape Innocent III. Celui-ci voit en rêve que la Basilique Saint-Jean-de-Latran, l'église mère de toutes les églises, s'écroule et un religieux petit et insignifiant la soutient de ses épaules afin qu'elle ne tombe pas.
Etant donné que son père Bernardone lui reprochait sa générosité exagérée envers les pauvres, François, devant l'évêque d'Assise, à travers un geste symbolique, se dépouille de ses vêtements, montrant ainsi son intention de renoncer à l'héritage paternel: comme au moment de la création, François n'a rien, mais uniquement la vie que lui a donnée Dieu, entre les mains duquel il se remet. Puis il vécut comme un ermite, jusqu'à ce que, en 1208, eut lieu un autre événement fondamental dans l'itinéraire de sa conversion. En écoutant un passage de l'Evangile de Matthieu – le discours de Jésus aux apôtres envoyés en mission –, François se sentit appelé à vivre dans la pauvreté et à se consacrer à la prédication. D'autres compagnons s'associèrent à lui, et en 1209, il se rendit à Rome, pour soumettre au Pape Innocent III le projet d'une nouvelle forme de vie chrétienne. Il reçut un accueil paternel de la part de ce grand Souverain Pontife, qui, illuminé par le Seigneur, perçut l'origine divine du mouvement suscité par François.
En réalité, certains historiens du XIXe siècle et même du siècle dernier ont essayé de créer derrière le François de la tradition, un soi-disant François historique, de même que l'on essaie de créer derrière le Jésus des Evangiles, un soi-disant Jésus historique. Ce François historique n'aurait pas été un homme d’Église, mais un homme lié immédiatement uniquement au Christ, un homme qui voulait créer un renouveau du peuple de Dieu, sans formes canoniques et sans hiérarchie. La vérité est que saint François a eu réellement une relation très directe avec Jésus et avec la Parole de Dieu, qu'il voulait suivre sine glossa, telle quelle, dans toute sa radicalité et sa vérité.
Et il est également vrai qu'il n'avait pas l'intention de créer un nouvel ordre, mais uniquement de renouveler le peuple de Dieu pour le Seigneur qui vient. Mais il comprit avec souffrance et avec douleur que tout doit avoir son ordre, que le droit de l’Église lui aussi est nécessaire pour donner forme au renouveau et ainsi réellement il s'inscrivit de manière totale, avec le cœur, dans la communion de l’Église, avec le Pape et avec les évêques. Il savait toujours que le centre de l’Église est l'Eucharistie, où le Corps du Christ et son Sang deviennent présents. A travers le Sacerdoce, l'Eucharistie est l’Église. Là où le Sacerdoce, le Christ et la communion de l’Église vont de pair, là seul habite aussi la parole de Dieu. Le vrai François historique est le François de l’Église et précisément de cette manière, il parle aussi aux non-croyants, aux croyants d'autres confessions et religions.
Illustration: François d'Assise recevant les stigmates par Giotto. Ce dernier a peint les fresques de sa vie (église supérieure de la basilique d'Assise)
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28/09/2014
Saint Clément d'Alexandrie: la miséricorde selon Dieu
Commentaire de l’Évangile du jour
Par Saint Clément d'Alexandrie
« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu »
Les portes sont ouvertes à chaque personne qui se tourne sincèrement vers Dieu, de tout son cœur, et le Père reçoit avec joie un enfant qui se repent vraiment. Quel est le signe du vrai repentir ? Ne plus retomber dans les vieilles fautes et arracher de ton cœur, par leurs racines, les péchés qui te mettaient en danger de mort. Une fois qu'ils auront été effacés, Dieu reviendra habiter en toi. Car, comme dit l'Écriture, un pécheur qui se convertit et se repent procurera au Père et aux anges du ciel une joie immense et incomparable (Lc 15,10). Voilà pourquoi le Seigneur s'est écrié : « C'est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice » (Os 6,6; Mt 9,13). « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse » (Ez 33,11) ; « Si vos péchés sont comme la laine écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ; s'ils sont plus noirs que la nuit, je les laverai, si bien qu'ils deviendront comme la laine blanche » (Is 1,18).
Dieu seul, en effet, peut remettre les péchés et ne pas imputer les fautes, alors que le Seigneur Jésus nous exhorte à pardonner chaque jour à nos frères qui se repentent. Et si nous, qui sommes mauvais, nous savons donner de bonnes choses aux autres (Mt 7,11), combien plus « le Père plein de tendresse » (2Co 1,3) le fera-t-il ! Le Père de toute consolation, qui est bon, plein de compassion, de miséricorde et de patience par nature, attend ceux qui se convertissent. Et la conversion véritable suppose que l'on cesse de pécher et que l'on ne regarde plus en arrière... Regrettons amèrement donc nos fautes passées et prions le Père pour qu'il les oublie. Il peut, dans sa miséricorde, défaire ce qui a été fait et, par la rosée de l'Esprit, effacer nos méfaits passés.
Saint Clément d'Alexandrie (150-v. 215), théologien
Homélie « Quel riche sera sauvé ? », 39-40 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 141 rev.)
06:30 Publié dans Saints | Tags : miséricorde, conversion | Lien permanent | Commentaires (0)