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14/11/2015

¿Puedo Volver a Casarme y Comulgar?

28/10/2015

Synode sur la famille: les clarifications du Cardinal Arinze

 

 

 

22/10/2015

Les réponses limpides du Cardinal Arinze à propos du synode sur la famille

 

Le Cardinal Francis Arinze, le Cardinal-Évêque de Velletri-Segni auquel les Papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont confié la charge de Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a accordé le 16 octobre un entretien au journaliste américain John L. Allen Jr. pour Crux, relayée par Father Z sur WDTPRS et traduite par Espérance Nouvelle.

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Rome - 16 octobre 2015 - Par John L. Allen Jr.
Traduction française : Espérance Nouvelle - 22 octobre 2015

Quelle issue les Africains souhaitent-ils pour ce synode ?

Je pense qu'ils aimeraient que le synode affirme d'une voix claire que le mariage vient de Dieu, comme une union entre un homme et une femme. Dieu a créé un Adam et une Ève. Lorsque le Christ est venu, il a béni cette unité du mariage. Il est allé à la fête de mariage à Cana, et il a fait son premier miracle connu en changeant l'eau en vin, ce qui signifie qu'il a confirmé que le mariage vient de Dieu, pas des êtres humains, donc les êtres humains ne peuvent pas le réinventer ni le redéfinir.

Êtes-vous convaincu qu'il n'est pas possible d'inviter les catholiques divorcés et civilement remariés à recevoir la communion ?

C'est exact, en ce sens que le Christ a dit: «Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas», et selon l'interprétation traditionnelle donnée par l’Église catholique, cela signifie qu'un mariage consommé sanctifié par le sacrement ne peut être rompu par aucune autorité.

Y compris l'autorité de l’Église ?

En effet, même l'autorité de l'Église ne peut le rompre. Par conséquent, si un homme quitte une femme ou lui demande de partir, ou si elle fait la même chose, et qu'ils trouvent un nouveau partenaire, cela ne peut être approuvé. Le Christ n'a qu'un mot pour une personne qui fait cela: "adultère". On ne peut pas améliorer ce que le Christ a dit. On ne peut pas être plus sage que lui, ni dire qu' "il y a une circonstance qu'il n'avait pas prévue". On ne peut pas être plus miséricordieux que le Christ.

Nous devons trouver un moyen d'aider les "divorcés remariés", [mais] nous ne les aidons pas en disant: "Venez recevoir la Sainte Communion".

L'Eucharistie n'est pas quelque chose que nous possédons, et que nous pouvons donner à nos amis et à ceux avec qui nous sympathisons... L'idée du péché n'est pas une chose nouvelle inventée par des conservateurs modernes dans l'Église. C'est le Christ Lui-même qui a appelé cela un péché, et il a utilisé le mot "adultère". Il sait de quoi Il parle. Comment pourrions-nous faire marche arrière sur ce point sans quitter le Christ ?

Rappelez-vous, c'est Dieu seul qui fera le jugement dernier, pas nous, pas même une demi-douzaine de cardinaux du Vatican. Dieu jugera les circonstances de chaque personne, mais objectivement on ne peut pas approuver [le divorce et le remariage]. [...]

Il y a eu une discussion au synode sur la recherche d'un «nouveau langage», en particulier sur l'homosexualité, décrit comme quelque chose de plus inclusif et accueillant. Quelle impression cela donne-t-il du point de vue africain?

Je serais suspicieux, parce que je me demanderais quel type de nouveau langage que vous voulez. Ne devrions-nous pas appeler les choses par leur nom, en appelant le bien "bien" et le mal "mal" ? Nous ne condamnons pas la personne, mais nous n'approuvons pas l'acte.

L'un des devoirs des évêques est d'enseigner, et il est très important que l'Évangile reste sans dilution, sans ajouter ni soustraire du sel ou du poivre. Le message n'est pas le nôtre. Le message du Christ doit briller clairement sur ce qu'est le mariage. Si deux hommes se réunissent à des fins commerciales, nous ne nous en inquiétons pas. Mais s'ils commencent à appeler cela un mariage, ne voyez-vous pas que ça ne va plus du tout ?

Certains au synode ont parlé de permettre que les décisions sur les divorcés remariés, ou sur l'homosexualité, soient décentralisées, et prises au niveau des conférences épiscopales régionales ou nationales ou par les évêques individuels. Quelle est votre impression à ce sujet ?

Allez-vous me raconter qu'il peut y avoir une conférence épiscopale nationale dans un pays qui approuverait quelque chose qui, dans une autre conférence épiscopale, serait considérée comme un péché ? Le péché va-t-il changer en fonction des frontières nationales ? Nous deviendrions des églises nationales. N'y a-t-il pas d'autres appartenances religieuses dans le monde qui sont dangereusement proche de cela ?

Les conférences épiscopales nationales sont importantes et devraient avoir un rôle clair, mais je ne pense pas que cela devrait inclure ces domaines-là. Cela ressemble dangereusement à une nationalisation du bien et du mal. [...]

De nombreux observateurs parlent d'un "moment africain" dans le catholicisme. Que peut apporter l'Afrique à l'Église pour ses besoins actuels ?

Sans nous vanter ni prétendre que l'Afrique a le monopole sur les bonnes choses, il y a certaines choses que nous pouvons apporter. [Par exemple], les Africains peuvent partager la joie d'être chrétien. Le christianisme est une bonne nouvelle en Afrique. Les jeunes s'engagent dans le christianisme avec un profond sens du sacrifice.

Lorsque j'étais archevêque, j'ai établi un monastère de religieuses bénédictines cloîtrées en 1978, l'année des trois papes. Un couvent italien a envoyé quatre religieuses, trois Italiennes et une Nigériane, pour le fonder. Maintenant il y a 120 moniales. Elles ont fondé un autre monastère au Nigeria avec 50 religieuses, et elles en ont repris plus d'un en Italie, où il y a 10 moniales, tous Nigérianes. Les Italiennes sont décédées, seules restent les Nigérianes. Elles ont aussi envoyé des moniales à d'autres couvents en Italie et en Espagne, tranquillement, sans aucun bruit.

Les jeunes sont prêts à se donner. Ils répondent à l'appel. Les jeunes ne sont pas allergiques au sacrifice, et les Africains peuvent partager cela. Les Africains prennent part à la mission de l'Église.

 

Sources: WDTPRS / Crux. Traduit de l'anglais par Espérance Nouvelle.

 

Lire aussi:

> [VIDEO] : Wherein Card Arinze explains “conscience”

> [VIDEO] Arinze rebuts cardinal’s claim that Catholic faith is unrealistic: ‘Who do you think you are? Greater than Christ?’

> [VIDEO] Romanian doctor at Synod says Cupich, others giving encouragement to homosexuality is ‘criminal’

> Card. Urosa Savino of Caracas to the Synod: Can we contradict the teachings of the Lord, St. Paul, the Church?

> Archbp. Aquila: German bishops promote “cheap grace”

> URGENT: Romanian Greek Catholic Doctor’s speech to Synod! Members (all) get a serious talking to!

> Sam Gregg: Intrinsic Evils, Final Realities, and the Synod

> EWTN (Fr. Murray) analysis of Synod from a couple days ago

> Card. Burke on devolution of doctrine to local bishops and conferences

 

28/09/2015

Sur la communion sacramentelle et la communion spirituelle pour les "divorcés-remariés": une analyse approfondie

Une analyse approfondie de la question de la communion spirituelle pour les personnes "divorcées-remariées" par la revue théologique des Dominicains Nova et Vetera a été rapportée dans un article consacré à ce sujet sur Chiesa espresso :

 

ROME, le 31 décembre 2014 – L’un des trois paragraphes du rapport final du synode qui n’ont pas obtenu l'approbation des deux tiers des pères synodaux est celui qui concerne la communion spirituelle des divorcés remariés.

C’est le paragraphe 53, qui dit textuellement :

"Certains pères ont soutenu que les personnes divorcées et remariées ou vivant en concubinage peuvent recourir de manière fructueuse à la communion spirituelle. D’autres pères se sont demandé pourquoi, alors, elles ne pouvaient accéder à la communion sacramentelle. Un approfondissement de cette thématique est donc requis afin de permettre de faire ressortir la spécificité de ces deux formes et leur lien avec la théologie du mariage".

(...)

La communion spirituelle, en effet, peut être comprise de différentes manières et, pour cette raison, donner lieu à des équivoques qui peuvent même être graves.

Le texte qui suit a été écrit justement afin de clarifier ce point.

Son auteur est le théologien dominicain Paul Jerome Keller, qui est professeur à l'Athenæum of Ohio de Cincinnati, et il a été publié dans le plus récent numéro de l'édition en anglais de "Nova et Vetera". Cette revue de théologie s’était déjà fait remarquer, l’été dernier, en publiant un numéro spécial consacré aux thèmes du synode, sous la forme de huit essais rédigés par le même nombre de savants dominicains américains et prenant des positions différentes de celles du cardinal Kasper.

Les liens permettant d’accéder aux huit articles de ce numéro spécial, en cinq langues, sont disponibles sur la home page de la revue :

> Nova et Vetera

Le nouvel article de Keller peut également être lu dans son intégralité :

> Is Spiritual Communion for Everyone?

Les principaux passages de cet article peuvent être lus ci-dessous.


__________

 

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LA COMMUNION SPIRITUELLE EST-ELLE ACCESSIBLE À TOUS ?

par Paul Jerome Keller, O.P.



Presque oubliée, peut-être, par un bon nombre de catholiques (la plupart d’entre eux n’en ayant même jamais entendu parler) jusqu’à ce que, récemment, le cardinal Walter Kasper y fasse référence, la notion de communion spirituelle a fait, ces derniers temps, les gros titres de la presse catholique. […]

Le cardinal Kasper [...] admet que la communion spirituelle s’applique non pas à tous les divorcés, mais seulement à ceux qui sont dans de bonnes dispositions. Mais il pose alors une question : si une personne qui reçoit la communion spirituellement ne fait qu’un avec Jésus-Christ, comment peut-elle être en opposition avec les commandements du Christ ? Pourquoi, dans ce cas, cette même personne ne peut-elle pas recevoir la communion sacramentelle ? […]

Ce qui est en question, avant tout, c’est la signification de la communion spirituelle. […] Ce que nous appelons communément, de nos jours, "communion spirituelle" est ce qui, pour Saint Thomas d'Aquin, est une communion de désir ("in voto"). Et elle est distincte de la réception spirituelle qui est l'effet que l’on attend d’une réception réelle de la sainte communion. Thomas compare la communion "in voto" au baptême de désir ("flaminis"). Un exemple typique de baptême de désir est le cas d’un catéchumène à qui, s’il meurt avant d’avoir reçu le baptême de l’eau mais en ayant manifesté de manière explicite son désir d’être baptisé, le salut est assuré (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 1259). […]


Le concile de Trente à propos de la communion spirituelle


Le concile de Trente, faisant référence aux enseignements des Pères de l’Église, explique de la manière suivante la distinction entre les trois manières de recevoir la sainte communion :

“[Certains la reçoivent] seulement de manière sacramentelle parce qu’ils sont pécheurs. D’autres la reçoivent seulement de manière spirituelle ; ce sont ceux qui, recevant par le désir le pain céleste qui leur est offert, avec une foi vivante 'à travers l'amour' (Gal. 5,6), en reçoivent les fruits et en tirent profit. Un troisième groupe la reçoit de manière à la fois sacramentelle et spirituelle (canon 8) : ce sont ceux qui s’examinent et qui se préparent par avance à s’approcher de cette table divine, ayant revêtu l’habit de noces (cf. Mt. 22, 11 sq.)”.

Dans le chapitre qui précède immédiatement cet enseignement relatif à la réception de l’eucharistie, le concile insiste sur le fait que la sainte eucharistie ne peut être reçue que de manière digne. […] Le canon 11 de ce même concile est encore plus explicite :

"Si quelqu’un dit que la foi seule est une préparation suffisante pour recevoir le sacrement de la très sainte eucharistie : qu’il soit anathème. Et pour qu’un si grand sacrement ne soit pas reçu de manière indigne et donc pour la mort et la condamnation, ce saint concile statue et déclare que ceux dont la conscience est chargée d’un péché mortel, quelque contrits qu’ils se jugent, doivent nécessairement au préalable se confesser sacramentellement, s’il se trouve un confesseur. Si quelqu’un a l’audace d’enseigner, de prêcher ou d’affirmer opiniâtrement le contraire ou même de le défendre dans des disputes publiques, qu’il soit par le fait même, excommunié". […]


La signification de la communion spirituelle dans les documents récents


Il est assez surprenant que l’on ne trouve de mention de la communion eucharistique spirituelle ni dans aucune des quatre constitutions du concile Vatican II ni dans le Catéchisme de l’Église Catholique. C’est, peut-être, pour cette raison que l'idée de faire une communion spirituelle n’est pas un choix auquel les fidèles de notre temps sont habitués. Lorsque la communion spirituelle est mentionnée dans l’enseignement officiel de l’Église [de Jean-Paul II et de Benoît XVI], il semble que ce soit uniquement sous la forme d’une communion de désir. […]

C’est dans ce contexte que nous pouvons continuer à examiner la question posée par le cardinal Kasper à propos de l’accès des divorcés remariés à la sainte communion, en faisant bien comprendre ce qui est mis en jeu dans le cas de la communion spirituelle.


À qui est-il permis de faire une communion spirituelle ?


Lorsque le cardinal Kasper [...] demande comment il est possible qu’une personne qui ne fait qu’un avec Jésus-Christ parce qu’elle a communié de manière spirituelle soit en contradiction avec les commandements du Christ, il arrive au cœur du problème, parce que l’on doit accepter le Christ dans son intégralité pour être en communion avec lui. Étant donné que le Christ a établi le lien du mariage sacramentel comme étant indissoluble et que, pour cette raison, il ne permet pas que l’on divorce et que l’on contracte un nouveau mariage, une personne qui cherche à se remarier alors que son précédent lien sacramentel de mariage continue à exister n’est pas en droit de prétendre qu’elle ne fait qu’un avec Jésus-Christ, parce que sa situation est en contradiction au moins avec cette partie des commandements du Christ.

C’est pourquoi cette personne n’est pas en mesure de recevoir la communion, ni de manière sacramentelle ni même de manière spirituelle. Seule une personne qui s’efforce véritablement de rectifier ce qui l’empêche d’accéder à la pleine communion avec le Christ peut commencer à être en situation de faire une communion spirituelle. […]

Par conséquent - pour répondre à la préoccupation exprimée par le cardinal Kasper - oui, la personne qui fait une communion spirituelle devrait également pouvoir faire une communion sacramentelle, si elle est dans les dispositions convenables pour cela. Cependant il n’est pas admissible que quelqu’un qui n’est pas dans les dispositions convenables pour faire la communion sacramentelle puisse être considéré comme étant en mesure de faire une communion spirituelle, quelles que puissent être les circonstances.


Clarifications nécessaires


Si l’on se réfère à la distinction thomiste entre la communion spirituelle en tant que repas spirituel ("spiritualis manducatio") et en tant que désir spirituel ("in voto"), il est clair que, pour une personne qui a créé un obstacle à son union avec le Christ en vivant sans respecter ses commandements, aucune de ces deux formes de communion spirituelle n’est possible. Utiliser le même terme, communion spirituelle, pour se référer à deux situations morales différentes et à deux rapports très différents avec l’eucharistie pose un problème.

Nous parlons ici des dispositions correctes par rapport aux dispositions incorrectes pour chacun des deux types de communion. Bien que [l'exhortation apostolique post-synodale de 2007] "Sacramentum caritatis" utilise de manière impropre l’expression "communion spirituelle" pour désigner une possibilité ouverte aux divorcés remariés, une interprétation possible est que le Saint-Père a souhaité encourager ces personnes à commencer à "désirer" la sainte communion de manière appropriée et par conséquent à rectifier leur situation morale. Dans le cas contraire, l’expression indiquerait que quelqu’un qui n’est pas dans les dispositions appropriées pour la communion sacramentelle pourrait néanmoins faire une communion spirituelle. Cette confusion conduit à la question logique qui est posée par le cardinal Kasper. Si on permet à quelqu’un de faire une communion spirituelle, alors pourquoi pas une communion sacramentelle ?

Il convient d’éviter l'erreur qui consiste à considérer qu’une communion spirituelle est ce qui remplace la communion sacramentelle pour les divorcés remariés et, en définitive, pour toutes les personnes qui sont empêchées de recevoir l'eucharistie parce qu’elles sont en état de péché mortel. Au point de vue pastoral, le danger qui est inhérent à cette croyance erronée est que l’erreur et la confusion à propos de la doctrine de l’Église finissent par prédominer, conduisant les gens à penser que le péché qui empêche la communion sacramentelle "n’est, au fond, pas si grave que cela", puisque, en tout état de cause, on peut avoir à sa disposition la réalité de la communion. […]

Ce qui est nécessaire à tout le monde, dans quelque état de vie que ce soit, pour être en mesure de recevoir les grâces résultant de la communion avec le Christ, que celle-ci soit sacramentelle ou spirituelle, c’est une conversion intérieure au Christ et une manifestation de cette conversion dans les actions extérieures et dans la manière de vivre. […]


Implications cultuelles


[…] La grâce est sans cesse au travail. Même la "préparation de l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce" (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 2001). […] Nous ne devons pas rendre imperceptible la distinction qui existe entre le fait de vivre en état de grâce et la grâce d’être incités à la contrition. […] C’est ainsi que le pape Jean-Paul II [dans "Familiaris consortio”] incite les divorcés remariés à s’ouvrir à l'action effective de la grâce, par exemple en écoutant les Saintes Écritures, en se rendant à la messe, en priant, etc.

Le pape nous instruit à propos de ce qui est l'essence du culte chrétien. […] Depuis la révélation du Christ et l'institution du sacrement de l’eucharistie, la seule forme convenable de l’adoration qui est due à Dieu a toujours été pratiquée à travers le Christ et en lui, et elle s’accomplit au plus haut degré dans la célébration de la sainte liturgie. Cela est vrai pour tous les baptisés, qu’ils soient ou non en mesure de participer à la sainte communion. […] Il n’y a personne qui ne puisse tirer profit de la participation à la messe, c’est-à-dire de la célébration liturgique. Même les personnes qui ne peuvent pas accéder à l’expression la plus complète du culte, c’est-à-dire le fait de recevoir la sainte communion, sont toujours en mesure de recevoir des grâces prévenantes en raison de leur repentir, mais aussi des grâces effectives en raison de leur adoration.


Pas la famine, mais la faim


En réponse aux questions posées par le cardinal Kasper à propos de l'accès des divorcés remariés à la sainte communion, nous avons donc montré que celui-ci n’est pas possible. […]

Depuis le temps où saint Paul a donné son enseignement jusqu’à l’époque actuelle, la tradition de l’Église a enseigné de manière constante que les personnes qui reçoivent la sainte communion doivent nécessairement être en état de grâce. […] Même s’il peut y avoir une certaine confusion en ce qui concerne la signification de la communion spirituelle dans le récent enseignement magistériel, il reste fermement établi qu’une véritable communion spirituelle est possible uniquement dans le cas de quelqu’un qui serait normalement disposé à recevoir la communion sacramentelle. […]

Contrairement à ce que le cardinal Kasper semble suggérer, l’Église ne demande pas que les divorcés remariés trouvent le salut de manière extra-sacramentelle. Ce qui leur est proposé, c’est la même possibilité de conversion et de pleine communion – ecclésiale et sacramentelle – qui est offerte à toute autre personne. […] Le cardinal s’interroge : est-ce que ce fait de ne pas pouvoir recevoir l'eucharistie n’est pas un prix trop élevé à payer ? La réponse à cette question dépend de la volonté de l'individu d’être conforme au Christ. Cependant il faut que nous soyons clairs. Ce n’est pas l’Église qui crée l'obstacle qui empêche de parvenir à la pleine communion, mais c’est plutôt l'individu qui perpétue sa décision de porter atteinte à un lien matrimonial sacramentel. […]

Le cardinal Kasper lance par ailleurs la manœuvre de diversion que voici : est-ce que la règle qui ne permet pas de recevoir l'eucharistie ne constitue pas une exploitation de la personne qui est en train de souffrir et d’appeler au secours, comme si nous faisions de cette personne un signal et un avertissement pour les autres ? Cette question fait plus que suggérer que l’Église n’a pas à se préoccuper de protéger les fidèles contre la condamnation que, d’après l’avertissement qui est lancé par saint Paul, ils attirent sur eux-mêmes. En effet, dans le cas où l’Église resterait passive et où elle permettrait à des personnes qui ne seraient pas dans de bonnes dispositions pour cela de recevoir la sainte communion, elle s’exposerait à être jugée pour une autre forme d’exploitation : l'incapacité à empêcher ses enfants de faire ce qui est mal et de commettre des péchés, ainsi que l'incapacité à protéger fidèlement et à dispenser les sacrements. Cette vigilance dont l’Église fait preuve depuis des siècles n’est pas de l’exploitation ou de la manipulation ; c’est purement et simplement de la charité. C’est la préoccupation de la mère de famille qui veille à ce que ses enfants n’ingèrent pas un médicament qui n’est pas le bon et qui pourrait devenir un poison pour eux. […]

Il n’y a pas d’exploitation de la personne qui souffre, que celle-ci soit un divorcé remarié ou bien un catéchumène (qui doit lui aussi être rendu juste de manière sacramentelle avant qu’il ne reçoive la sainte communion). Il n’y a que la main transpercée que nous tend le Crucifié ressuscité. À travers l’Église, celui-ci offre le salut à toute personne qui choisit de se tourner vers le Christ, en se confiant à lui seul même au moment de prendre les décisions les plus difficiles de la vie. Le Christ offre continuellement son corps et son sang afin que tous ceux qui choisissent d’endosser l’habit blanc de noces (cf. Mt 22, 11-14 ; Ap 19, 8) puissent accéder à son banquet éternel.

La fête de l’eucharistie est présentée devant tout un chacun, disposée de telle manière que nous ayons tous la possibilité d’avoir une faim toujours croissante du pain de vie, que ce soit de manière sacramentelle ou spirituelle. Pour chacun des chrétiens, la contrition est ce qui transforme la famine en faim, une faim que le Christ promet de satisfaire bien au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer.

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Dans son essai, Keller fait, à plusieurs reprises, référence à un article paru en 2011 dans l'édition suisse de "Nova et Vetera", qui a été rédigé par son confrère dominicain Benoît-Dominique de La Soujeole :

> Communion sacramentelle et communion spirituelle

La Soujeole fait, dans cet article, une distinction entre la communion de désir et le désir de communion.

Cette distinction, Keller la reprend et la précise. Il préfère employer l’expression "communion de désir" dans le cas des personnes qui ne peuvent pas communier de manière sacramentelle en raison d’empêchements uniquement extérieurs et l’expression "désir de communion" dans le cas des personnes qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pour accéder à la communion sacramentelle mais qui sont sincèrement désireuses de faire disparaître ces obstacles.

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Par Sandro Magister. Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

 

Pour les "divorcés-remariés", la communion... spirituelle ?

Alors que se prépare à Rome pour le mois d'octobre un synode sur la famille, la revue de l’archidiocèse de Paris, Paris Notre Dame, dans sa livraison du 28 novembre 2013 (n°1502, p.6), s’intéresse à la situation des « divorcés-remariés » à travers un article consacré à l’association Miséricorde et Vérité dont la vocation est de proposer « aux personnes, remariées ou non, un itinéraire spirituel pour qu’elles prennent conscience qu’elles demeurent au cœur de l’Église. » [1] 

 

Si le manque crasse de formation sérieuse à la doctrine du mariage catholique lors des préparations au sacrement explique que des personnes abandonnées et non « remariées » puissent douter demeurer au cœur de l’Église, ce qui choque dans cette formulation est que leur condition soit traitée au même titre que celle des personnes dites « remariées » (civilement). Que révèle cette assimilation et comment est-il possible de demeurer au cœur de l’Église lorsque l’on est « remarié » ?

L’expression utilisée dans cet article (...) de « Divorcé-remarié » est un véritable oxymore, puisqu’au regard de la Foi il n’y a pas plus de « divorcés » que ce qu’il y a de « remariés », le mariage étant, comme chacun sait, indissoluble : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » (Mt 19.6). En fait « divorcés-remariés » signifie : « adultères publics ». [2] (...) Je ne considère pas ici le cas des personnes qui, pour diverses raisons, demeurent sous le même toit tout en ayant pris l'engagement de vivre chastement, ni de tous ceux qui, malgré les apparences contraires, ne sont pas adultères, tout simplement parce que l'article en question ne les évoque pas. Je n'entrerai pas non plus ici dans la considération de certaines situations existentielles : il est trop facile de faire jouer « les bons sentiments » au détriment de la charité, qui est amour de la vérité : « Si quelqu’un vient à Moi sans Me préférer à son conjoint ou même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14.26).


Au début de l’article, le père Metzinger, vicaire épiscopal pour la pastorale de la famille de l’archidiocèse de Paris, dément que l’Église rejette les adultères publics, comme certains certainement s’en plaignent. « La vérité […], c’est de leur faire prendre conscience qu’ils sont toujours membres de l’Église. » dit-il. Cette affirmation n'est pas fausse dans la mesure où le péché n’annule pas le baptême, mais elle laisse croire que leur péché affecte si peu l'appartenance à l’Église de ces personnes qu'elles peuvent toujours « bénéficier de la grâce des sacrements »… comme si de rien n'était finalement. De quoi dès lors pourraient-elles encore se plaindre ? Ce que cache ce discours, c’est que tous les baptisés n’appartiennent pas à l’Église de la même façon : il y a ceux qui lui appartiennent comme à la vigne des rameaux vivants et féconds, et il y a ceux qui lui appartiennent comme des sarments secs, destinés, à moins du travail de la pénitence et du miracle de la conversion, au feu éternel (Jn 15.6). Le bénéfice de la grâce des sacrements n'est pas du même ordre pour ceux qui participent aux sacrements en état de grâce et pour ceux qui n'y participent pas, et a fortiori indignement. La présence des adultères publics lors de l'offrande du sacrifice eucharistique, et à d'autres cérémonies, comme aussi l'usage des sacramentaux (qu'à la différence des excommuniés déclarés, les pécheurs publics de ce type peuvent utiliser), et toutes les actions moralement bonnes de dévouement au prochain qu'ils peuvent accomplir, sont une occasion de grâce actuelle pour eux, des dispositions à recevoir à nouveau le Salut, par mode d'impétration, même si ces actions ne sont pas méritoires, puisque non faites en état de grâce (Jn 15.5). C’est en ce sens que j’interprète cette même affirmation dans les textes du Magistère ordinaire récent, par exemple dans la Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi Sur l’accès à la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés disant que ceux-ci : « ne sont en rien exclus de la communion ecclésiale. » [3]. Car enfin, si l’adultère est un péché mortel, on ne voit pas que les adultères participent à la communion ecclésiale, qui est une réalité vivante, ou alors le péché mortel n'est pas mortel... Reste donc que le Magistère ne voit la participation des adultères publics à la communion ecclésiale que sous le registre de la potentialité, attendant du processus de conversion mené à son terme, le passage à son actualité. Dans le cas contraire, elle n’aura été qu’une participation virtuelle. Mais ne pas le dire, ici ou là, n’est-ce pas très gravement contribuer à l’égarement les âmes ?

L’association, soutenue par la Pastorale familiale, se propose« de ‘ramener la paix dans les cœurs’ jusqu’au moment où les personnes acceptent leur situation et peuvent prendre une part active à la vie de l’Église, sans être en rébellion. ». Un tel objectif, semble-t-il dire autre chose que la volonté de tranquilliser des âmes tourmentées par leur état de damnation... afin qu’elles y restent ? N'est-ce pas choquant de lire que l’Église, qui n'a pas d'autre but que le salut des âmes, veuille que les adultères publics « acceptent leur situation » ?  Comment pourront-ils vouloir en changer s'ils doivent l'accepter ? Et quel témoignage est ainsi donné aux personnes abandonnées par leur conjoint mais fidèles aux promesses de leur mariage ? Comment la pastorale de la famille peut-elle se justifier d’aider « les personnes divorcées, remariées ou non » à « vivre de manière différente leur appartenance à l’Église » ? Y aurait-il deux manières de vivre l’appartenance à l’Église : une en étant fidèle et l’autre en étant infidèle ?

 

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Bruno et Anny Perrin « divorcés et engagés dans une nouvelle union depuis seize ans » sont appelés à titre de témoins de cette autre manière d’appartenir à l’Église... Et voici leur témoignage : « Dieu nous réconforte et nous comble autrement ». Comment ? « Par la communion de désir ».

La communion de désir, encore appelée communion spirituelle, voilà donc la notion sur laquelle s’appuie la présente pastorale des adultères publics. Elle leur fait manifestement croire qu’ils peuvent, par la communion de désir, « bénéficier de la grâce des sacrements », au point d'en être « comblés », accéder à l’essentiel de la vie chrétienne de sorte qu’à côté de cet essentiel (qui pour tout baptisé fidèle est la vie divine elle-même), leur péché s’en trouve nécessairement réduit à des dimensions anecdotiques… La proposition faite aux adultères publics de  « la communion de désir », pour appartenir au Magistère ordinaire récent de l’Église [4], pose problème, car, en effet, celle-ci n’est pas, et n’a jamais été, le moyen de communier de ceux qui ne sont pas en état de grâce, mais de ceux qui sont empêchés de le faire pour des raisons indépendantes de leur volonté, comme c’est le cas pour les prisonniers, les malades... En dehors de toute participation souhaitée mais physiquement impossible au Sacrifice de Jésus, Dieu peut donner les fruits de cette participation qui, pour être seulement désirée, n’en est pas moins réelle à Ses yeux, Lui qui tient pour spirituellement acquis ce qui est librement désiré (Mt 6.21 ; 5.28). Toutefois, cette communion, comme toute communion, exclut nécessairement l’attachement au péché, aussi vrai que participer dignement à l’Eucharistie, c’est donner sa vie au Père, et donc, par Jésus, avec Jésus et en Jésus, mourir au monde pécheur… On ne voit pas que l’on puisse à la fois s’unir au Christ dans le mystère de Sa mort (1 Co 11.26) et se refuser à Lui, violer le sacrement de mariage — « signe et instrument efficace » de Son Amour indissoluble parce qu’irrévocable (Mt 19.6 ; 5.32) — et prétendre s’unir à Lui : « Qui n’est pas avec Moi est contre Moi » (Mt 12.30). Raison pour laquelle l’Église primitive demandait aux pécheurs publics de quitter l’église après la liturgie de la Parole, consciente que n’étant pas en état de grâce ils ne pouvaient pas s’unir à l’offrande du Sacrifice de Jésus, ni donc en recevoir les fruits par la communion. Aujourd’hui les adultères publics sont invités à participer à la Messe et à en recevoir la grâce [5] ...

 

Ce que les adultères publics peuvent ainsi malheureusement comprendre est que ne pouvoir physiquement prendre part au sacrement [6] n’aurait en définitive que peu d’importance pour eux puisqu’ils ne seraient en cela privés que de la « théâtralité » des sacrements, de l'aspect public de la liturgie de l’Église, des « apparences » de la communion eucharistique mais non de sa « substance ». Or, on ne voit pas en quoi le fait de ne pas pouvoir recevoir les « espèces » de l’Eucharistie permettrait d’en recevoir la substance… Ou on peut communier ou on ne le peut pas. Ou on est en état de grâce ou on ne l’est pas. Mais si on peut communier, c’est toujours et nécessairement spirituellement qu'on le peut.  « Celui qui s'unit au Seigneur, au contraire, n'est avec lui qu'un seul esprit. » (1 Co 6.17). Communier, c'est ne faire plus qu'un avec Jésus, réellement présent sous les apparences des espèces consacrées. Personne ne communie jamais aux seules apparences, sinon pour sa condamnation (1 Co 11.27-31 ; Lv 7.21-22) ! Communier au Corps du Christ implique toujours et nécessairement de le faire spirituellement, c’est à dire d’accueillir le Christ tel qu’Il est en Lui-même, avec foi et par amour, et non pas seulement avec ses dents, comme sauraient le faire aussi les chiens ! « Ne donnez pas ce qui est sacré aux chiens !» (Mt 7.6).

Comment comprendre que l’on en soit arrivé, de fait, à présenter la communion spirituelle comme compatible avec le péché ? [7] Parce que la vie spirituelle est invisible aux yeux de ceux qui n’ont pas l’Esprit du Christ, elle pourrait leur être présentée comme la nuit enchantée servant à vivre cachés ce qu’ils ne peuvent vivre au grand jour ? Parce que la vie spirituelle est invisible aux yeux de chair, elle permettrait de tromper les innocents sur son contenu ? Pas vu, pas pris ? Mais pour qui a l’Esprit du Christ, la vie spirituelle n’est pas le monde de la religiosité New-Age, faite d’imagination, livrée à la subjectivité. Elle est aussi réelle que ce qu’elle contient la substance même des réalités du monde visible : « Ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les Cieux. » (Mt 18.18)...

« En renonçant à la communion sacramentelle, nous communions à la croix du Christ. » confessent Bruno et Anny, accusant ainsi non seulement l’Église de blesser le Christ par la demande qu’elle leur fait de ne pas communier, mais encore le Christ de Se contredire, Lui qui a dit : « Qui vous écoute, M’écoute. » (Lc 10.16 ; Mt 18.18)… Si l’Église, par sa discipline, fait porter au Christ une croix, et si les adultères publics sont les saints qui portent avec Lui cette croix, quel est le rôle des responsables de la pastorale familiale ? [8]

Si « Ce que confesse la foi, les sacrements le communiquent » (CEC n°1692), qu'est-ce que la foi qui n’a pas besoin de sacrements pour communiquer ce qu'elle confesse ? Est-ce encore la foi ? Quel est le sens de l’excommunication (Can 915) si l’excommunié peut quand même « bénéficier de la grâce des sacrements » ? [9] Qu’est-ce qui est véritablement important : les sacrements ou la grâce qu’ils donnent ? S’il en est ainsi que l’on puisse « bénéficier de la grâce des sacrements » tout en vivant dans le péché, qu’est-ce que le péché ? Et qu’est-ce que la grâce ? 

Bref, en donnant aux personnes qui ne sont objectivement pas en état de grâce, le conseil de communier spirituellement, non seulement on court le risque de les encourager à demeurer dans leur situation objective de péché, mais on fausse leur relation ‒ et celle de toute l’Église ‒ au Mystère de Jésus-Eucharistie, laissant croire qu'Il donnerait ce que Son Église interdit ... A moins que ce ne soit l’Église qui veuille aujourd’hui donner ce que son Seigneur interdit ?

Prions pour le prochain Synode sur la famille, car le temps s'y annonce houleux. [10] Que Dieu nous préserve de la pastorale amie de la « dureté de cœur » (Mt 19.8) !

Abbé Guy Pagès

 

[1] J’avais déjà à l’occasion d’un semblable article paru dans la même revue le 10 avril 2008 et intitulé « Divorcés-remariés : vivre sa foi au grand jour » fait entendre une semblable critique, manifestement en vain… Je la réitère donc.

[2] « Le premier don de l'amour (...), celui qui s'impose le plus évidemment, c'est celui qui consiste à servir la vérité, toute la vérité, à dévoiler et à réfuter l'erreur, sous quelque forme, sous quelque masque ou déguisement qu'elle se présente. » (Pie XII, Encyclique Mit Brennender Sorge, n°36).

[3] La Documentation Catholique, n°2103, 6 novembre 1994, p.931. Quant à dire que les "divorcés-remariés" ne sont pas excommuniés, c'est vrai au sens où ils n'ont pas été condamnés à l'issue d'un procès canonique, mais c'est faux au sens où n'étant pas admis à la communion eucharistique, ils sont bel et bien ex-communiés... comme c'est le cas de tous les pécheurs, qui se sont exclus d'eux-mêmes de la communion eucharistique du fait de leur péché, raison pour laquelle ils doivent demander le sacrement du pardon avant que de pouvoir à nouveau se présenter à la sainte table. Dire que les adultères publics ne sont pas excommuniés, est utiliser un langage certes canoniquement juste, mais équivoque au regard de l'accès à la communion eucharistique, aussi vrai qu'il y a un lien essentiel entre la communion eucharistique et la communion ecclésiale, toutes deux Corps du Christ... Bref, si tous les excommuniés ne peuvent communier, il y a aussi des non-excommuniés qui ne peuvent pas non plus communier.

[4] Cf. par exemple : Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique, Sur l’accès à la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés : « Il faut aider les fidèles à approfondir leur compréhension de la valeur de leur participation au sacrifice du Christ dans la messe, de la communion spirituelle, de la prière, de la méditation de la parole de Dieu, des œuvres de charité et en faveur de la justice. » (La Documentation Catholique, n°2103, 6 novembre 1994, p.931) ;

Recommandations du Conseil pontifical pour la famille, La pastorale des divorcés remariés : « Témoin et gardien du signe matrimonial, l’évêque – ainsi que les prêtres, ses collaborateurs –, désireux de conduire son peuple vers le salut et le vrai bonheur, ne manquera pas [...] d'amener la communauté chrétienne à une compréhension plus approfondie de l’importance de la piété eucharistique, comme par exemple : la visite au Très Saint Sacrement, la communion spirituelle, l’adoration du Très Saint Sacrement. »(La Documentation Catholique, n°2156, 16 mars 1997, p.261) ;

Document de la Commission familiale de l’Épiscopat, Les divorcés remariés dans la Communauté chrétienne : « Toutefois, ceux qui ne peuvent pas recevoir ces sacrements peuvent accueillir les dons du Christ dans la prière, dans un souci de conversion permanente, dans la communion spirituelle et par une vie remplie de charité. », La Documentation Catholique, n°2054, 19 juillet 1992, p.709.

[5] « Il faut aider les fidèles [le terme « fidèles » est ici curieusement choisi pour désigner les adultères publics…] à approfondir leur compréhension de la valeur de leur participation au sacrifice du Christ dans la messe, de la communion spirituelle, de la prière, de la méditation de la parole de Dieu, des œuvres de charité et en faveur de la justice. »Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique, Sur l’accès à la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés, La Documentation Catholique, n°2103, 6 novembre 1994.

[6] Car il reste encore cet ordre des choses, cette armature de la vie chrétienne léguée par la Tradition, qui résiste, mais pour combien de temps encore ? Ne voit-on pas en effet des évêques appeler de plus en plus ouvertement, comme fin 2013 en Allemagne, à ce que les adultères publics reçoivent la communion même physiquement ? Évoquer à ce sujet la pratique des Églises orthodoxes est fallacieux, car pendant les cinq premiers siècles, les Églises d'Occident et d'Orient professaient la même doctrine du mariage et vivaient en conséquence sous la même discipline, et ce n'est qu'au seizième siècle que l'Eglise de Constantinople a toléré les transgressions à l'indissolubilité du mariage, puis approuvé le divorce.

[7] Que révèlent entre mille autres faits similaires les récentes obsèques de Lucien Neuwirth, la bénédiction du remariage civil de baptisés déjà sacramentellement mariés, le rituel de bénédiction que leur a concocté Mgr Doré en 2004, les évêques allemands voulant donner la communion eucharistique aux adultères publics, et plus largement les directives liturgiques de Redemptionis Sacramentum superbement ignorées, si la relation à Jésus-Eucharistie est « source et sommet de la vie chrétienne » (LG 11) ? 

[8] Peut-on les imaginer se rendre ensemble à la Messe du martyr de saint Jean-Baptiste…

[9] Certes, ils bénéficient de « de la grâce des sacrements » parce que l’Église prie à la Messe pour la conversion des pécheurs.

[10] Certains invoquent en effet « le pouvoir qu’a l’Église d’absoudre tous les péchés » pour justifier le retour en grâce des adultères publics, comme si l’Église pouvait pardonner un péché sans que celui-ci soit d'abord condamné, abandonné et autant que possible réparé par son auteur... L’Église ne peut pas défaire ce que Dieu a fait (Mt 19.6). Il n'y a pas de salut en dehors de la conversion et de la pénitence (Mt 3.8 ; 4.17 ; 11.20 ; Lc 13.3,5). Quant au fait que le canon 8 du concile de Nicée (325) soit aujourd'hui cité pour justifier le "remariage" des "divorcés", il faut dire que la condition faire aux Novatiens d'admettre le remariage s'entendait certainement du cas de ceux qui, après leur baptême, ont conclu de nouvelles noces en vertu du privilège paulin. «  En tout cas, l’Église ne peut construire sa doctrine et sa pratique sur des hypothèses exégétiques incertaines. Elle doit s'en tenir à l'enseignement clair du Christ. » (Joseph Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Sur la pastorale des fidèles divorcés remariés, n°1). Cf. aussi : Sur l'indissolubilité du mariage et le débat sur les divorcés remariés civilement et les sacrements, S. Exc. Mgr Gerhard Ludwig Müller,  Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

 

Par l'abbé Guy Pagès, le 30 janvier 2014

 

27/09/2015

Cardinal Ouellet : communion spirituelle et communion sacramentelle 1ère partie

Le Cardinal Marc Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les Evêques, a publié un article en deux parties le 11 juillet sur le site de la Conférence des évêques d'Italie (partie 1 et partie 2). Ce texte est une réponse à la question posée au n. 53 du Rapport final du Synode extraordinaire des Evêques qui s’est tenu l’année dernière sur le thème « Les défis pastoraux sur la Famille dans le contexte de l’Évangélisation » :

« Si la communion spirituelle est possible pour les divorcés remariés alors pourquoi pas la communion sacramentelle ? ».

Le cardinal Ouellet a souhaité que la traduction française de ce texte soit porté à la connaissance des lecteurs du Salon Beige.

I – communion spirituelle et communion sacramentelle : unité et distinction 

 « Certains Pères ont soutenu que les personnes divorcées et remariées ou vivant en concubinage peuvent recourir de manière fructueuse à la communion spirituelle. D’autres Pères se sont demandé pourquoi, alors, elles ne pouvaient accéder à la communion sacramentelle. Un approfondissement de cette thématique est donc requis afin de permettre de faire ressortir la spécificité de ces deux formes et leur lien avec la théologie du mariage. »[1]

La proposition 53 du Synode extraordinaire sur la famille demande un approfondissement de la thématique de la communion spirituelle et sacramentelle et son rapport à la théologie du mariage. L’invitation est donc lancée aux théologiens afin qu’ils apportent aux pasteurs l’éclairage indispensable pour une orientation pastorale cohérente et fructueuse.

6a00e55214ffbe8834017ee92ac74b970dAvant d’aborder l’application de cette distinction au cas qui nous occupe, rappelons tout d’abord la tradition de l’Église catholique à ce sujet qui semble être sombrée dans l’oubli. De nos jours, la facilité avec laquelle tout le monde communie a fait s’estomper chez beaucoup le sens spirituel profond de la communion eucharistique. Un certain désir de participation active au plan social a supplanté l’exigence fortement ressentie auparavant de l’état de grâce pour s’approcher de la communion. C’est pourquoi il faut rappeler l’enseignement de la tradition catholique sur la distinction et l’unité entre la communion sacramentelle et la communion spirituelle tel qu’il a été compris et transmis au long des siècles.

Dès les origines saint Paul est intervenu en toute clarté sur les dispositions requises pour manger et boire dignement le corps et le sang du Seigneur : « Que chacun s’éprouve soi-même, avant de manger ce pain et de boire cette coupe; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur mange et boit sa propre condamnation » (1Co 11, 28-29). Parmi ces dispositions ressortent au premier plan la charité et l’unité qui faisaient défaut chez les Corinthiens auxquels il adresse cet avertissement. L’Apôtre indique au chapitre précédent le fondement de ces dispositions : « Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps; car tous nous participons à cet unique pain » (1Co 10, 16-17). L’Apôtre unit ainsi inséparablement le corps eucharistique du Christ et son corps ecclésial.

Saint Augustin prolonge cette doctrine paulinienne de l’union spirituelle au corps sacramentel et ecclésial du Christ. « Mais si vous êtes le corps et les membres du Christ, n’est-ce pas votre emblème qui est placé sur la table sacrée, votre emblème que vous recevez, à votre emblème que vous répondez Amen, réponse qui témoigne de votre adhésion? On te dit : Voici le corps du Christ. Amen, réponds-tu. Pour rendre vraie ta réponse, sois membre de ce corps. »[2]

Autant il décrit la vertu unitive de ce sacrement, autant il insiste sur les dispositions pour une authentique communion spirituelle : « Prendre cette nourriture et boire ce breuvage n’est donc autre chose que demeurer dans le Christ et le posséder en soi-même à titre permanent. Par là même, et sans aucun doute, quand on ne demeure pas dans le Christ, et qu’on ne lui sert point d’habitation, on ne mange point (spirituellement) sa chair, et on ne boit pas non plus son sang, quoiqu’on tienne d’une manière matérielle et visible sous sa dent le sacrement du corps et du sang du Sauveur. »[3]

Origène, commentant le Lévitique, parle dans le même sens en décrivant la communion spirituelle de l’âme sainte comme une manducation du Verbe : « Le lieu saint c’est l’âme pure, et c’est en ce lieu qu’il nous est commandé de manger le Verbe de Dieu. Car il ne convient pas qu’une âme non sainte mange ce qui est saint : mais quand elle se sera purifiée de toute souillure de la chair et des mœurs, alors devenue “lieu saint”, qu’elle prenne la nourriture de ce pain qui est descendu du ciel! »[4]

Saint Thomas d’Aquin recueille la Tradition apostolique et patristique et l’enrichit au moyen de ses distinctions caractéristiques dont celles que nous cherchons à mieux comprendre. Il les élabore en détails en traitant de la manducation du sacrement dans la question 80 de la IIIa pars, articles 1 à 12. Voici un extrait du onzième article:

Il y a deux modes de recevoir ce sacrement, le mode spirituel et le mode sacramentel. Or il est évident que tous sont tenus de le manger au moins spirituellement, car ce n’est pas autre chose que s’incorporer au Christ, comme nous l’avons dit. Mais la manducation spirituelle inclut le vœu ou le désir de recevoir ce sacrement, nous l’avons déjà dit. Et par conséquent, sans le vœu de recevoir ce sacrement, l’homme ne peut obtenir le salut.[5]

Le Docteur Angélique s’efforce ensuite de préciser, sans nécessairement opposer, la communion sacramentelle et la communion spirituelle car elles sont ordonnées l’une à l’autre.

La manière parfaite de manger ce sacrement est celle où on le reçoit de telle façon qu’on perçoit son effet. Mais il arrive parfois, nous l’avons dit, qu’on soit empêché de percevoir l’effet de ce sacrement; et cette manière de manger est imparfaite. Puisque la différence entre le parfait et l’imparfait est un principe de division, la manducation sacramentelle, par laquelle on consomme le sacrement sans obtenir son effet, est distinguée, par opposition, de la manducation spirituelle par laquelle on perçoit l’effet de ce sacrement, lequel unit spirituellement au Christ par la foi et la charité.[6]

La différence dont il parle ici concerne celui qui communie sacramentellement avec les justes dispositions spirituelles et perçoit par conséquent l’effet spirituel du sacrement, et celui qui ne communie que sacramentellement sans en percevoir le fruit parce qu’il lui manque les dispositions de foi et de charité. Sa réponse aux objections précise encore la même chose : « La manducation sacramentelle qui produit la manducation spirituelle ne se distingue pas de celle-ci par opposition, mais elle y est incluse. »[7]

Bref, il y a un mode parfait et un mode imparfait de communier, le mode parfait identifiant communion sacramentelle et spirituelle, la première nourrissant la seconde; le mode imparfait étant soit celui de la communion sacramentelle sans l’effet spirituel faute de dispositions, ou encore la communion spirituelle de désir (in voto) sans la communion sacramentelle à cause d’un quelconque empêchement. Thérèse de Jésus exhortait ses filles à cette pratique fructueuse :

Quand vous ne communierez pas, mes filles, et que vous entendrez la messe, vous pouvez communier spirituellement, c’est extrêmement profitable, et ensuite vous recueillir en vous-mêmes; cela grave profondément en nous l’amour de ce Seigneur; lorsque nous nous disposons à recevoir, jamais il ne manque de trouver une façon de donner, même à notre insu.[8]

La tradition catholique s’appuie surtout sur la doctrine du Concile de Trente à propos de la communion eucharistique, en réponse aux positions protestantes. Elle distingue clairement trois cas : la communion sacramentelle des pécheurs qui n’est pas spirituelle parce qu’indigne; la communion spirituelle sans la manducation du sacrement; et la communion parfaite, sacramentelle et spirituelle :

Pour ce qui est de l’usage, nos pères ont justement et sagement distingué trois manières de recevoir ce saint sacrement. Ils ont enseigné que certains ne le reçoivent que sacramentellement en tant que pécheurs. D’autres ne le reçoivent que spirituellement: ce sont ceux qui, mangeant par le désir le pain céleste qui leur est offert avec cette « foi » vive « qui opère par la charité » (Ga 5,6), en ressentent le fruit et l’utilité. D’autres, enfin, le reçoivent à la fois sacramentellement et spirituellement: ce sont ceux qui s’éprouvent et se préparent de telle sorte qu’ils s’approchent de cette table divine après avoir revêtu la robe nuptiale (Mt 22,11-14).[9]

L’unité et la distinction des deux formes de communion n’est pas toujours clairement perçue de nos jours à cause d’une certaine banalisation de la communion que nous avons évoquée au début, qui est à l’opposé de la pratique déficiente de la communion sacramentelle pendant des siècles, que le jansénisme a aggravée dans les temps modernes par excès de moralisme, mais que saint Pie X a efficacement combattue par la promotion de la communion fréquente[10].

Influencés par ces épisodes, certains estiment que la communion spirituelle est une alternative insuffisante (ersatz) à proposer aux personnes divorcées et remariées. Nous y répondrons dans un prochain article à la lumière de l’enseignement que nous avons rappelé, qui laisse entrevoir de réelles perspectives de miséricorde encore à découvrir.

Marc Cardinal Ouellet


[1] Synode des évêques, IIIe Assemblée générale extraordinaire, Les défis pastoraux sur la famille dans le contexte de l’évangélisation. Relatio synodi, 18 octobre 2014, n. 53.

[2] Saint Augustin, Sermon cclxxii, dans : Œuvres complètes, vol. V., Bar-Le-Duc, 1866, 379.

[3] Saint Augustin, Vingt-sixième traité sur saint Jean, dans : Œuvres complètes, vol. X., Bar-Le-Duc, 1864, n. 18, 532.

[4] Origène, Homélies sur le Lévitique, (Sources chrétiennes 287), xiii, 5, 220.

[5] Somme théologique, IIIa pars, Paris, Tournai et Rome, Desclée et Cie, 1967, q. 80, a. 11, 129.

[6] Ibid., a. 1, 53-54.

[7] Ibid., ad 2, 55.

[8] Thérèse d’Avila, « Le chemin de la perfection » dans : Œuvres complètes, Bruges, Desclée de Brouwer, 1964, xxxv, 1, 489.

[9] Denzinger-Hünermann, Symboles et définitions de la foi catholique, Paris, Cerf, 1996, n. 1648, 442 (Désormais DH). Cf. aussi le huitième canon sur le saint sacrement de l’eucharistie : « Si quelqu’un dit que le Christ présenté dans l’eucharistie est mangé seulement spirituellement et non pas aussi sacramentellement et réellement: A.S. » (DH 1658)

30/07/2015

Cardinal Robert Sarah : « Qu’on nous écoute ou pas, nous parlerons »

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ARTICLE | Famille chrétienne | 10/06/2015 | Numéro 1952 | Par Aymeric Pourbaix et Jean-Marie Dumont
Au prochain Synode sur la famille, les évêques africains n’ont pas l’intention de permettre que les débats soient monopolisés par l’Occident déclinant. Entretien avec leur figure de proue, le cardinal Robert Sarah. Tonique !
 
Avez-vous le sentiment que l’Afrique a été la grande oubliée du Synode sur la famille ?
Elle s’est exprimée et on ne l’a pas oubliée ! On n’a pas voulu l’entendre mais elle a bien été présente. Nous étions tout sauf silencieux !
Sur quels sujets les évêques africains se sont-ils particulièrement engagés ?
Notre souci est d’encourager, de mettre en valeur, de protéger la beauté de la famille. Sans la famille il n’y a pas de société ni d’Église. Ni même d’avenir. La famille est le lieu où l’on apprend à servir les autres, à les aimer, à leur parler, à les supporter. C’est aussi là que se transmettent les valeurs, la culture, la foi.
Quelle est la spécificité, à cet égard, de l’Afrique ?
Nous aimons la famille, notamment la famille élargie, la famille nombreuse, l’Église-famille. Nous avons conscience d’être la famille de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Notre vision philosophique c’est que l’homme n’est rien sans la femme et que la femme n’est rien sans l’homme, et que les deux ne sont rien sans un troisième élément qui est l’enfant. L’enfant est une bénédiction, un don précieux de Dieu. La famille, c’est un homme et une femme qui s’aiment mais aussi qui sont ouverts à la transmission de la vie.
Vous avez l’impression que ces aspects se sont perdus en Occident ?
Regardez l’Occident qui vieillit, qui n’a pas d’enfants. C’est comme un suicide collectif.
Y a-t-il un risque de contamination, pour les Églises en Occident ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre ! Si vous vous baignez dans une rivière boueuse, vous en ressortez couvert de boue ! En vivant dans un certain contexte, on risque de se laisser contaminer. Je pense que l’Église en Occident reste fidèle à sa mission. Mais il faut craindre que l’ambiance culturelle, l’absence de Dieu, la sécularisation, puissent la contaminer. Je ne dis pas que c’est fait, mais le risque est là !
Comment faire face à ce danger ?
Il faut avant tout que l’Occident retrouve ses racines, c’est-à-dire Dieu ! Nous vivons dans un contexte culturel où Dieu est absent. Les chrétiens sont dans une ambiance d’apostasie silencieuse. Tant que l’Occident ne retrouve pas les fondements de son être, son identité, sa culture chrétienne et Dieu Lui-même, je ne vois pas comment il peut revivre.
Quels pourraient être les moyens concrets conduisant à cette résurrection ?
L’évangélisation, les sacrements. Mais aussi la sacralité, la beauté de la liturgie, tout faire pour susciter une ambiance favorisant un réel contact avec Dieu. La liturgie permet ce lien vital, personnel et intime avec Dieu. C’est pourquoi il faut qu’elle soit la plus belle possible.
Le pape a évoqué la colonisation idéologique exercée actuellement par l’Occident en Asie. Vous évoquez le même sujet pour l’Afrique et vous y voyez la marque du diable…
En créant Adam et Ève, Dieu a créé la famille. Le mariage est un don que nous recevons de Dieu. Chercher à le détruire par des lois ne peut venir que du démon. Celui-ci cherche à briser l’œuvre de Dieu. C’est le cas aussi lorsqu’on redéfinit le mariage et la famille, comme cela s’est produit dans votre pays. Aucune civilisation dans l’Histoire n’a légiféré sur l’union matrimoniale de personnes de même sexe, comme vous l’avez fait l’an dernier.
Comment se passe, concrètement, cette colonisation ?
La plupart des gouvernements africains s’entendent dire : si vous n’acceptez pas la théorie du gender, si vous n’acceptez pas les droits des homosexuels, le droit à l’avortement, vous n’aurez pas d’aide financière. Le droit se trouve ainsi dénaturé. C’est la raison pour laquelle le pape dit : il faut vous rebeller, il faut dire non au colonialisme idéologique qui détruit la famille.
Connaissez-vous des pays africains qui disent non ?
Le Sénégal, par exemple. En arrière-plan se trouve la question suivante : pourquoi les pays occidentaux ne veulent-ils pas accueillir l’Asie ou l’Afrique avec leurs richesses et leurs valeurs culturelles propres ? Pourquoi penser qu’il n’y a que la manière ou la vision occidentale de l’homme, du monde, de la société, qui soit bonne, juste, universelle ? L’Église doit se battre pour dire non à cette nouvelle colonisation.
Est-ce l’un des enjeux du Synode ?
Au Synode d’octobre prochain, nous allons, je l’espère, aborder la question du mariage de façon avant tout positive, en cherchant à promouvoir la famille et les valeurs qu’elle porte. Les évêques africains interviendront pour soutenir ce que Dieu demande à l’homme sur la famille et accueillir ce que l’Église a toujours enseigné.
Les évêques africains sont-ils tous déterminés à aller dans ce sens-là ?
On n’a pas besoin de se concerter pour réaffirmer que le mariage est un et indissoluble. C’est quelque chose de connaturel ! Certains se concertent pour être plus forts, croyant que ce sont les pressions qui l’emportent. Comme si la doctrine était une question de pression ! En Afrique de l’Ouest on donne aux futurs mariés un fruit appelé la cola : la moitié au marié, l’autre à la mariée, et ils doivent la manger. Une fois que c’est fait, le maître de cérémonie dit : restituez-moi la cola comme elle était avant. Et ils répondent : c’est impossible ! Cela symbolise le fait que le mariage ne se casse pas. Même chez les païens cette indissolubilité du mariage est reconnue.
Ne peut-on pas envisager des exceptions ?
Jésus a-t-Il évoqué une exception ? Ce que Dieu a uni, l’homme ne peut le défaire. Ce n’est pas une intransigeance ni un fondamentalisme. C’est une loi de Dieu, qui veut le bien de la famille. On pourrait me dire : mais j’ai mieux réussi dans mon deuxième mariage ! D’accord, toi tu as réussi, mais tes enfants ont-ils réussi ? Et ta femme a-t-elle réussi ? La cassure d’un mariage, les brisures psychologiques et la terrible souffrance que provoque un divorce, sont-elles une réussite ? Peut-on construire sa réussite et son bonheur en imposant au conjoint et aux enfants des brisures et des souffrances humaines irréparables ?
Est-ce qu’on a assez parlé des enfants pendant ce Synode ?
On n’en parle presque jamais ! Alors que c’est le vrai drame de l’Occident. Pensez à toutes ces familles où les enfants sont ballottés entre leurs parents séparés. Et la personne qui est abandonnée, alors qu’elle avait tout donné, quelle souffrance ! Personne ne peut consoler cette cassure-là ! Or on ne pense pas à ces gens qui souffrent ! On a seulement pitié de ceux qui contractent un nouveau mariage civil et qui veulent communier. Pourquoi une telle myopie ?
Y a-t-il de vraies fractures aujourd’hui au sein de l’Église ?
Entre ceux qui suivent le Christ ou qui suivent Dieu, il n’y a pas de fracture. Le Christ est leur rocher. Si on s’appuie sur Lui, il n’y a pas de division. Ceux qui s’éloignent de Lui ne causent pas une fracture. Ils se détachent. Mais ils ne cassent pas l’Église. Ils quittent Jésus, son enseignement et son Église.
Que dire aux chrétiens qui ont été désemparés lors du Synode d’octobre dernier ?
Dites-leur de lire Dieu ou rien [le livre d’entretien avec le cardinal qui vient de paraître chez Fayard] ! Notre secours est dans le nom du Seigneur, disons-nous souvent. Ce livre a l’unique intention de consolider la foi des gens, de les rassurer, en leur rappelant que Dieu a parlé et qu’en vivant sa parole nous sommes en sécurité. Dieu a confié sa parole à l’Église. En suivant l’Église et ses enseignements, nous sommes en sécurité. Suivons courageusement et fidèlement celui qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie  »: Jésus Christ, Lui, la Parole de Vie et la Lumière.
Malgré les épreuves ?
Oui ! Regardez : des gens meurent par fidélité à leur foi en Jésus aujourd’hui, au Pakistan, au Moyen-Orient, en Afrique. Ils meurent égorgés pour la parole de Dieu et le témoignage de leur foi. Et nous, nous voulons annihiler l’Évangile, le réduire au minimum. Que les chrétiens aient des yeux ouverts pour regarder ceux qui meurent pour le Christ. Ils sont un Évangile vivant.
Pour vous, qu’est-ce que l’Afrique apporte aujourd’hui à l’Église ?
L’Afrique a toujours été impliquée dans le projet de Dieu. Regardez la Révélation ! Lorsque Dieu a voulu établir une alliance avec l’homme, cela a commencé en Égypte. C’est l’Afrique qui a sauvé Jésus : quand Hérode cherchait à Le tuer, Marie et Joseph se sont réfugiés en Égypte. C’est un Africain qui a aidé Jésus à porter la croix : Simon de Cyrène ! Dès le départ Dieu a voulu impliquer l’Afrique dans le salut du monde. Car « ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui, dans le monde, est sans naissance et que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi pour réaliser le salut de l’humanité » (cf. 1 Co 1, 27).
Les derniers papes ont-ils pris la mesure du rôle de l’Afrique ?
Absolument ! Ils lui ont manifesté toute leur confiance. Paul VI a déclaré en 1969 : « La nouvelle patrie du Christ, c’est l’Afrique ». L’Afrique s’ouvre largement à l’Évangile, comme le montre la croissance du nombre de chrétiens, passés en un siècle de 2 millions à 200 millions (voir Repères). Benoît XVI a dit que l’Afrique était le poumon spirituel de l’humanité. Jean-Paul II, de son côté, a déclaré que le nom de chaque Africain était inscrit sur les paumes crucifiées du Christ. Autrement dit, l’Afrique, dans sa pauvreté, sa faiblesse, ses maladies… est utilisée par Dieu pour manifester sa puissance. C’est pourquoi nous voulons prendre nos responsabilités. Qu’on nous écoute ou qu’on ne nous écoute pas, nous parlerons et on entendra notre parole. Nous nous exprimerons avec respect, délicatesse, mais aussi avec force, en nous appuyant uniquement sur Dieu, notre force.
 
Repères
En Afrique, le nombre des chrétiens est passé en un siècle de 2 millions à 200 millions.
Entre décembre 2001 et décembre 2011, on y a enregistré une augmentation de:
+ 39,5% de prêtres diocésains et de religieux ;
+ 18,5% de religieux non prêtres  ;
+ 28% de religieuses.
(Annuaire 2011 des statistiques de l’Église.)
 
Le pape a récemment cité un auteur, Mgr Benson, lequel, dans son ouvrage Le Maître de la terre, décrit d’une manière prophétique beaucoup de dérives actuelles…
Ce qui se passe aujourd’hui, surtout en Occident, est une œuvre du démon. Le plus grave est de vouloir imposer ces dérives aux autres continents et cultures. On nous parle des droits de l’homme, mais n’avons-nous pas des droits nous aussi, à ne pas nous voir imposer toutes ces perversions ?
Le règne de l’Antéchrist semble plus fort que jamais…
L’Église ne doit pas avoir peur ! Le Christ a dit : « N’ayez pas peur ! » Jean-Paul II l’a redit. L’Église ne doit pas avoir peur de dire l’Évangile et sa foi en Dieu, qu’elle soit écoutée ou non. C’est sa mission. Celle reçue du Christ Lui-même !
C’est le seul vrai pouvoir qu’elle ait : le pouvoir de la parole ?
Une parole qui sauve l’humanité. Si vous parlez avec clarté et fermeté pour révéler Dieu et sa Parole de Vérité, on vous dit : c’est un fondamentaliste, c’est un intolérant. Mais ce n’est pas vrai ! Est-ce que vous êtes intolérant quand vous dites à votre enfant : mentir ou tricher ce n’est pas bien ! Si vous laissez faire, vous êtes coupable. Et l’Église peut aussi être coupable de se taire. Les chrétiens persécutés, même si on les tue, ne se taisent pas. Leur voix est plus limpide, plus forte et plus glorieuse que la haine, la violence, la confusion mentale de leurs persécuteurs. Si on a peur d’être maltraité, il suffit de regarder ceux qui, autour de nous, meurent pour Jésus, et nous retrouvons courage et force. Leur sang réveille notre foi endormie ou anesthésiée par la mondanité. Il faut aujourd’hui plus de courage à l’Église, aux chrétiens, aux évêques.
Vous le leur dites ?
Je ne dis pas que la manière de m’exprimer a la délicatesse qu’il faudrait. Cependant Jean Baptiste avait des paroles rudes et sévères. Il disait « Engeance de vipères » ! Ce n’était pas très délicat comme parole ! Jésus aussi a été très sévère : Il a fouetté les vendeurs du Temple. Il faut parfois aussi de saines et fraternelles colères comme celle de Jésus. Dieu donne une mission difficile aux prophètes : parlez, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas. Dans le livre d’Ézéchiel, il avertit et explicite la responsabilité du messager divin : quand tu vois le danger venir et que tu n’avertis pas le coupable, s’il meurt, c’est toi qui es responsable. Mais si tu l’avertis et qu’il n’écoute pas, c’est lui le responsable. Notre responsabilité c’est de dire, de parler au nom de Dieu et de Lui seul !
À temps et à contretemps ?
Oui ! En trouvant la pédagogie, la forme, la parole juste pour dire les choses sans trahir la doctrine et sans blesser les personnes.
Il faut commencer par le clergé, si on vous suit bien ?
Bien sûr ! Si le moteur est cassé, la voiture a beau avoir une belle carrosserie, elle ne bouge pas ! Le clergé est le moteur. C’est pourquoi la formation du clergé, sa vie intérieure, est fondamentale. C’est ce que le Christ a fait avec ses Apôtres : pendant trois ans, Il les a pris avec Lui, dans le désert, pour les former avant de les envoyer. Faire naître les gens à la grâce est une responsabilité que nous mendions auprès de Dieu. On n’enseigne pas et on ne conduit pas les autres à Jésus sans L’avoir soi-même rencontré. Saint Jean dit : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l’annonçons ! » Nous ne sommes pas des professeurs qui communiquent une science apprise dans les livres, nous sommes des témoins. Si, à la fin d’une journée, vous n’avez pas eu cinq minutes avec le Seigneur Jésus, comment voulez-vous conduire les gens à Jésus et les nourrir de sa parole ?
Un évêque africain disait au Concile qu’il suffit de quelques saints pour convertir un pays…
Regardez le Curé d’Ars : n’a-t-il pas changé la France ? Mère Teresa n’a-t-elle pas changé le monde ? Les douze Apôtres n’ont-ils pas bouleversé et transformé le monde par le nom de Jésus !
La France a-t-elle pour vous un rôle spirituel spécifique à jouer ?
Ce n’est pas pour rien qu’on dit que la France est la fille aînée de l’Église. Ce n’est pas un titre, c’est une mission ! Regardez ce que la France a fait pour porter la civilisation chrétienne à travers le monde, en Afrique, en Asie. Voyez les missionnaires français qui ont parcouru le monde. Ce que je suis, ce que je dis, je l’ai reçu de vous, de la France. Je ne sais pas s’il se trouve un pays qui a produit autant de saints ! La France a un rôle essentiel à jouer, y compris du point de vue de la culture, de la civilisation. Mais si elle reste païenne, sécularisée, elle ne le fera pas.
La France, éducatrice des peuples ?
Bien sûr ! Être fille aînée de l’Église est une responsabilité. Et je pense qu’elle continue à jouer ce rôle aujourd’hui malgré les apparences. La France est le pays qui a vu naître beaucoup de nouveaux mouvements religieux. On y perçoit les signes d’une renaissance. Ce n’est pas le nombre de chrétiens qui fait la beauté de l’Église. Le printemps de l’Église, ce sont les saints que le Christ continue à susciter dans son Église. 
 
Médias et liturgie : « Le président de Guinée m'a appelé… »
«  En tant qu’Africain, je suis très surpris de voir que beaucoup de chrétiens, lors des messes pontificales à Rome, n’ont qu’une seule préoccupation : prendre des photos, et se comportent comme s’ils ne se trouvaient pas devant Dieu. Je dois dénoncer l’envahissement des médias, des photographes dans nos célébrations eucharistiques. Même les prêtres qui concélèbrent ont l’audace de prendre des photos. L’Église catholique doit réfléchir et prendre des mesures fermes devant ce phénomène scandaleux et choquant. Les autres croyants, notamment musulmans, sont écœurés et choqués de voir cela dans nos célébrations. Les processions, qui nous conduisent à la célébration du grand mystère de notre foi, sont faites sans aucun recueillement, comme si nous entrions dans un théâtre, sans aucun émerveillement, sans aucune frayeur religieuse de nous trouver face à face avec Dieu. Les célébrants bavardent et discutent sur toutes sortes de futilités en avançant vers l’autel du Seigneur  ! Pour illustrer mon propos, je vous raconte un fait. C’était la consécration de l’église de Saints-Pierre-et-Paul de Bonfi, à Conakry. Il y avait la télévision guinéenne pour couvrir l’événement, et le prêtre responsable des émissions de « La Voix de l’Évangile », qui assurait lui aussi le reportage de la liturgie. Le prêtre portait les ornements liturgiques puisqu’il concélébrait et, accroché à son cou, il avait son appareil photo et jouait sa fonction de journaliste, en même temps qu’il concélébrait. Et la télévision l’a pris en flagrant délit. L’image a été diffusée le dimanche soir. Dès le lendemain matin, le président de la République, M. Lansana Conté, qui est musulman, m’a fait appeler et m’a dit textuellement : “J’ai vu hier soir aux émissions religieuses un de tes prêtres prendre des photos pendant la prière. C’est inadmissible  ! Ce n’est pas le travail du prêtre. Le prêtre doit faire prier les fidèles. Il est le représentant de Dieu au milieu des fidèles et en même temps celui qui nous aide à être attentifs à Dieu. Il ne faut plus qu’il recommence. Si tu as besoin d’un cadreur ou d’un technicien de prises de vues pour les émissions religieuses, demande-le moi, je donnerai immédiatement la personne compétente”. En effet, ce type de compor­tement ne se vérifiera jamais dans une mosquée, car les musulmans ont plus de respect du sacré que la plupart des chrétiens. Ce qui se passe à la basilique Saint-Pierre pendant les célébrations pontificales mérite un examen sérieux. Je reconnais que les temps de silence se sont énormément améliorés. Il faut chercher à vivre la liturgie dans le plus grand respect, un profond sens du sacré et en nous tenant face à Dieu. »
Cardinal Robert Sarah
 
Aymeric Pourbaix et Jean-Marie Dumont

 

Lire l'entretien sur le site de Famille chrétienne:

> Le cardinal Robert Sarah : « Qu’on nous écoute ou pas, nous parlerons »

Famille chrétienne n°1952 du 13 au 19 juin 2015, pp. 10-15

> Acheter le numéro 1952 de Famille chrétienne

 

> Divorce et miséricorde: témoignage d'une mère abandonnée

> Jean-Paul II: "Le chrétien authentique a le devoir de rejeter énergiquement le divorce"

> Cardinal Sarah sur le synode: "Il faut plus de courage à l'Église, aux chrétiens, aux évêques"

 

03/12/2014

Le mariage à vie serait trop doctrinal : mais alors à quoi sert la formation chrétienne ?

Par le Père Jerry Pokorsky, curé de la paroisse Saint Michel Archange, à Annandale (Virginie) | France catholique | 24 novembre 2014

 

L’Église dépense pas mal d’argent pour la formation des prêtres et des religieux. Du séminaire ou de la formation en couvents aux ateliers de formation continue et aux retraites, les fidèles en supportent le coût.
En toute justice, que reçoivent ces fidèles en retour ? (...)
Les fidèles -tel mon neveu qui bosse dur - supportent une dépense considérable pour leurs prêtres et religieux. Et ils méritent qu’on en tienne compte.
Cette question m’est venue à l’esprit lors d’une croisière où j’étais engagé comme aumônier. (...)
Une religieuse d’un certain âge participait à la croisière. Elle n’avait pas l’air d’une nonne, et ne s’attendait pas à ce qu’on lui parle comme à une nonne, et ne portait pas les vêtements d’une nonne (à moins que la règle actuelle pour les nonnes impose baskets et survêtement).
Cependant, elle s’exprimait comme une nonne, révélant des années de formation, ateliers et retraites. Pour nous, gens du métier, c’était clair : elle parlait religion et liturgie. J’espérais que tout se passerait bien, j’ai été presque exaucé.
Vers la fin de la croisière, je surpris un discours que tenait la Sœur à un couple de jeunes touristes. Elle expliquait que l’avenir de l’Église consisterait à s’ouvrir aux divorcés remariés afin de donner à chacun sa chance après un mariage raté. [En réalité s'ouvrir au divorce et au remariage, car en ce qui concerne les personnes, l’Église accueille depuis toujours tous ceux qui décident de vivre réellement ce qu'elle enseigne à la suite du Christ dans une démarche de conversion, NdEspN] (J’avais décidé au début de m’astreindre au silence, navigant dans les eaux agitées d’une nonne moderne. Je ne ferais aucun commentaire sur le vêtement peu canonique de notre Sœur-à-prendre-comme-elle-est.) Nous sommes, nous dit-on, au XXIe siècle. Mais là, la Sœur parlait de doctrine. Elle contredisait les paroles mêmes du Christ. “Ce que Dieu a uni, l’homme ne peut le défaire.” L’esprit du Cardinal Walter Kasper flottait en elle. Mais en toute justice je devais à ces deux jeunes la lumière de la doctrine - ils avaient participé aux frais de ma croisière, après tout -. Malgré ma tactique de laisser-dire, laisser-faire au cours de la croisière, je devais intervenir.
Je dis à la Sœur que si l’enseignement de l’Église sur le mariage allait changer, il faudrait que l’Église s’oblige à présenter ses excuses à Henry VIII, à révoquer la canonisation de saint Thomas More, à blâmer saint Jean Baptiste, à canoniser Hérode et Hérodiade, et effacer de l’Ancien Testament l’histoire de Sodome et Gomorrhe. Réponse instantanée de la Sœur : “Je ne crois pas à la doctrine, je crois à l’amour.” Puis, haussant les épaules, elle s’en alla.
Après le départ de la nonne, un des deux jeunes, à mon immense joie, exprima sa confiance renouvelée en la foi catholique et s’étonna que quelqu’un puisse imaginer que l’enseignement de l’Église soit susceptible de changements. Pour moi, mission accomplie. J’espère avoir bien payé mon passage avec ma subtilité de marteau-piqueur.
Au cours du vol de retour, je songeais à cette sombre histoire. Une femme dédiée au Christ - une femme ayant reçu de bienfaiteurs laïcs le gite et le couvert, et les frais de sa formation, de son instruction - capable de ramener son ministère à un texte qu’on pourrait graver en épitaphe sur un tombeau : “Je ne crois pas à la doctrine, je crois à l’amour.”
En reconnaissance de l’argent dépensé en faveur des prêtres et religieux, serait-ce trop demander que nos bienfaiteurs reçoivent la foi, toute la foi, rien que la foi ?

En Allemagne, n'ont accès aux sacrements que ceux qui paient la taxe - Le Saint Siège s'y oppose, mais rien n'a changé

La taxe est une sorte de condition «sine qua non» pour l'accès aux sacrements. Cette décision a été contestée par le Saint-Siège à l'époque de Jean Paul II et de Benoît XVI.

 

L'Eglise allemande est une véritable puissance économique: la seule Caritas allemande emploie 500 mille personnes à temps plein, alors que le groupe Volkswagen en emploie 389 mille.
Tout cela grâce à la Kirchensteuer, l'impôt ecclésiastique qui en en 2012 a transmis de l'Etat à l'Eglise 5,9 milliards d'euros. Un chiffre six fois plus élevé que le huit pour mille de l'Eglise italienne qui a aussi deux fois plus de fidèles que celle teutonique.

Où est le problème?
Alors qu'en Italie, vous décidez librement de donner ou pas le huit pour mille, en Allemagne, c'est un véritable taxe imposée par l'État à ceux qui, pour l'état civil, sont catholiques.
Elle est donc obligatoire. On ne peut y échapper qu'en sortant formellement de l'Église, avec une conséquence grave: un décret de la Conférence épiscopale allemande a établi que le rejet de la contribution implique, pour les fidèles, la perte de l'appartenance à l'Eglise.
La taxe est une sorte de condition «sine qua non» pour l'accès aux sacrements. Cette décision a été contestée par le Saint-Siège à l'époque de Jean Paul II et de Benoît XVI.

(Antonio Socci - Libero, 23 novembre 2014)

 

Bien qu'elle s'autoproclame "Église des pauvres", l’Église allemande est une véritable puissance économique car elle bénéficie de colossales entrées de l’État, dues à la Kirchensteuer, la taxe ecclésiastique qui, en 2012, a canalisé en ses caisses 5,9 milliards d'euros. Pour être clair, c'est un chiffre huit fois supérieur au 8 pour 1000 de l’Église italienne, bien que l’Église allemande ne comprenne que 24,3 millions de catholiques (moins que la moitié des catholiques en Italie).
Le mécanisme aussi est différent. En Allemagne - en dépit de la séparation entre Église et État, tant encensée par les progressistes - il s'agit d'une véritable taxe imposée à ceux qui sont enregistrés à l'état civil comme catholiques (ce qui arrive aussi aux protestants au profit de l’Église évangélique).
La justice et le respect de la liberté voudraient qu'elle soit une taxe à laquelle on se soumet librement. Au contraire, elle est devenue pratiquement une sorte de "super-sacrement", supérieur au baptême, car la taxe et l'appartenance à l’Église coïncident et vous ne pouvez vous soustraire à la taxe que si vous sortez de l’Église, avec la très grave conséquence d'être considérés apostats et d'être exclus des sacrements (y compris les obsèques à l’Église).
Un décret de la Conférence épiscopale allemande a établi que le refus de la contribution implique, pour le fidèle, la cessation de son appartenance à l’Église".
Une telle position inouïe est contestée par le Saint Siège et déconcerte particulièrement car dans le même temps la majorité de l'épiscopat allemand fait pression pour une Église "miséricordieuse" et "proche du monde", avec la demande de communion aux divorcés remariés, le dépassement du célibat sacerdotal, l'assouplissement des "liens" en matière d'éthique sexuelle, etc.".

Le philosophe Robert Spaemann, ami de Joseph Ratzinger, a observé qu'en Allemagne, "des hommes niant la résurrection de Jésus restent professeurs de théologie catholique et peuvent prêcher en tant que catholiques. Par contre les fidèles qui ne veulent pas payer la taxe du culte sont chassés de l’Église. Il y a quelque chose qui ne va pas."

(Antonio Socci - 21 novembre 2014)

 

10/10/2014

Synode sur la famille: le Cardinal Napier parle de la communion pour les polygames

Dans une interview au CNS, le Cardinal Napier, franciscain et archevêque de Durban en Afrique du Sud, déclare, au sujet de la communion pour les divorcés-remariés: "Puisque les gens d'Europe qui se sont remariés, comme les gens disent aujourd'hui, sont dans une polygamie séquentielle, pourquoi les Africains qui pratiquent la polygamie simultanée n'auraient-ils pas droit aux mêmes 'avantages' ? Après tout, dans leur culture, c'est socialement acceptable." Le cardinal Sud Africain a voulu montrer par là que l’Église ne peut pas s'aligner sur les normes socialement acceptées si celles-ci sont en contradiction avec l'enseignement du Christ.

La notion de droit naturel telle que présentée par le Cardinal à la fin de cet extrait est malheureusement mal exprimée. La loi naturelle telle qu'elle est reconnue et enseignée par l’Église catholique (Catéchisme de l’Église catholique, articles 1952 et suivants) est celle qui est établie par Dieu dans la nature humaine, et pas l'ensemble des pratiques que l'homme considère comme naturelles.